dimanche 5 juillet 2015

Nuit blanche en tenue noire

5 heures et des poussières, samedi matin. Je quitte l'école d'architecture et m'en vais chercher l'un des premiers trams de la journée. Je regrette d'avoir mis cette robe, hier soir, au moment où je croise les dames du plus vieux métier du monde. Faudrait pas qu'on me confonde avec une fille de petite vertu, hein, j'ai fini ma nuit, les gars, et j'irais bien me coucher maintenant, sans encombres si possible.
 
Je me sens toute bizarre, en franchissant la Loire. L'impression d'avoir vécu un truc fort mais fugace, un peu exceptionnel.
 
Il y a moins de huit heures, commis, poinçonneurs, serveurs, nous écoutions tous les instructions de "Gigi", la maîtresse d'œuvre de cette soirée à part. Ce soir, pour le lancement de la nouvelle saison du Voyage à Nantes - événement culturel qui a lieu chaque été dans la ville - 30 chefs étaient conviés pour proposer "le service du Van", de... minuit à 4 heures du matin. Un truc un peu dingue qui nous laissait tous dans l'inconnu, Gigi y compris. Sans nier que ça allait être chaud, elle nous laissait avec un "de toute façon, si ça se passe mal, on se casse!"
 
 
Le calme avant la tempête...
 
On savait tous que nous irions jusqu'au bout, sinon c'est pas drôle. En tenue de combat - comprenez ma veste et mon pantalon noirs, parfaits en cas de canicule pour perdre des litre de sueur - les cinq commis que nous étions avons donc attendu l'arrivée des chefs à notre pôle. J'avais choisi le "chaud". Notre mission? Dresser les assiettes pour 500 premiers couverts dès minuit, sachant que 1500 convives étaient espérés au bout de la nuit.
 
500 couverts en une heure? Soit 9 secondes par assiette, s'amusait alors à calculer une proche d'un chef. Pas si compliqué avec trois éléments dans le plat, un peu plus chaud dès lors que sont arrivés les premiers pickles, radis émincés et autres sauces multicolores.
 
Alors, on a attendu la grosse vague, on a dressé, trop vite, jusqu'à devoir remettre en étuve les assiettes refroidies. Et puis, soudain, le rush, les gens qui arrivent comme un raz de marée et le mode automatique, où chacun, concentré et précis, se met à dresser sans discontinuer. Ah, ce shoot d'adrénaline!
 
Il y a eu le premier chef, le deuxième, le troisième... Chacun offrant une assiette juste parfaite, sous l'œil attentif de leurs confrères, l'un ayant fini donnant un coup de main au suivant, l'autre nous indiquant de mettre LA feuille de basilic pile à cet endroit, cet autre nous rappelant de gérer le stock d'oignons confits...
 
Et puis, un moment, une personne qui dit "stop", parce que le flux s'est ralenti et que si l'on continue de dresser, on va être bon pour tout remettre au chaud. Et puis le doute. Et si nous n'avions pas les 1500 couverts attendus? Et si tous les chefs ne pouvaient pas servir leur assiette?
 
Au final, on aura vécu une nuit un peu hors du temps, une sorte de tourbillon intense et chaleureux, avec des moments de répit inattendus, le temps de régaler ses papilles. C'est même avec un verre à la main qu'on a dressé les dernières assiettes.

On a eu des "mercis", des sourires, deux, trois brefs éclats de voix, des rigolades, l'impression de faire partie d'une équipe extra. Et quand, à 5 heures du matin, on s'est mis à boire le Muscadet au goulot, j'ai eu l'impression d'avoir 20 ans et toute la vie devant moi.
 
Bref, j'ai été commis pour le Voyage à Nantes.

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