vendredi 9 janvier 2015

Je pense à...

 
 
Je pense à ma réaction, mercredi midi, lorsque j'ai appris.
 
J'ai fouillé dans ma mémoire. Nous venions de fêter la nouvelle année, loin du 1er avril. Je ne lisais pas un article du Gorafi, mais bien le terrible premier récit du Monde.
 
Un attentat contre Charlie Hebdo. Douze personnes étaient mortes sous les balles de fanatiques. En plein cœur de Paris.
 
Nous étions mercredi, Loulou était juste à côté de moi. J'étais bien incapable de cacher mon incompréhension, mon effroi, bien incapable de cesser ma lecture. On a allumé la télé, comme tout le monde, contre toute raison. Pourquoi montrer de telles images à un enfant de 11 ans?
 
Je pense à cette curiosité morbide qu'on peut tous ressentir dans ce genre de situation exceptionnelle.
 
Je pense au regard de Loulou, mi-fasciné, mi-éberlué. D'un coup, la réalité a dépassé celle des jeux-vidéo qu'il affectionne.
 
Je pense à moi, quand j'avais son âge, riant devant les dessins croqués en deux secondes par Cabu, sur Récré A2. Si j'avais pu imaginer que ce grand ado mal coiffé connaîtrait pareil destin...
 
Je pense à Hassan et Touria, un couple d'amis dont je n'ai plus de nouvelles depuis des années, mais avec qui j'avais sympathisé lors d'un voyage en Turquie. Ces Marocains d'origine vivaient dans le Nord de la France et ils m'avaient invitée, à notre retour, chez eux. Des gens simples, des musulmans qui vivent leur foi et ne demandent rien à personne.
 
J'ai souvent pensé à eux, après les attentats du 11 septembre, parce que j'imaginais qu'ils étaient des victimes directes, eux aussi, de cette barbarie, à devoir se justifier, à subir les regards courroucés de certains imbéciles, au nom de leur foi en une religion désormais "suspecte" ou au moins crainte.
 
Je pense à l'émotion intense qui nous submerge, à l'évocation de l'attentat, à ces larmes que j'ai senti couler sur mes joues alors que je conduisais, à l'écoute d'un reportage sur la minute de silence dans le métro.
 
Je pense à mes amis journalistes qui ont brandi leur carte et crié à la liberté d'expression, sur Facebook notamment. Pour la première fois depuis des années, j'ai pensé que mon métier de base, je pourrais l'exercer et y trouver une utilité réelle, si je remettais la main à la pâte.
 
Je pense à cette récupération politique qui ne peut que nous éloigner davantage de ces élites incapables de faire front commun.
 
Je pense à la guerre. Nous sommes en guerre. J'aimerais exagérer. J'aimerais être parano. Pourtant, j'écris ces lignes alors même que deux prises d'otage sont toujours en cours, l'une en Seine et Marne, l'autre en plein Paris. Qui dit qu'un autre fanatique ne va pas lancer une offensive ailleurs, pendant que les forces de police sont déjà mobilisées?
 
Je pense et j'ai mal.
 
J'ai mal mais je continue de penser.
 
 
 
 
 
 

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