jeudi 11 décembre 2014

Ce que je vais faire de ma peau

Les mains visqueuses à dépiauter un pied de veau, je me suis interrompue quelques secondes pour contempler le spectacle.
 
J'ai observé mes petits camarades, devant moi, dans cette grande cuisine.
 
Je les ai vus virevolter, s'agiter, mettre la main à la pâte et j'ai pensé que, voilà, il était temps de partir.
 
Demain, c'est mon dernier jour de formation en cuisine. Après huit mois d'apprentissage, de rires, de larmes, de labeur, de sueur, d'envies, de doutes, je quitte le centre avec la sensation, finalement, d'avoir grandi.
 
"Finalement", car je reviens de tellement loin que je n'étais pas certaine de pouvoir remonter et j'avais, il y a dix jours encore, l'impression d'avoir creusé ma propre tombe.
 
Aujourd'hui, ça va. J'ai passé, de nouveau, quelques tests (des "situations", comprenez des examens blancs) et je consacre ces derniers jours à réaliser des recettes qui changent un peu de notre quotidien (d'où le pied de veau, qui complète la farce de la terrine de faisan... pas le genre de plats que je cuisine régulièrement).
 
Pour m'être régulièrement assoupie dessus, épuisée, je crois connaître à peu près par cœur le sommaire de "Cuisine de référence" - le bouquin so old school mais tellement indispensable pour qui veut apprendre le BAba de la cuisine française - et je rêve de garnitures aromatiques, de fonds, blancs, bruns, de fumets parce que, enfin, j'ai accepté d'apprendre, vraiment, les bases de notre gastronomie. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, je sentais chez moi une certaine résistance face à ces menus traditionnels, avant de comprendre qu'ils allaient sans doute m'aider, au quotidien, pour concocter tout le reste.
 
Bon, que Ginette Mathiot ne se retourne pas dans sa tombe, je ne lui ferai pas d'ombre et je reste définitivement attirée par une cuisine sans doute plus "mondialiste", qui pioche ses influences aux quatre coins de la planète, en toute humilité, on est d'accord (vous avez cru que la mouette était devenue mégalo? Je vous rassure, y'a du boulot). Mais enfin, je suis quand même drôlement contente d'avoir compris, enfin, les diverses techniques qui permettent à la cuisine française d'être ce qu'elle est.
 
Je suis contente, aussi, de terminer maintenant cette formation, même si j'aurais tellement de choses à apprendre encore. Je sens qu'il était temps pour moi de partir.
 
"Mais alors, que vas-tu faire?" s'inquiètent déjà certains de mes camarades. Déjà, je vais finir de me préparer pour passer mon titre pro de cuisinier, puisque l'examen n'est fixé qu'en février, a priori. Ensuite, je vais m'atteler, enfin, au CAP pâtisserie car je suis en retard par rapport au programme (je me suis inscrite pour le passer en juin 2015, je n'ose penser à tous les candidats qui potassent depuis la rentrée, hum).
 
Enfin, je vais pouvoir souffler, un peu, et prendre suffisamment de hauteur, j'espère, pour envisager l'avenir.

Que vais-je faire de ma peau?

Je n'en ai aucune idée, sincèrement. Je ne suis sûre que d'une chose: il y a encore moyen de rigoler, dans une telle jungle...

2 commentaires:

  1. Je suis soufflée par tant de ténacité, de courage, de capacité à rebondir… tu en auras besoin sans doute en restauration ! mais oui, il y a la place possible pour être joyeuse, et je te le souhaite, de tout coeur. Je t'embrasse

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  2. J'aime ce petit ton phylosophico-optimistico-culinaire ;-) Et puis ça donne envie de voir la suite, pour toi et pour tous ceux qui sont en reconversion, réorientation ou redirection, avec leur lot de doutes, un moment donné...!

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