dimanche 26 octobre 2014

L'histoire de la tête bof bof bien rangée

Autant vous le dire, fallait pas me causer, mardi soir. J'étais en train de brûler dans les flammes de l'enfer, celles du désespoir, de l'incompréhension, du chaos.
 
OK, je revenais de Marseille, ceci peut expliquer cette légère hyperbole.
 
N'empêche. J'étais au fond du trou.
 
Le week-end précédent, sous le soleil du sud, je maudissais mon balai qui, cette teigne, ne me quittait plus. Et puis, prise de conscience le dimanche matin, alors que j'étais entourée d'amis, dans un cadre idyllique et une température estivale... Oui, alors que ça aurait dû aller, ça n'allait pas. Je me suis un peu effondrée. Quelques seaux de larmes plus tard, à peu près assez pour remplir la piscine dans laquelle nous nous étions par ailleurs prélassé la veille, je demandais la note à mes amies, pour cette thérapie improvisée. Et surtout, j'avais avoué.
 
Oui, j'étais en extrême difficulté. Non, je ne me sentais pas (plus?) à ma place, ni en cuisine, ni en pâtisserie. Je cherchais la fuite, un moyen de couper court à ce qui devenait un cauchemar.
 
Chaque jour, je me sentais glisser un peu plus vers les ténèbres...
 
Touchez le fond, qu'ils disaient, vous n'en remonterez que mieux.
 
Mouais. Lundi matin, j'étais à l'aéroport de Marseille, il n'était pas 6 h du matin et je cogitais déjà. A 8h30, comme par miracle, j'étais en tenue de cuisine pour démarrer la journée au centre. Au menu: éclairs au chocolat.
 
Au départ, j'ai pensé "Chouette, j'ai envie de faire un peu de pâte à chou, ça fait longtemps, toussa, toussa".
 
J'ai refait deux fois ma pâte. Et puis deux fois ma crème pâtissière. Le chef avait demandé des éclairs gourmands? J'ai inventé un concept, l'éclair-kebab, ou l'éclair-panini, selon les préférences culturelles.
 
Ce concept-là, sûre que personne ne me le piquera.
 
Vous l'aurez compris, je rêvais d'éclairs à la Christophe Adam (enfin, de très loin, on est d'accord, mais vous voyez bien le principe), dans ma grande naïveté, j'ai eu un espèce de truc moche et improbable... Ça ressemblait un peu à des croissants, en fait. Et pan dans ma pomme, eh eh eh (Adam... Pomme... OK, je sors)

(Oui, quelques jours après, je peux en rire. Enfin, un peu).
 
Heureusement, comme le chef, il est trop sympa, il nous a donné une seconde chance. Allez, le lendemain, chacun retournait au même poste.
 
Vous savez quoi? Je les ai encore foirés.
 
Vous imaginez un peu mon état. J'aurais été dans un avion s'écrasant sur le World Trade Center le jour du tsunami japonais, ça n'aurait pas été pire, sans vouloir en rajouter dans mon côté marseillais.
 
Convoquée par les deux chefs, je me suis assise face à eux et là, je me suis effondrée. Ils n'ont pas forcément été tendres, bien sûr, fort logiquement, mais je crois que personne ne pouvait se montrer plus dur avec moi, ce jour-là, que... moi-même.
 
On fait comment, lorsqu'on s'embarque dans une voie, contre l'avis de certaines âmes bien avisées, et qu'on se casse la gueule? On fait genre, "ça ira mieux demain?"
 
Il paraît que je me mets trop de pression, que je vise des objectifs inatteignables, que je suis très mal organisée, que j'intellectualise trop, que, que... Je sais (presque) tout ça. Je suis jugée par des professionnels, logique que la sanction tombe.
 
Si j'avais pu me réfugier chez les Yanomani ou les Papous, j'aurais pris un aller direct.
 
A la place, je les ai fixés et j'ai laissé couler les larmes sur mes joues, comme une gosse prise en faute qui lâcherait les vannes.
 
Que personne ne me parle de sécheresse, j'ai assuré la profondeur des nappes phréatiques nantaises pour quelques saisons.
 
"Enfin, il n'y a pas de raison que vous n'y arriviez pas", a repris l'un des chefs. "Vous avez deux bras, deux jambes, une tête qui fonctionne plutôt pas mal... Enfin, même si elle n'est pas très bien rangée en ce moment..."
 
Il a pointé là sur le hic. Ma tête, c'est le Bronx. Alors, j'ai décidé de les écouter, d'aller goûter de nouveau au plaisir de cuisiner sans pression, juste pour renouer avec les sensations perdues.
 
Je ne dis pas que c'est gagné, on est d'accord. Mais ce soir, un pot au feu de canard, un amuse-bouche et des samoussas de canard (oui, je l'ai fait à toutes les sauces, celui-là) plus tard, je n'ai plus envie de jeter mes couteaux, mes douilles et mon calot.
 
A moi de faire le tri et d'envisager la cuisine comme une immense salle de jeu...

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