mardi 28 octobre 2014

Du gore en cuisine

Tout est parti d'une proposition alléchante. On m'a demandé si je voulais avoir les mains douces. Et comment! Si elles sont écorchées et privées d'une longueur d'ongles décente pour ressembler à des membres féminissimes, mes menottes n'allaient quand même pas refuser pareille opportunité.
 
Dans la minute, j'avais les mains... dans la graisse. Pas de cambouis ni de moteur à démonter, non, j'étais un peu désespérée la semaine dernière, mais pas au point d'embrayer un virage en mécanique.

Non, non, de la graisse d'oie. Qu'il fallait séparer du gésier, après avoir enlevé le meilleur, aka les boyaux. Le petit côté granuleux, ça et là? Ah, les derniers repas des bêtes, des céréales, haricots et des grains de maïs même pas prémâchés (pauvres oies, comme si elles avaient un dentier, aussi).
 
Miam.
 
Bon, vous devez vous poser des questions. Je devrais peut-être reprendre au commencement, c'est-à-dire à lundi matin.
 
Je me réveille en sursaut après un drôle de rêve (des histoires de couteaux qui se déplacent tout seuls) (j'ai renoncé à chercher) (et non, je n'irai pas voir de psy pour en parler). Un coup d'œil au réveil. 5h33. Oh, je peux me rendor... Mais oh, non! Je dois être à 6h pour mon premier jour de stage chez un traiteur, c'est-à-dire, oui c'est ça, dans 27 minutes.
 
J'avais bien programmé le réveil. Mais juste oublié d'enclencher le bouton. Le vieil acte manqué.
 
Telle une furie, j'ai donc sauté dans mes vêtements et j'étais finalement en tenue à l'heure dite, contente d'être là, pour ce dernier stage de ma formation, chez un traiteur, vous disais-je, réputé sur la place nantaise.
 
Après une première journée sans histoire, le rythme s'est accéléré aujourd'hui, avec cette opération coup de poing d'oie et de canards: le chef est allé en chercher 3 tonnes dans le Sud de la France, ce lundi, et c'est donc tout le personnel qui s'est concentré sur le dépiautage de ces drôles de bêtes bien grasses.
 
Et c'est comme ça que, bien appâtée par cette promesse d'avoir les mains plus douces que si j'avais passé quinze jours dans un bain d'aloé vera, j'ai pu prendre un malin plaisir à diviser l'appareil digestif des oies en trois parties, la graisse, les gésiers et les boyaux remplis de miam-miam.
 
Impossible de prendre une photo et je n'ai pas trouvé grand-chose de parlant sur la toile. Mais croyez-moi, en termes de gore, l'exercice est plutôt intéressant. Niveau dangerosité aussi, si je m'en réfère aux deux glissades qui auraient pu me propulser direct "stagiaire Gaston Lagaffe du mois", si je ne m'étais pas rattrapée à l'arrache, après avoir rippé sur des boyaux et autres bouts de tête qui traînaient, sur le sol sanguinolent.
 
Tout ça pour avoir les mains douces... Je sens que je vais encore rêver de couteaux qui se déplacent tout seuls, moi. Pas de quoi s'inquiéter. Non, ma préoccupation est ailleurs. Je me demande juste s'il est normal d'adorer avoir ainsi les mains dans la gadoue. Une petite régression, peut-être?

...

Le premier qui me parle d'aller voir un docteur de la tête, je lui sépare les gésiers de sa graisse, il fera moins son malin.

Non, mais oh.

dimanche 26 octobre 2014

L'histoire de la tête bof bof bien rangée

Autant vous le dire, fallait pas me causer, mardi soir. J'étais en train de brûler dans les flammes de l'enfer, celles du désespoir, de l'incompréhension, du chaos.
 
OK, je revenais de Marseille, ceci peut expliquer cette légère hyperbole.
 
N'empêche. J'étais au fond du trou.
 
Le week-end précédent, sous le soleil du sud, je maudissais mon balai qui, cette teigne, ne me quittait plus. Et puis, prise de conscience le dimanche matin, alors que j'étais entourée d'amis, dans un cadre idyllique et une température estivale... Oui, alors que ça aurait dû aller, ça n'allait pas. Je me suis un peu effondrée. Quelques seaux de larmes plus tard, à peu près assez pour remplir la piscine dans laquelle nous nous étions par ailleurs prélassé la veille, je demandais la note à mes amies, pour cette thérapie improvisée. Et surtout, j'avais avoué.
 
Oui, j'étais en extrême difficulté. Non, je ne me sentais pas (plus?) à ma place, ni en cuisine, ni en pâtisserie. Je cherchais la fuite, un moyen de couper court à ce qui devenait un cauchemar.
 
Chaque jour, je me sentais glisser un peu plus vers les ténèbres...
 
Touchez le fond, qu'ils disaient, vous n'en remonterez que mieux.
 
Mouais. Lundi matin, j'étais à l'aéroport de Marseille, il n'était pas 6 h du matin et je cogitais déjà. A 8h30, comme par miracle, j'étais en tenue de cuisine pour démarrer la journée au centre. Au menu: éclairs au chocolat.
 
Au départ, j'ai pensé "Chouette, j'ai envie de faire un peu de pâte à chou, ça fait longtemps, toussa, toussa".
 
J'ai refait deux fois ma pâte. Et puis deux fois ma crème pâtissière. Le chef avait demandé des éclairs gourmands? J'ai inventé un concept, l'éclair-kebab, ou l'éclair-panini, selon les préférences culturelles.
 
Ce concept-là, sûre que personne ne me le piquera.
 
Vous l'aurez compris, je rêvais d'éclairs à la Christophe Adam (enfin, de très loin, on est d'accord, mais vous voyez bien le principe), dans ma grande naïveté, j'ai eu un espèce de truc moche et improbable... Ça ressemblait un peu à des croissants, en fait. Et pan dans ma pomme, eh eh eh (Adam... Pomme... OK, je sors)

(Oui, quelques jours après, je peux en rire. Enfin, un peu).
 
Heureusement, comme le chef, il est trop sympa, il nous a donné une seconde chance. Allez, le lendemain, chacun retournait au même poste.
 
Vous savez quoi? Je les ai encore foirés.
 
Vous imaginez un peu mon état. J'aurais été dans un avion s'écrasant sur le World Trade Center le jour du tsunami japonais, ça n'aurait pas été pire, sans vouloir en rajouter dans mon côté marseillais.
 
Convoquée par les deux chefs, je me suis assise face à eux et là, je me suis effondrée. Ils n'ont pas forcément été tendres, bien sûr, fort logiquement, mais je crois que personne ne pouvait se montrer plus dur avec moi, ce jour-là, que... moi-même.
 
On fait comment, lorsqu'on s'embarque dans une voie, contre l'avis de certaines âmes bien avisées, et qu'on se casse la gueule? On fait genre, "ça ira mieux demain?"
 
Il paraît que je me mets trop de pression, que je vise des objectifs inatteignables, que je suis très mal organisée, que j'intellectualise trop, que, que... Je sais (presque) tout ça. Je suis jugée par des professionnels, logique que la sanction tombe.
 
Si j'avais pu me réfugier chez les Yanomani ou les Papous, j'aurais pris un aller direct.
 
A la place, je les ai fixés et j'ai laissé couler les larmes sur mes joues, comme une gosse prise en faute qui lâcherait les vannes.
 
Que personne ne me parle de sécheresse, j'ai assuré la profondeur des nappes phréatiques nantaises pour quelques saisons.
 
"Enfin, il n'y a pas de raison que vous n'y arriviez pas", a repris l'un des chefs. "Vous avez deux bras, deux jambes, une tête qui fonctionne plutôt pas mal... Enfin, même si elle n'est pas très bien rangée en ce moment..."
 
Il a pointé là sur le hic. Ma tête, c'est le Bronx. Alors, j'ai décidé de les écouter, d'aller goûter de nouveau au plaisir de cuisiner sans pression, juste pour renouer avec les sensations perdues.
 
Je ne dis pas que c'est gagné, on est d'accord. Mais ce soir, un pot au feu de canard, un amuse-bouche et des samoussas de canard (oui, je l'ai fait à toutes les sauces, celui-là) plus tard, je n'ai plus envie de jeter mes couteaux, mes douilles et mon calot.
 
A moi de faire le tri et d'envisager la cuisine comme une immense salle de jeu...

vendredi 17 octobre 2014

La semaine d'une apprentie mercotte

Lundi matin, je suis retournée à l'école.

Oh, je n'étais pas seule. Mon balai s'était invité, ce pot de colle.

C'est donc avec une ceinture de maintien que j'ai fait le chef, de nouveau.
 
Je crois que j'ai lancé un style. Un rien timorée dans l'idée de devenir une grande esthète de la cuisine cabossée, j'ai néanmoins demandé un coup de main à mon chiro préféré (enfin, c'est surtout lui qui m'adore, il peut partir souvent en vacances grâce à mes passages répétés chez lui) pour qu'il me remette droite comme un i.
 
Bingo. J'ai dit au balai de partir, maintenant, faut pas rester là, monsieur, oh. Mon autorité (enfin, surtout celle de mon chiro) a payé. Mon compte bancaire aussi. Hum.
 
...
 
Mardi matin, est-ce parce que j'étais droite comme un i, genre, un peu sévère? En me présentant à mes nouveaux petits camarades, mon chef m'a appelée "Mercotte".
 
Mercotte. Au secours. J'adorais son blog, il y a fort longtemps (quand je croyais encore que le prince avait juste un souci de créneau pour garer son cheval blanc en bas de mon immeuble, vous voyez, ça ne nous rajeunit pas), mais le côté cassant de la dame, découvert via l'émission qu'elle anime avec Cyril Lignac, non, pitié, je n'adhère pas.
 
Du coup, devant mon air atterré, mon chef m'a expliqué: "mais si, Mercotte, les macarons, toussa. Vous aimez faire la patoche, c'est tout!"
 
Ah, ok, mais appelez-moi Paulette, en fait, ça ira mieux.
 
Après, comme j'étais chef et que le chef va voir chacun de ses marmitons (eh eh eh, j'adore l'abus de pouvoir immédiat que me confère ce statut), je suis allée leur demander... leur prénom, je leur ai donné leur tâche de la journée et en partant, j'ai précisé que je m'appelais Stéphanie, hein, et pas autre chose (enfin si, petite chef ou chef, je réponds aussi, modestement, évidemment).
 
Dans la foulée, parce qu'il fallait que je cuisine pour le "perso", je me suis fendu d'une fricassée de volaille sur un espace de 0,78 m2 environ, rapport que plein de petits nouveaux sont arrivés, qu'une mère n'y retrouverait plus ses petits et que là, c'est un peu le gros bordel, soyons honnêtes.
 
Déjà qu'avec un poste travail de ministre, je trouve le moyen d'être à la bourre, alors là, je vous explique pas le Bronx. J'en suis ressortie encore toute chose, avec ce sentiment terriblement angoissant de régresser un peu plus chaque jour.
 
...
 
Mercredi, j'avais des devoirs à la maison. L'occasion de refourguer Loulou, ce futur-ado-déjà-désagréable, chez les grands-parents, pour avancer. L'occasion, aussi, de prendre ma première vraie pause (entendez, affalée toute la journée sur le canapé avec, certes, l'ordi sur les genoux, parce qu'on a un métier, quand même, les gens) (enfin, presque) depuis ma fin de stage chez Vincent Guerlais.
 
L'occasion, enfin, de réintroduire le fameux P'tit Beurre à ma table, en récompensant mes parents pour leur courage, leur mérite et leur patience (il faut au moins ça) lorsqu'ils ont ramené Loulou à la maison le soir.
 
Oui, courage, mérite et patience de supporter cet être certes jeune, mais qui goûte déjà un peu trop aux joies de la provocation et qui est revenu, le sourire sournois aux lèvres, avec des Vans aux pieds, les chaussures dont il rêvait et que j'avais refusé de lui acheter, moi la méchante mère sans cœur (on m'appelle Mercotte, souvenez-vous, ça rime avec Javotte...). Dois-je préciser que le Loulou en question est actuellement handicapé du talon, avec une suspicion de maladie de Sever (ça claque, hum) et que les chaussures en toile, ben non, c'est pas une bonne idée?
 
Bref, il a obtenu ce qu'il a voulu, en me regardant bien dans les yeux. Là, il va peut-être pouvoir m'appeler Mercotte.
 
...
 
Jeudi, j'avais IEA. Ce service traiteur qu'on assure, avec l'école, où nous étions deux, chef compris, l'an passé, et cinq hier. Beaucoup trop. Du genre à se marcher dessus.
 
Si j'ai pu passer au dessus de ce sentiment d'habiter dans un placard, une fois encore, j'ai eu bien plus de mal à encaisser ma discussion matinale avec l'un des stagiaires. Nous étions au brief du matin et le chef avait annoncé qu'on travaillerait tous chez nous, le lendemain, réunion et fermeture du centre oblige. Laurent Bagbo - c'est son surnom à l'école - s'est plaint de ne rien pouvoir faire, n'ayant pas internet.
 
On rejoint ensuite le coin pâtisserie, tous les deux, et je lui en reparle. Il me dit qu'il n'a pas internet chez lui... parce qu'il n'a pas de chez lui, en fait. Il dort dans sa voiture.
 
Ah. Ok. Qu'est-ce que je fais de ça? Evidemment, il ne m'a pas demandé de lui rendre service, de l'héberger ou que sais-je encore, mais quand tu prends la bombe dans la face, tu en fais quoi? Tu la rends et tu dis, ah, ok, c'est cool, tu goûtes à ma pâte à... bombe - justement - en attendant?
 
J'ai cherché une solution, quelque chose, est-ce qu'il n'y avait pas moyen de... Il a repoussé l'idée en disant que c'était une épreuve de la vie, toussa, et puis, quelques heures plus tard, alors que nous finissions le service à l'IEA, il s'est vanté qu'il irait faire la chasse aux cougars, le soir. Pour trouver l'amour, a-t-il précisé. Et un toit?
 
Je ne vais pas mentir, ça m'a trotté dans la tête toute la journée. Ce qui est compliqué, c'est que le type n'est pas spécialement sympathique (cette histoire de cougars, bon, bref...) et qu'en plus, il a rabaissé ses critères de cougar quand il a su que j'avais 40 ans. 10 ans de moins d'un coup, qu'il a pris, son curseur, mais le plan drague à deux balles dans une cuisine surchauffée, euh, comment dire... J'ai eu moins envie de lui proposer mon canapé.
 
N'empêche, on fait quoi de ces situations extrêmes?
 
Le soir, heureusement, j'ai pu reprendre ma tenue de Mercotte, non pas en pâtissant, c'te blague, mais en jouant la grande méchante auprès de Loulou, qui avait choisi ce jour pour aller voir un copain à Trifouillis-les-Oies, après le collège, alors qu'il avait, dans le même temps, une radio à passer pour voir si Sever l'avait attaqué.
 
...
 
Ce vendredi, je travaille donc à la maison, avec Internet, veinarde que je suis, et surtout, c'est les vacances scolaires ce soir. En bonne mercotte, je peux l'avouer: je vais pouvoir souffler et envoyer le pré-ado chez son papa. C'est moche, hein?
 
Ah, et que Mercotte ne m'en veuille pas, j'imagine bien que c'est juste une attitude pour l'émission, ce côté cassant et désagréable, n'est-ce pas? Hum?
 

vendredi 10 octobre 2014

Ne me parlez pas de petits beurres...

Oui, oui, en vrai, c'est bon.
 
 
J'ai toujours adoré les "Petits Lu". Ma sœur aussi, elle qui, mince comme un fil, s'en offrait un paquet entier à l'heure du thé, lorsqu'elle rentrait du lycée. Les petits beurres, c'est donc un peu notre petite madeleine, à la maison, le souvenir de dimanches réchauffés par le grand jeu du "mordez-leur les oreilles, avant de les croquer."
 
Pourtant, j'ai eu envie de les boycotter pour un petit moment, là. D'ailleurs, j'en ai rêvé. Chez Vincent Guerlais, ils font de délicieux petits beurres, mais revisités, au praliné, au chocolat, noir ou au lait.
 
Très bien, vous me direz.
 
Ben oui, mais la blague, c'est qu'ils en ont font des boîtes entières. Et qu'il faut bien les fabriquer. Et donc les démouler.
 
Et c'est là que la mouette, cette stagiaire, intervient.
 
J'ai dû démouler, je ne sais pas, deux mille, cinq mille, huit mille de ces petites douceurs, mercredi et jeudi. Ma seule compensation m'a permis de tenir le coup: j'étais au labo chocolat, où sévissent les specimen physiquement intelligents, du genre bruns ténébreux, à commencer par une star de la télé, oui, oui, puisque le chef du labo a participé à la première édition de "Qui sera le meilleur pâtissier?". (la photo ne rend pas grâce à sa beauté intérieure, hum).
 
Quand, jeudi, mon "tuteur" de stage m'a indiqué que je recommençais la tâche de la veille, j'ai pris ça comme un jeu, du genre, je vais m'amuser à aligner différemment les petits beurre, pour varier les plaisirs. A 8 heures du mat', j'étais déjà un peu lassée. A 9h20, après la pause, je me suis demandé quand le carnage allait cesser. A onze heures, j'ai retrouvé un peu de joie en empilant par dix les saletés, plutôt que de les prendre par quatre. A onze heures quinze, un physiquement intelligent m'a demandé pourquoi je les traitais ainsi.
 
"Bah, pour aller plus vite!" lui ai-je répondu fièrement.
 
" Ça les raye", m'a-t-il asséné. Cassée, la mouette.
 
J'ai repris mon rangement par quatre.
 
A midi, mon tuteur s'est inquiété de mon état. Et quand, à 13 heures bien sonnés, il m'a précisé que demain, y'aurait du changement... car on passait au chocolat noir, il a bien saisi à mon regard que j'étais à deux doigts de la syncope.
 
"OK, on va alterner avec Bei", l'autre stagiaire, qu'il m'a dit gentiment, "ce serait bien que tu gardes un bon souvenir de nous, quand même."
 
Car c'était aujourd'hui ma dernière journée de stage. Et, de fait, j'ai patouillé mes mains dans le chocolat, le praliné, pesé des dizaines de kilos d'amandes effilées et tamisé des poudres par milliers. De quoi me faire oublier les petits beurres et repartir avec le sourire, satisfaite d'avoir vécu, trois semaines durant, dans un réel temple de la pâtisserie...

dimanche 5 octobre 2014

Dans les choux

Je l'avoue, chez Vincent Guerlais, je rongeais un peu mon frein de ne pas réaliser des tâches purement "pâtissières". Mais ça, c'était avant les commandes de pièces montées.
 
240 choux. On ne s'emballe pas, je n'ai fait que les garnir, c'est Jimmy, qu'il est trop fort,
qui réalise de telles pièces montées...
 
 
Hier, j'ai dû garnir, allez, quatre cents petits choux de crème vanille ou de chocolat.
 
Autant vous dire que la douille, maintenant, est moins rétive à mon contact...

vendredi 3 octobre 2014

Call me "Mrs Freeze"!

Eh oui, j'ai un nouveau surnom. "Mrs Freeze". C'est Jimmy, second du chef au labo pâtisserie, qui m'a octroyé ce joli nom, rapport aux heures passées ce matin dans le congel'. J'exagère à peine. En sortant, j'avais faim, tellement j'avais dû brûler de calories.
 
Le croissant, il a pas fait le malin quand il m'a vue.
 
Dans ce lieu glacial et sombre, j'ai donc démoulé, rangé, compté, plaqué et puis, quand même, un moment, Jimmy a dû avoir pitié. OK, j'avais ma polaire, un blouson au dessus, deux couches de gant mais je faisais peine à avoir, j'imagine. Du coup, je suis partie garnir des petits choux. Ceux-là même qui me faisaient déjà les yeux doux hier...
 
Bon, je sais pas vous, mais moi, j'ai les yeux qui me piquent. Ah bah c'est normal. A 20 heures, je suis au lit. Rapport au réveil matinal à 3h, demain matin.
 
Euh, je rêve ou j'ai plus de vie? :)

jeudi 2 octobre 2014

Le nez (gelé) dans le cacao

Le froid a un avantage, c'est qu'il fait brûler des calories.
 
A peu près 34 pour un quart d'heure passé à -18°... contre 167 000 ingurgitées le temps de passer devant ma copine Bei, qui couche des choux et qui met de côté ceux qui sont moins jolis.
 
Si on ne les mange pas, ils partent à la poubelle (je ne suis pas une poubelle, c'est juste que ces choses-là sont addictives) (franchement, ce serait dommage) (oui, je répète, je ne suis pas une poubelle).
 
34 calories contre 167 000...
 
Super efficace, comme technique pour perdre du poids, hum?
 
Ah oui, on est d'accord, ce n'est pas la question. Je suis là pour bosser, le reste, c'est de la littérature (enfin, on n'est pas obligé non plus de tolérer les bourrelets, juste-parce-que-ça-compte-pas-puisqu'on-bosse, on est d'accord).
 
C'est comme le croissant du matin, à la pause. A 9 heures, hop, tout le monde s'arrête, on boit le café et on se chope un petit doré au passage. On n'est pas obligé, bien sûr. Rien dans la convention de travail ne stipule:
 
"Stéphanie M. devra manger un croissant chaque matin à la pause, en vertu de l'émulation collective et de sa bonne intégration à la société".
 
Non.
 
Mais quand on s'est levé à 5 heures du matin, qu'on est depuis 3 heures debout et concentré sur les tâches les plus diverses, la tentation est grande, avouez-le.
 
Pourtant, si vous saviez à quoi je résiste... Les amandes torréfiées qui gigotent encore sur le marbre, les chutes de chocolat, les pistoles - toutes petites, ce serait si facile d'en prendre une ou deux au passage - les orangettes au chocolat, et toutes ces petites douceurs qui traînent ça et là, parce qu'une personne a malencontreusement mis un doigt sur le glaçage, rendant l'entremet invendable, ou a rippé (on se prend un nombre de coups hallucinant, par les collègues qui passent et repassent derrière nous alors qu'on essaie juste d'être le plus précis possible).
 
Bref, vous l'aurez compris, je ne suis pas, mais alors pas du tout dégoûtée du sucre ou du chocolat après une dizaine de jours à bosser au labo. Pourtant, j'ai quasiment passé ma journée de mercredi le nez dans le cacao. Et quand je dis "le nez dans le cacao", c'est littéralement ça: hier, après avoir brassé des centaines d'orangettes dans cette subtile poudre brune, j'ai vu le regard des uns et des autres s'éclairer en passant devant moi.
 
Aurais-je été touchée par la grâce? Auraient-ils entrevu ma beauté intérieure sous la façade de l'apprentie pâtissière?
 
Non.
 
A la place, on m'a clairement suggéré de prendre une bonne douche en sortant. Et pour cause, ma tenue noire était marron et j'avais le visage comme celui d'un comique blanc qui aurait voulu se grimer en noir (très réussi et naturel, donc).
 
En rentrant, une fois débarbouillée, j'ai voulu me moucher. J'avais du cacao dans le nez. Mais plein, hein, comme si je m'étais vraiment repoudré le nez.
 
Je crois que je suis repérée.
 
Je pourrais craindre que ça jase derrière mon dos, car au labo, ils aiment bien balancer. Le jour où une planche en bois toute pourrie est venue se casser alors que nous avions posé dessus environ dix tonnes de pâtes de fruit, la nouvelle a fait le tour en 3 minutes et on nous a bien chambrées, les autres filles stagiaires et moi. Hier, quand un apprenti a écrit "noizét" sur sa recette, il a été humilié en dix secondes par son chef (il avait quand même le début du mot bien écrit, non?) (le pauvre).
 
Mais après tout, le ridicule ne tue pas. Il n'est pas rare de croiser un petit homme en polaire, avec le bonnet assorti, dont on devine à peine le visage, foncer vers le congel', ou un autre avec une manchette orange, pour corner, vanner, coucher...
 
Alors, puisque le congel' est aussi devenu ma seconde maison, moi aussi, j'ai rajouté du polaire et de gros gants à ma tenue, même si j'ai bien conscience que le froid est mon ami - rapport à ces saletés de petits choux qui traînent.
 
Le pire, c'est que je ne suis pas fan de choux, à la base. Mais que voulez-vous, on peut vite réviser son jugement, dans un tel temple de la douceur...