jeudi 3 juillet 2014

Une mouette peut-elle décemment avoir le spleen?

 
Je n'ai pas eu le cœur (ni les compétences, cela étant, hum) de masquer la silhouette. J'espère qu'il ne m'en voudra pas. Je n'en mettrai pas plus ici, le reste nous appartient.

La roche et la lumière se confondaient dans cette teinte ocre surréaliste en pareil coin de Bretagne. Nous étions sur une plage du Sud-Morbihan, un samedi de mai, mais, aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais transportée en Jordanie.
 
La soirée était déjà bien entamée, à en croire le flot de personnes venues savourer leur balade digestive. Nous, nous venions de finir notre glace, en guise de hors-d'œuvre.
 
Surtout, nous étions seuls au monde.
 
Pour faire des ricochets, Loulou a besoin d'espace. Et de marier les couleurs, aussi.
 
Mes deux hommes s'amusaient à faire des ricochets. Moi, aussi surréaliste que cela puisse paraître, au delà de mon rôle de maman et de compagne, j'avais l'impression d'être la guest-star, entre eux deux, d'être devenue, plus qu'un relais ou un simple lien, le petit feu follet pour les amuser.

La fille qu'on se dispute un peu, aussi, de temps en temps, parce que c'est bien de partager ces moments tous les trois, mais les têtes-à-têtes n'ont pas de prix.

...
 
En montant dans ma voiture, ce soir, une idée a traversé mon esprit chagrin. Pas de Loulou pendant un mois (vive les grandes vacances, tu parles), plus d'homme, donc (ça va, arrête de patiner, la mouette, on a compris, va chercher les dix que tu es censée retrouver, c'te blague)... Je rentrais dans une maison vide.
 
Si l'on excepte, évidemment, les trois félins qui n'ont aucune idée, évidemment, de ce qui s'est tramé dernièrement, au vu de leur appétit insatiable et de leur nonchalance non feinte.
 
Et c'est là qu'a surgi l'image de cette plage ocre, ce souvenir d'un moment doux et paisible, juste simple et serein, cette idée du bonheur qui m'avait alors transportée.
 
Sans doute ai-je idéalisé, mais je trouvais drôlement chouette ce sentiment d'être au milieu de ce noyau. Loulou, l'homme et moi, malgré le quotidien, malgré tous les couacs, on formait une sacrée équipe, à réinventer notre vie et à l'alimenter de ces instants à part.
 
Je me sentais comblée et fière, de les avoir chacun à mes côtés, en regardant le premier grandir, en soutenant le deuxième comme je le pouvais. Avec un amour forcément différent pour les deux, évidemment, mais pas moins démesuré, pour l'un comme pour l'autre.
 
Trop démesuré... Sans doute.
 
J'ai pensé ce soir que, peut-être, pendant que je "prenais soin" de mes deux hommes, je m'oubliais un peu. Aujourd'hui, le gouffre me semble terrible, le manque insurmontable. J'ai peur. Parce que j'ai conscience que c'est de... moi dont j'ai à m'occuper.
 
Et je vous assure, ce n'est jamais évident.
 
Heureusement, la vie continue. Et puisqu'il faut que je m'occupe de mon cas, je m'y attelle comme je peux. Je prends mes tâches du quotidien très au sérieux, qu'il s'agisse de dépiauter et désarêter 9 kg de sardines, de rouler des omelettes qui ne roulent pas si on oublie de taper sur le manche de la poêle, de mouler des quenelles de crème fouettée ou de flamber des mangues, une opération délicate qui te transforme illico en cracheur de feu.
 
Je peux vous dire qu'avec tous ces légumes et autres poissons qui se battent pour que je m'occupe de leur sort, je me sens un peu guest-star dans la cuisine.
 
Ben oui, ils ont bien compris que verts, rouge ou orange, végétaux ou p'tites bêtes, ils avaient tous une chance de rigoler un bon coup, avant de succomber. Le temps que je me pique, me coupe ou me grille les bras.
 
C'est bien une preuve que je suis vivante, non?

1 commentaire:

  1. Oui tu es vivante, et des fois ça fait mal, on est par terre… ou en train de se battre avec de la nourriture. Je pense à toi et t'embrasse...

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