samedi 12 juillet 2014

Boomerang

C'était trop facile. Je me sentais trop à l'aise. Le retour du boomerang est parfois dangereux.
 
J'adore l'ambiance en cuisine. Comme je vous le disais, le chef travaille dans la décontraction, contrastant avec la rigueur du dressage. J'adore aussi la simplicité des rapports, où on dit ce qu'on a à dire, quand on met tellement de formes pour balancer un scud dans d'autres milieux.
 
Sauf qu'hier, ma sensibilité s'est dit qu'elle allait venir me titiller et a sapé ma bonne humeur. Je n'étais plus que boule de nerfs, tétanisée par le stress, parce que j'avais fait une boulette, que le chef s'était gentiment moqué de moi, et qu'au lieu de passer à autre chose, j'ai patiné là-dessus.
 
En sortant du service du midi, j'ai regardé l'heure. 16 heures 30. J'y retournais deux heures et demi plus tard, pour assurer le soir.
 
Pas le temps de changer ma panoplie de looseuse dépressive pour enfiler celle de Wonder woman, ma confiance en moi-même était sur le curseur zéro, alors j'ai un peu craqué.
 
Je me suis demandé si j'avais vraiment ma place en cuisine, si gauche, si lente...
 
Bien sûr, il m'arrive de douter (nooooon?), mais là, j'ai senti un mouvement de panique intérieur, balayant mes émotions, paralysant mes gestes et me laissant toute chose, à ravaler mes larmes sur le vélo - l'averse monumentale que j'ai prise en rentrant a fini de m'achever, mais a eu au moins le mérite de masquer ces signes lacrymaux que je ne pouvais retenir davantage.
 
La fierté, sans doute, celle de penser qu'on ne faiblit pas pour si peu, que ça arrive à tout le monde, qu'on est humain...
 
J'ai réalisé la difficulté d'apprendre un métier à mon âge. Oh, une lapalissade, bien sûr, mais le fait de poser la chose m'a permis de relativiser un peu. Après tout, je suis en apprentissage, et pas second de cuisine titulaire au Crillon.
 
J'ai vu grand en allant travailler dans ce restaurant bistronomique, mais après tout, c'est bien dans l'épreuve qu'on se surpasse, non?
 
Une explosion de papilles, tout simplement. Pour l'instant, je me contente de décortiquer les langoustines... et de savourer avec les yeux.
 
 
Le soir, miracle de la cuisine, la panique avait laissé place à de la concentration et mes gestes sont devenus plus fluides, plus efficaces. Pas de quoi pavoiser, bien sûr, mais quand le chef m'a encouragée, à la fin du service, je me suis dit que ça valait le coup de s'accrocher. Et de croire que le rêve est en marche, même s'il suppose quelques turbulences...
 
 
 

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