vendredi 6 juin 2014

L'histoire du pirate qui avait une culture humaniste

Vendredi soir, 21h. Je me pose, enfin, toute excitée à l'idée de passer ma soirée... avec des sushis et pour seule compagne, la télé et le replay de "qui sera le meilleur pâtissier".
 
Non, non, rassurez-vous, mon récent changement d'identité ne m'a pas transformée en ménagère de moins de 50 ans. L'homme ne m'a pas (encore) plaquée (un jour, je vous parlerai des dommages collatéraux d'une formation sur la vie de famille, plus particulièrement sur la vie de couple) et Loulou ne songe pas, pour l'instant, à faire le mur.
 
Non, simplement, l'un est en route vers son destin (fingers crossed), l'autre multiplie les bobos mais tient bon.
 
Ben oui, parce qu'en plein découpage de cuisses de grenouille, ce matin (je n'avais jamais imaginé que ces petites croâsseuses avaient des mignonnes fesses toutes dodues, soit dit en passant), mon téléphone a sonné.
 
Quelle vie palpitante, allez-vous rétorquer. Oh, ça va, hein. Laissez-moi finir.
 
Donc, le téléphone sonne, je ne réponds pas, parce que mon portable me fait déjà un peu la tronche depuis que je lui ai collé de la farine et de la purée de petits pois sur la face (et aussi parce que j'ai un métier, moi, ah ah).
 
Rongée par la curiosité, et un rien inquiète car ma môman est passée par la case billard, ce matin, je finis par jeter un œil, vite fait (un exploit, en pleine préparation, quand on est trois pour un menu découverte - amuse-bouche, entrée, poisson, viande et dessert!- d'une vingtaine de couverts exigeants...) et je vois s'afficher: "Ecole".
 
Ecole. Oups, ça veut dire ennui, ça.
 
J'écoute le message. Mon fils, qui passe donc en 6e l'année prochaine et dont je suis si fière (eh, dans la synthèse de son année, il y a écrit qu'il a acquis la "culture humaniste", ouais, messieurs dames) (si quelqu'un peut m'expliquer ce qu'est la "culture humaniste", je veux bien lui offrir un kouign amann à notre prochaine rencontre), mon loulou, donc, a pris un coup de pied dans l'œil.
 
La chair de ma chair. Mon loulou et ses beaux yeux bleus. Déjà qu'il s'était cassé un orteil et qu'il commence à ressembler à un ado, avec son gel qu'il met consciencieusement tous les matins sur ses cheveux qui crient grâce, le voilà tout borgne.
 
Je regarde mes grenouilles, même pas vertes. Plutôt que ces pauvres petites bêtes qui n'ont rien demandé à personne, j'ai envie de coller la maîtresse dans ma pâte à tempura, pour ensuite la coller dans la friteuse. Elle fera moins la maligne.
 
Le truc, c'est que l'école, qui se décharge au moindre bobo - même si l'incident a eu lieu sous les yeux de l'instit, censée tenir sa classe - n'appelle pas juste pour prévenir que, oh, votre pauvre chérubin s'est blessé. Elle appelle pour qu'on laisse tout en plan et qu'on débarque illico presto. Histoire de se débarrasser de l'enfant abîmé.
 
Euh, je fais quoi de mes grenouilles, là?
 
Bon, au final, comme Loulou a une langue, en sus d'un œil bien rouge, il a parlé de son beau-papa qui se ferait un plaisir de venir le chercher. Je me suis dit que lui, sans doute, avait aussi acquis la "culture humaniste". Il a donc récupéré Loulou et son bandeau de pirate (avec un copain, ils ont fait un bandage de survie, à base de... papier toilette. Grosse classe) et s'est assuré que son œil était finalement opérationnel.
 
Et j'ai pu reprendre mon service, presque comme si de rien n'était. N'empêche que j'ai réalisé à quel point cette formation me prenait du temps, de l'énergie, jusqu'à me placer dans une sorte de bulle, car, croyez-le ou non, j'aurais eu beaucoup de mal à abandonner mon poste ce matin, pour voler au secours de mon Loulou (mère indigne, sors de ce corps).
 
Mais c'est que cette formation me donne, aussi. Car, après un début de semaine difficile, le moral est bien remonté. J'ai suivi les conseils du chef et je commence - enfin - à réfléchir avant d'agir. Oh, il y a du boulot, bien sûr, mais le cap ne me paraît plus aussi insurmontable, comme je l'ai (trop) imaginé ces derniers temps et surtout après mon gros plantage de lundi.
 
Il n'y a pas de secret. Bosser, bosser, bosser, s'entraîner, en évitant si possible de s'escaloper les doigts. S'appuyer, aussi, sur les personnalités que je croise, puisque certaines ne viennent qu'une fois par semaine, et pas le même jour, ce qui permet un jour de cuisiner avec une mamie réunionnaise qui a une patate incroyable (et qui fait des gâteaux à la patate douce, aussi), le lendemain de passer la raclette avec une femme déjà employée dans un restau, dans la vraie vie, de discuter nutrition et bonne bouffe avec un jeunot déjà expérimenté...
 
Des rencontres a priori improbables mais qui me boostent, me permettent d'ouvrir mes écoutilles et me donnent à voir de nouveaux horizons.
 
Et si c'était ça, finalement, la "culture humaniste"?

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