jeudi 6 février 2014

A la va qui vive

Au début, quand j'ai arrêté de bosser, j'ai bossé comme une folle. Je sais, c'est pas logique, mais qui a dit que je l'étais?

Je m'étais installée bien fermement sur la stable (ah ah) terre de la vie active, avec des vrais collègues, des tickets restau, des repas avalés en une heure top chrono dans la cuisine de la boîte - temps de pause téléphonique et belote inclus. Une vie active, où le premier du mois n'est plus nouvelle source d'angoisse mais réjouissance d'un compte qui repasse positif.

A quel moment ai-je perdu pied? Et d'ailleurs, pourquoi cette impression d'avoir perdu pied ? Est-ce la peinture turquoise de la cuisine, qu'Albert avait choisie pour égayer ce haut lieu de détente, où nous remettions un peu d'humanité dans nos journées si bizarres? Est-ce justement le fait d'avoir viré nos principaux joueurs de belote ? A la fin, on aurait simplement pu envisager un solitaire, tant l'écrémage a été sévère.

Peut-être n'étais-je pas préparée. Peut-être étais-je restée calée sur un petit nuage, celui qui croise plein d'orages mais qui fait quand même tranquillement sa route. Peut-être aussi, plus prosaïquement, suis-je tombée sur un drôle de zozo qui a fini par voir sa boîte couler.

Licenciement économique. Je sais que je vais choquer, mais lorsque j'ai reçu la lettre du mandataire judiciaire m'annonçant la liquidation judiciaire de la boîte, j'ai explosé de joie. Je crois d'ailleurs que le sol a tremblé sous le poids de mon corps, après ce saut que j'ai osé dans le salon - et je m'en excuse platement auprès du carrelage.

Je vais choquer, oui, en ces temps de crise aigüe où j'ai pu changer l'intitulé de mon blog et enlever, non sans délectation, le "ex" devant chômeuse. Je crois que j'ai toujours envisagé comme un défi de m'en sortir sans rentrer dans les cases, d'être heureuse - ou essayer de l'être - sans CDI. Alors, là, d'un coup, le challenge pouvait reprendre.

Pourtant, comme je vous le disais, au début, quand j'ai arrêté de bosser, j'ai bossé comme une folle. Même plus le temps d'aller courir ou de passer à la pharmacie, pas une minute pour aller faire du shopping ou bouquiner tranquillement. J'ai repris de plus belle mes chères missions, je me suis même retrouvée dans l'hémicycle de la Région pour savourer des débats croustillants et voir se déchirer plus que jamais droite et gauche. J'ai tapé, tapé, tapé... Sans doute pour ne pas avoir à me taper la tête pour savoir ce que j'allais devenir.

J'avais tenté la cuisine pour revenir à l'écriture. Bon, le manuscrit de Poney a finalement été publié - même si ma nièce a été très déçue que je ne le signe pas, "sacrifice" du nègre que j'étais devenue. J'ai même versé un temps dans le journalisme, avec un retour de sensations que je n'imaginais même pas, surtout dans la presse professionnelle. Ce nouveau départ sonne un peu le glas de ma "carrière" chez les scribouillards. J'ai repensé avec nostalgie qu'avant de décrocher ce CDI providentiel, j'en étais rendue à remplir des bilans et tests psychologiques dans une asso dédiée aux personnes "éloignées de l'emploi". Ah ah.

Etais-je donc de nouveau si éloignée de l'emploi? Alors, pour taire les angoisses (et, accessoirement, gagner des pépettes), j'ai tapé, tapé, tapé, disais-je, jusqu'à devoir mettre une alarme pour aller chercher Loulou à l'école. Jusqu'à devoir, aussi, planifier deux heures pour faire les courses de Noël et m'octroyer une demi-heure chez un coiffeur qui, voyant ma mine sans doute trop réjouie, s'est chargé de me casser le moral en me massacrant.

Avec ma coupe de joueur de foot des années 80, je suis repartie, les bras chargés de paquets cadeaux en me disant que je devais tout reprendre en main, vraiment, au risque de ressembler dans un an à Zézette traînant son caddie (mais avec les cheveux moins longs, merci monsieur Dextercapillaire).

Tout reprendre en main? Oui, c'était le moment de ressortir mon gros macaron rose...

3 commentaires:

  1. Non, la Mouette, tu ne choques pas. C'est une réaction normale quand on frôle le burn-out et qu'on va au boulot en faisant le gros dos d'avance en craignant ce qui va encore nous tomber sur le paletot.
    Bises.
    L'oiseau

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