lundi 25 juillet 2011

Mémo du bonheur

Alors que je vivais sur mon petit nuage, depuis quelques mois, simplement heureuse et apaisée, j'ai songé brièvement écrire, comme un mémo, une sorte de liste. Oui, une liste de ces choses qui me rendaient si euphorique, qui m'avaient permis de balayer les nuages et qui me donnaient le sentiment de toucher du doigt le Bonheur.

La semaine passée, alors que je nageais en plein désespoir, les larmes longtemps maîtrisées, mais tellement coincées qu'elles me donnaient la nausée, oui, avant que ces larmes ne sortent au pire moment  - devant le conseiller de Pôle Emploi - alors que j'étais redevenue cette boule d'angoisse tétanisée par la peur de tout, j'ai songé brièvement à quel point j'avais été idiote de ne pas rédiger ce mémo. Juste pour me souvenir de cette liste de choses qui, globalement, n'avaient pas vraiment changé et qui auraient dû me donner le sentiment de toucher du doigt le Bonheur.

Aujourd'hui, je n'ai pas trouvé la solution à toutes les questions matérielles qui se posent à moi, mais je serais capable, je crois, d'écrire ce mémo. Le sourire est revenu, le moral avec, les envies, l'énergie, la volonté d'avancer et de croquer dans cette vie insensée que nous menons et qui nous mène, surtout.

Je serais capable de l'écrire, ce mémo...

Et en même temps, je n'en vois pas (plus?) trop l'intérêt.

Car j'ai bien compris que la vérité d'un jour n'était pas celle du lendemain et qu'un seul grain de sable pouvait enrayer un système pourtant bien huilé. Qu'on pouvait envisager avec le sourire ou le chagrin la même situation. Cette éternelle histoire du verre à moitié plein...

Comme pour ma cuisine, je n'ai pas de recette pour le bonheur. Je change souvent les ingrédients de la recette initiale, je m'autorise pas mal de libertés, j'enlève un peu de ci - soit-disant le truc indispensable pour le succès de la recette - et je rajoute cela - le truc risqué, normalement. Pour avoir cette sensation, j'imagine, d'inventer, de rajouter ma petite touche.

Dans les commentaires du précédent post (auquel je ne peux pas répondre, dès que je ne suis plus une quiche en informatique, je vous sonne), Anne pointait le doigt sur cet aspect. Ce goût du risque. Cette envie de me coller à chaque fois au pied du mur, qui me met souvent minable, j'en conviens, mais qui m'aide aussi à rebondir. Comme pour la cuisine, je crois que j'ai envie d'inventer ma vie. Alors, forcément, il y a des ratés. Je navigue entre les lignes, j'en rattrape une, parfois, j'essaie de la suivre, hop hop hop, elle me lasse, j'en franchis une autre mais parfois... bah il y a un gouffre entre ces tracés structurants.

C'est ce qui s'est passé pour moi. Je me suis retrouvée perdue au fond de ce gouffre et je réalise que je ne le supporte plus. J'ai besoin de me raccrocher à quelque chose d'un peu rassurant (comme tout le monde, je ne me prends pas pour un modèle unique) (quoique, ce serait peut-être mieux pour l'équilibre collectif, qu'il n'y en ait pas trop, des comme moi...) et quand je sens que je n'ai plus prise sur rien, ben....

Badaboum.

La mouette est KO.

Je considère aujourd'hui le départ de mon travail passé comme le début d'une nouvelle vie. Pas une renaissance, parce que j'y avais bien vécu, globalement, mais l'ouverture sur un monde nouveau, avec un regard plus attentif sur ce qui m'entoure, comme si j'étais sortie d'années de léthargie, solidement ancrée dans ma bulle. Depuis ce jour d'octobre 2008 où j'ai largué les amarres, j'ai connu l'euphorie, les doutes, les projets, les rabats-joie, les gens qui consolent et qui encouragent. Je me suis sentie chaque jour vibrer davantage pour cette liberté qui, d'un point de vue assez prosaïque (les sous, toussa), m'affaiblissait.

Elle m'ouvrait des portes que je n'avais même pas envisagées auparavant. Et refermait paradoxalement le cadre dans lequel je m'étais construite, me faisant sentir plus encore à l'étroit, dans cette période d'entre d'eux, balancée entre mes vélléités d'indépendance et l'envie de "vivre comme tout le monde", et de taire ainsi des angoisses somme toute légitimes, à coup de revenu fixe et de tickets-restaurant.

Je me suis découvert une sensibilité nouvelle, aussi, ressentant des choses que mon esprit ne me laissait visiblement pas le loisir de cerner, auparavant. Parfois, cette chose qui monte en moi m'effraie, d'ailleurs, tant j'ai l'impression d'être devenue une éponge.

En écrivant tout cela, j'ai l'impression de me répéter, et pourtant, à chaque "crise" existentielle, tout me ramène vers ce chemin de départ. Comme pour m'encourager. Comme pour me dire: "regarde le chemin que tu as parcouru." Chemin vers la découverte, oui. Chemin vers la précarité, aussi, évidemment. Je ne peux le contester et, une fois encore, c'est comme si j'avais eu besoin de creuser très profondément pour savoir jusqu'où j'allais pouvoir résister.

Mais la grande différence, c'est que, aujourd'hui, je n'attends pas d'être ensevelie par le sable qui retombe, je trébuche, je tombe et je m'écorche, parfois, et puis je me raccroche à cette micro-énergie qu'il me reste pour réagir. Je pense à mon fils, je pense à mes amours, je pense à ces petites surprises qui s'amoncellent, ces petits signes, ces infimes gestes qui me font revenir à la vie.

Et je sais qu'aucun mémo ne pourra mieux les rappeler que mes souvenirs, quelques mots, un regard et mon envie de collectionner, encore et encore, les images d'une vie différente, certes, mais colorée et en mouvement.

mardi 19 juillet 2011

Passage à vide

Je pense que vous commencez à me connaître et vous le savez donc: la logique et moi, ça fait quinze.

Au moins.

Alors que je suis censée baigner dans la félicité, remontée par les derniers événements d'une vie toujours pleine de surprises, alors que nous sommes en été, période plutôt propice au bonheur, de mon point de vue, alors que j'ai collé de la guimauve partout sur ce blog, eh bien...

J'ai eu un gros coup de moins bien. Une angoisse incroyable qui m'a sauté au visage, tenaillé l'estomac et paralysé tout membre actif jusque là. J'exagère à peine.

Des angoisses, devrais-je même rectifier. Loin de la zen attitude qui me berçait ces derniers temps, la morosité, le doute et le désespoir ont envahi la moindre de mes terminaisons nerveuses.

Je sentais la déprime me gagner mais le pompon a été atteint avec la confirmation, lundi, que, effectivement, je n'aurai plus de mission avant la rentrée. Plus de boulot de psychopathe, plus de soirées prolongées devant l'ordi jusqu'à trois heures du mat', plus de syndicaliste mateur et lourdaud? Alléluia. Mais plus de moyen de remplir le vide, plus de prétexte - finalement - pour ne pas chercher un "vrai" travail (avec des morceaux de rémunération digne de ce nom, je veux dire)... et plus de sous, forcément.

Là, je suis logique, tiens.

Je me suis sentie embarquée dans un tourbillon et j'ai bien compris ça allait être coton pour en sortir, comme ça, d'un claquement de doigt.

Vous me direz, c'est normal et très humain, ces petits passages à vide. Oui, bien sûr. Cela ne les rend pas forcément plus tolérables. Je m'inquiète pour l'avenir? Je peux, certes. Pas de taf en perspective pour août, je vous le disais, un compte en banque qui va frôler les tréfonds, et des envies, malgré tout, d'aller m'évader un peu, pour faire comme tout le monde, alors que je n'ai pas choisi la vie de tout le monde et que je dois donc assumer cette option liberté que j'ai cochée, un jour d'insouciance. Sans passer par la case "vacances".

Non, non, je ne veux faire pleurer personne. Y'a pire, on est d'accord.

Je réalise à quel point je voudrais tout, conserver cette indépendance et cette gestion du temps d'un confort absolu (et je ne pense pas uniquement à mes journées pyjama;)), mais pouvoir m'offrir, moi aussi, un temps de repos, une évasion, sans le payer ensuite. Vous voyez le genre.

Oui, je suis (trop) capricieuse.

Et je prends aussi conscience que j'ai souvent besoin d'être au pied du mur pour réagir. La situation n'est pas inédite, pour moi. Mon statut est précaire, il faudra bien que je me rende à l'évidence, un jour. Et que j'agisse, enfin, pour changer les choses puisque je ne supporte visiblement pas cet inconfort. Forte de ce constat d'une profondeur navrante et parce que je n'aime pas rester dans ces sombres pensées, j'ai décidé de retourner trifouiller les pistes que j'avais envisagées pour l'avenir, un autre jour de désespoir.

Plein de choses m'attirent, je n'ai pas envoyé la moitié de mes candidatures depuis mon arrivée à Nantes et j'ai enfin retouché à mon CV. Au fond, rien n'a changé depuis hier mais je sens comme un léger mieux, un apaisement et la sensation qu'un lendemain un rien plus prospère peut se dessiner.

Avant de chasser une nouvelle vilaine angoisse qui m'étreint, parce que je ne sais pas par où commencer. L'éternel mouvement de balancier, décidément. Je regarde le champ des possibles: il me semble à la fois large et tout réduit.

La logique et moi, je vous dis...

dimanche 17 juillet 2011

Grandir

Loulou m'épate, depuis quelques temps. Sans le vouloir, j'avais coché l'option "ver de terre" et "peu discipliné" à sa naissance et puisque les retours sont un peu impossibles en magasin* (au niveau approvisionnement et gestion du stock, le rayon bébé est un peu nase dans ce type de commerce), j'avais décidé de m'accommoder de ce caractère un rien bougeant (et épuisant).

Surtout, je m'étais fait violence pour tenter de remettre tout ça sur de bons rails. Une histoire de cadrer l'enfant, lui fixer des limites et le remettre à sa place.

Un truc qu'on appelle "l'éducation". Tiens, je peux même mettre un E majuscule, tellement c'est sacré.

L'Education.

En théorie, c'est finalement facile. Une boulette = une réprimande. Qui peut aller de la simple petite réflexion ('"oh non, mon chériiii, c'est pas bien de mordre les doigts de ton petit copain) à la pire des punitions (15 jours sans DS, cette génération me désespère. Et le pire, c'est que nous en sommes responsables) (de la situation et de nos gosses, oui).

En pratique, lorsque la vie se charge de nous plomber un peu nos bonnes intentions à coups de soucis divers, fatigue variée et gestion en solo, ben, ça se complique. On finit par tout mélanger, on hurle sur son chériiiii parce qu'il a mis UNE miette par terre mais on ne va rien lui dire lorsqu'il éborgne son petit camarade (qui n'est pas un angelot non plus, soit dit en passant) (et qui n'était déjà pas très beau, mais ça, il n'y peut rien, le pôôôvre) (l'éborgner, dans ces conditions, c'est vraiment moche, quand j'y pense).

On chronomètre le temps passé sur les écrans (DS, télé, ordi) et trois mois plus tard, on réalise qu'on a laissé la chair de notre chair toute la journée se péter les neurones et s'exploser les pouces sur des touches pendant qu'on était occupé à bosser.

Bref, tout vole en éclats, on comprend mieux pourquoi le mode d'emploi n'était pas fourni à la livraison du modèle et on se trouve confronté à divers choix:

1/ Se tirer une balle (option peu judicieuse, qui va nettoyer derrière? Et pas que la tache de sang que ça va laisser, je veux dire);
2/ Tenter une lobotomisation sur l'enfant terrible (mais affronter les reproches du père pour les cicatrices laissées sur le crâne de chériiiiiii) (et risquer de récupérer un légume, léger détail) ;
3/ Aller en hôpital psy se refaire une santé (ah ah);
4/ Mettre une laisse à chériiiiii;
5/ Assumer.

Prendre son mal en patience, en gros.

Je vous le dis tout de suite, la patience n'est pas, mais alors pas du tout ma vertu première. Mais puisque, de toute façon, aucune autre solution ne s'imposait, j'ai patienté, donc.

J'ai pensé qu'un jour, Loulou allait grandir, s'assagir. En l'aidant dans ce sens, évidemment. Pas question de lui lâcher la grappe. Je me suis donc fait une nouvelle fois violence pour ressembler à une maman à peu près ferme, bien consciente de l'intérêt de la chose. Il y a plein d'expressions pour ça: "lui serrer la vis", "remettre les points sur les i"... Euh... L'éduquer et assumer son rôle de parent, tout bêtement.

Et parfois, les miracles arrivent.

Loulou a grandi. Il peut rester calme plus de douze secondes. Il peut même obéir, rendez-vous compte. Le comble de ma joie a été atteint cette semaine, lorsque le beau-père d'une amie, la soixantaine autoritaire, m'a dit: "dis donc, il est drôlement calme, votre fils."

Je n'avais pris aucune drogue, le beau-père non plus. Quant à Loulou, hormis une glace, il n'avait avalé aucune substance qui aurait pu avoir quelque incidence sur son comportement.

J'ai regardé Loulou, qui jouait tranquillement dans le salon. J'avoue, j'ai un peu écarquillé les yeux, mais c'était bien le même modèle - ce diablotin qui m'avait tellement rendue marteau, parfois - qui assemblait les lego avec application et sans broncher.

J'ai failli entamer un pas de danse de la joie avant de réaliser que, 1/ j'étais en tong et j'avais de la route à faire, derrière ; 2/ ça ne servait à rien d'éveiller les soupçons des gens sur une éventuelle folie que je pourrais cacher au tréfonds de moi-même; 3/ finalement, rien n'était acquis et qu'il fallait juste que j'envisage cela comme un encouragement.

Je deviens raisonnable, moi, j'en reviens pas. Je me demande si j'ai pas grandi, tiens.

...

Bon, le revers de la médaille, c'est que Loulou commence à faire les mêmes rêves de psychopathe que moi. A 3 heures du matin, voilà deux nuits, il m'a réveillé, en hurlant qu'il avait fait un cauchemar: son père lui avait coupé la tête. Et cette nuit, quelqu'un d'autre lui a coupé le coeur en deux. Mais ça va, dans un cas comme dans l'autre, il a survécu.

Ouf.

* Ceci est du 15e degré, j'en vois déjà qui cherchait le numéro de la SPA, oh.

vendredi 15 juillet 2011

De l'idée de célébrer une fête nationale

Le bonheur, quand on est free-lance (c'est mieux que "galérienne en chef", non?), c'est définitivement de pouvoir gérer son temps comme on l'entend. Alors oui, on peut aller courir/nager/danser (ça non, toute seule, c'est bof)/ faire ses courses ou passer chez nos amies les administrations quand ça nous chante, évitant le rush de tous ces pauvres salariés, condamnés à poireauter à la Poste ou derrière la dame-qui-a-choisi-de-faire-son-plein (au bas mot 200 euros dans le chariot) à la caisse du Le-le, forcément la caisse la plus looooongue du monde car on a toujours le chic pour choisir la pire.

Vous savez quoi? On peut même s'offrir des escapades à droite et à gauche, une virée à la mer, quelques pâtés de sable avec Loulou ou une balade sous la brise avec une copine, comme ça, juste pour "prendre l'air" (expression que j'ai longtemps détestée, je vous expliquerai pourquoi, un jour, sans doute). Emmener Loulou, toujours lui (une histoire de vacances scolaires, si si), au ciné ou sur les bords de Loire pour un tour de vélo...

Je comprends bien, vous m'enviez, vous avez limite envie de m'étriper tant cette vie a priori sans contraintes vous semble juste idéale.

C'est là que s'installe le doute, de façon insidieuse. Ai-je vraiment choisi le confort? Euh, clairement, non. La liberté, donc, oui, on est d'accord. Pour le reste, c'est un peu chaud les marrons quand l'heure de remplir son assiette a sonné.

Depuis un petit moment, les missions s'enchaînent sans que j'aie le temps de dire ouf. Du coup, consciente de ce besoin irrépressible d'aller "prendre l'air", je n'ai pas renoncé à ces bouffées d'oxygène, sinon quotidiennes, au moins hebdomadaires. Mais comme mon boulot de psychopathe nécessite quand même quelques heures de concentration extrême, je me dédouble.

Oh, je sais, ce n'est pas un scoop, mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression de déborder sur mon quota "d'heures de vie" tandis que le labeur augmente chaque jour un peu plus. Et plus j'ai l'impression, ensuite, de m'auto-punir, en consacrant mes soirées, des demi-nuits parfois, à la retranscription de grands malades qui exigent de meilleures conditions de travail et une vie plus agréable.

Les cons.

Alors, pour la fête nationale, partagée entre l'envie de profiter du soleil sur la terrasse familiale et l'obsession de terminer ce taf qui n'en finit plus, cernée de ces heures nocturnes à repousser le sommeil (qui se venge ensuite, le rancunier, en ne revenant pas quand on l'appelle...), rongée par la culpabilité, aussi, d'avoir laissé Loulou chez ses grand-parents (ça, ça va), mais surtout deux jours de suite à mon côtés pendant que je m'échinais sur l'ordi (oh, lui ne s'est pas plaint d'avoir la DS en accès libre. Je l'ai très mal vécu de mon côté, allez savoir pourquoi), je me suis dit qu'on allait allier l'utile à l'agréable, et que j'allais prendre l'air en bossant.

Manger chez pôpa-môman avant de retourner au labeur. Jouer à l'extérieur, plutôt qu'à domicile, en gros.

Installée sur la table de jardin, les pieds réchauffés par les lattes de bois tiédies, j'ai passé l'après-midi à avancer ma synthèse d'un comité technique paritaire totalement exaltant, avec Loulou pas loin, mais occupé, au moins, à commenter le Tour de France avec son papi. Parfois, j'ai jeté un oeil, apercevant son sourire non feint et son plaisir d'être là, de poser des questions et d'entendre le laïus de son grand-père en retour.

A un moment donné, Loulou est sorti des jolies envolées sur les cyclistes pour s'aventurer sur un autre terrain, plus... social. Plus historique, aussi.

Intrigué par les feux d'artifice dont il avait eu l'écho la veille au soir, il nous a demandé pourquoi le ciel avait ainsi pété, alors qu'il n'y avait même pas d'orage. Nous voilà partis pour un couplet sur le 14 juillet, la prise de la Bastille, la fin d'un système monarchique et la Révolution française. Et on enchaîne, allez savoir pourquoi, sur une autre révolution, Mai 68. Mon père lui explique que les gens ont pris des pavés, toussa, et qu'ils ont revendiqué de nouveaux droits, l'évolution de la société et que le mouvement "a permis au monde de bouger".

"De combien de mètres?" a demandé Loulou, imperturbable.

Là, j'ai bien failli me faire dessus, songeant que mon choix de bosser sous le toit familial était judicieux. Ç'aurait été dommage de louper ça, non?

Le pire, c'est qu'on n'a même pas su lui répondre;)

dimanche 10 juillet 2011

Brise légère

Je crois que l'un des moments que je préfère, c'est lorsque je m'allonge sous un arbre, en prenant tout mon temps et que je lève doucement les paupières. J'essaie de choisir un endroit calme, ombragé et confortable mais je dois parfois me résoudre à un espace un peu rocailleux - la sécheresse a frappé. Qu'importe.

Je tâte le terrain, donc. Je m'étire un peu, avant de goûter à ce moment toujours savoureux.

Je sens mon corps tonique, parce que je viens de finir de courir, et extrêmement réceptif. Mon oreille l'est, aussi, et je m'étonne que les paroles collent justement à l'instant.

Je respire. Je lève les yeux au ciel et, à moins d'une facétie d'un oiseau qui aurait bouffé un clown, là, c'est juste le paradis.

Le vent bruisse légèrement dans les feuilles. Des rais de lumière s'infiltrent ça et là et dorent mon visage rougi. Je fais l'étoile et je suis juste bien. Je fais le vide. Et puis les pensées reviennent au galop, finissent par se bousculer mais je les accueille avec un nouveau regard, un nouveau sentiment.

Je repense à ces dernières heures, à ces derniers jours, à ces dernières semaines.

A ces derniers mois, même. Les trois restaurants pour lesquels j'ai eu le bonheur de travailler sont soit fermé, soit en instance de l'être, soit vendu. Je me dis que la fronceuse de sourcils n'avait pas complètement tort. Que l'amour paternel me protégeait, finalement, contre ces folles propensions que je nourrissais de vivre de mon affaire.

Oui, je repense à ces images en ayant ce sentiment diffus qu'elles appartiennent à une autre vie, à un autre moi. Je le ressens de façon d'autant plus aiguë chaque fois que je vais au Mans, comme si cette petite chose que j'étais, paradoxalement pleine d'envies et d'ambition, avait quitté mon enveloppe corporelle et mon esprit, pour se mouvoir dans un corps nouveau et une tête finalement presque plus insouciante. Comme si les galères et errances passées m'avaient enlevé un poids, alors qu'elles auraient dû me plomber davantage.

Je suis sous mon arbre et je me sens légère.

Bien sûr, je reste affectée par des micro-événements, par les états d'âme de mes proches, les questionnements qui les laissent dans une forme de désarroi que je ne peux maîtriser. Mais dès qu'il s'agit de moi, j'ai tendance à relativiser, à laisser cette forme de nonchalance et de détachement reprendre le dessus sur mes ambitions. Y'a pas mort d'homme... Sorte de leitmotiv que je traîne depuis longtemps, très longtemps mais qui prend toute sa mesure aujourd'hui.

Un exemple? J'ai passé un entretien, voilà quelques semaines, pour un poste qui me bottait vraiment. L'idée d'une situation un peu fixe m'a effleurée avec un certain enchantement, à vrai dire. Et lorsque j'ai finalement reçu le verdict - non, évidemment. Vous pensez, malgré mon long silence ici, je vous l'aurais raconté. D'ailleurs, la terre entière en aurait probablement été informée - je n'ai rien senti. Même pas une once de déception. Et je vous jure qu'il me plaisait, ce job.

Au lieu de ruminer ce nouveau revers, j'ai filé à la mer. Heureuse. J'ai passé un week-end assez magique (oui, ok, je n'étais pas seule, ça peut aider), sans penser une minute à cet épisode.

Un refus n'allait quand même pas perturber ma bonne humeur, pas vrai... Pour tous les galériens, j'imagine que la situation semble inconcevable, et je pense que, un an plus tôt, j'aurais été à la limite de la pendaison. Mais, je ne sais pas, j'imagine que je me contente de ce que j'ai. Je multiplie les missions, je continue d'écrire pour Poney, je croise des syndicalistes mateurs et des politicards avenants...

Je vis.

Je suis sous mon arbre et je songe à ce constat tellement prosaïque: je vis. Ces derniers mois, j'avais appris à ne plus me projeter. Je suis dans l'instant.

Je regarde le soleil décliner doucement. Les feuilles onduler très légèrement. Je me lève délicatement, je sens mes muscles endoloris et la douceur de la brise. J'ai perdu la notion du temps.

Il est tard, sans doute. Qu'importe.

Il fera jour demain.