vendredi 24 juin 2011

Savourer sa chance

Voilà un an, j'étais en quête éperdue d'un appartement à Nantes. J'aurais pris, non pas n'importe quoi, mais enfin, j'avais une telle envie de retourner vivre dans la ville de mon enfance que je me serais accommodée d'un truc pas trop nul, j'imagine. A l'époque, on m'avait signifié trois ans d'attente, au bas mot, et après une lutte sans merci avec des propriétaires privés exigeant des revenus quinze fois supérieurs à leur loyer, j'avais fini par trouver une humaniste, qui m'avait donc loué son appartement.

Mon home sweet home actuel.

Évidemment, maintenant que je suis bien installée, après quelques épisodes épiques, je n'ai nullement envie de bouger. Loulou non plus, d'ailleurs, qui a dû s'adapter à une nouvelle vie, une nouvelle école, de nouveaux copains, enfin, vous voyez bien.

C'est toujours dans ces cas-là que l'on vous rappelle, en général (c'est la même chose avec les garçons, d'ailleurs, j'ai remarqué: tu es dans le désert pendant x années, aucun ne s'intéresse à toi. Suffit que ton coeur s'embrase pour l'un de ces spécimen et voilà que tout le troupeau débarque. Bref). Tout ça pour vous dire que, malgré une tonne de travail à rendre pour hier, je suis passée visiter un appartement, aujourd'hui, dans la commune que j'avais citée en haut de ma liste, qui plus est. Plus par correction qu'autre chose, à vrai dire, parce que je connaissais déjà ma réponse (je ne bouge plus. Et je garde le spécimen en boulant le troupeau. Mais ceci est une autre histoire, hum).

Dès que je suis rentrée dans l'appartement en question, j'ai su. J'ai su que je perdais mon temps. Oh, il n'était pas sale, les pièces étaient plutôt grandes, il y avait même un balcon, c'est vous dire. Mais ça sentait le malheur. La tristesse. Le désarroi et la solitude. La locataire m'a accueillie avec son fils de deux ans et demi dans les bras. Elle était gentille. Lasse, visiblement. On a fait le tour de l'appartement, j'ai vu qu'elle avait mis le lit de son fils dans sa propre chambre, enlevant les portes du placard pour faire de la place. Je l'ai trouvé un peu grand pour dormir dans la même pièce que sa maman, mais enfin, j'imagine qu'il y avait une raison.

Oui, il y en avait une: il manquait une chambre. Mais voilà un an, quand on lui a proposé un appartement, elle a accepté, oh pas n'importe quoi, mais elle avait un tel besoin de se loger vite avec ses deux enfants qu'elle s'est accommodée du premier truc proposé. Car elle venait de perdre son mari - la petite trentaine au vu des portraits trônant dans le salon - et elle devait se retourner vite.

Toute la différence entre le besoin et l'envie.

Je suis rentrée chez moi. Comme dans un cliché à trois sous, les nuages avaient laissé place à un grand ciel bleu. Un écureuil est passé juste devant moi, sur le parking. Une voisine m'a saluée et mon balcon était baigné de lumière. Soudain, je me suis sentie un rien capricieuse. Oh, bien sûr, je n'allais pas stagner dans ma vie d'avant en relativisant sur le fait que je ne manquais de (presque) rien, pendant que d'autres ont tout perdu (ou presque). Mais parfois, je réalise à quel point la colère m'empêchait de voir quelle chance j'ai, de vivre sans ce malheur presque palpable; sans ce mal-être qui sortait de tous les pores de cette jeune femme, portant littéralement à bout de bras ses enfants ; sans cette question au bout des lèvres: pourquoi?

4 commentaires:

  1. Bonne question, oui ! Pourquoi...
    Très beau billet, la Mouette.
    Bises.
    L'oiseau

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  2. Très beau billet, oui. L'apaisement, c'est aussi un bon moteur.

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  3. comme disait la Vedette de Mme Michel : ça c'est bien vrai, ça...
    je suis tout à fait d'accord avec : (c'est la même chose avec les garçons, d'ailleurs, j'ai remarqué: tu es dans le désert pendant x années, aucun ne s'intéresse à toi. Suffit que ton coeur s'embrase pour l'un de ces spécimen et voilà que tout le troupeau débarque. Bref).

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  4. Ces détresses profondes sont parfois insondables...
    J'en ai rencontré beaucoup, autrefois, avant de revenir à moi-même. Je me suis aperçu à quel point j'étais moi aussi à l'époque dans le noir complet ;(
    Beau texte
    séb h.

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