vendredi 29 avril 2011

Tomboy*

Les larmes ont coulé, vous disais-je, réduisant à néant mon apparent stoïcisme. A force d'encaisser des micro-événements en me répétant que je suis forte, je suis forte, je suis forte (les mantras, rien de tel. Et j'expérimente ainsi ma reconversion en gourou), j'ai fini par flancher. Logique, personne n'est infaillible, surtout pas moi, et mon coeur, qui n'a jamais été de pierre, a subi quelques remous ces derniers temps.

Ce qu'il en ressort ne fait hélas que confirmer certains aspects de ma personnalité. Je suis une midinette, cachée dans un corps de garçon manqué (quoique, mon corps n'a rien d'androgyne). Une nana qui sait aussi bien manier la séduction qu'une perceuse, en gros, et quand on sait à quel point je suis une quiche en bricolage, ça vous situe le niveau.

Nul.

Je n'ai jamais cherché ce rapport de séduction, je crois. Les jeux de garçon me plaisaient plus, enfant (d'ailleurs, je vous en avais déjà parlé ici) et je ne faisais aucune distinction entre filles et garçons, dans la cour d'école. Même si, quand même, j'avais un amoureux. Marcel, qu'il s'appelait. Je voulais vous scanner la photo car, grosse classe, le cliché avait été publié dans le journal municipal de Tremblay-les Gonesse - oui, j'étais déjà une star, ah ah - mais le rendu est ridicule. Imaginez juste un blondinet à capuche et, à côté, une petite fille, aux grosses joues, mains sur les hanches, air résolu et visiblement pas commode... Ahem.

Je devais avoir 4 ou 5 ans lorsque j'ai supplié mon père de m'acheter deux camions, quand toutes les filles de mon âge ne juraient que par les poupées. Mon pauvre padre s'en souvient encore, lui qui, tellement énervé par ma comédie, avait plié sa voiture contre un arbre, sur le parking du supermarché, pendant que j'avais triomphalement à la main mes camions (j'étais une peste, je crois bien). Je passais mes week-end au basket, entourée de mes copains et copines du club, et le shopping consistait souvent pour moi à fureter dans les rayons de magasins de sport.

Avec le temps, quelques apprentissages douloureux et d'autres rencontres plus exaltantes, j'ai découvert que j'étais une fille. Mais à vrai dire, c'était comme approcher un monde parallèle, sans vraiment pouvoir y appartenir. Les histoires d'A. toutes plus ubuesques les unes que les autres qui ont suivi m'ont conforté dans l'idée que je ne me sentais pas vraiment femme avec un grand F, seulement une fille en transit dans un monde parfois romantique, souvent catastrophique.

Après mon coup de foudre new-yorkais et la période de désenchantement qui a suivi, j'ai ressenti plus fort que jamais ce sentiment d'être asexuée. D'ailleurs, le sort s'en est mêlé. Je me suis fracturé le poignet, l'été qui a suivi, restant deux mois avec un énorme plâtre du bout des doigts à l'épaule. Outre une autonomie limitée me contraignant à retourner vivre provisoirement chez mes parents (hum, à 25 ans, oui), j'ai vécu ce sentiment d'être juste la fille de pôpa-môman, une personne dont le monde sentimental ressemblerait un peu au désert de Gobi (en moins beau, sans doute).

Oh, pourtant, des hommes, il y en a eu, des gentils, des pervers, des intelligents, des tordus, des physiquement intelligents, des lourdingues, des mystères, des regrets... Mais au final, j'avais toujours l'impression que ce pouvoir de séduction qu'ils étaient capables de produire sur moi, j'étais moi-même incapable de le reproduire ensuite. J'étais du genre à regarder derrière moi lorsqu'un garçon me fixait, vous voyez le genre. Toujours cette impression d'imposture.

Je m'en suis accommodée, je crois. Les garçons, finalement, ça peut être utile, sympa et divertissant. Moins pleureuses et chieuses que les filles, moins prise de tête, plus cash ; oui, je suis devenue la copine des garçons. Dans mon entourage, j'en ai pas mal, avec qui je ne nourris aucune ambiguïté et je crois sincèrement à l'amitié hommes-femmes (même si je conviens aisément que le syndrome "Harry & Sally" peut parfois s'installer), parce que les rapports sont finalement simples, du moment qu'on y mette son authenticité et sa spontanéité.

Bon, je ne me gratte pas les parties ni ne bois de bière, mais enfin, on n'est pas non plus obligé de prôner la caricature, hein.

Revers de la médaille, les garçons me considèrent aussi comme un pote. Et, bien que j'adore ces amitiés masculines, je vous avoue que je trouve la chose un rien vexante, parfois. Comme si, une nouvelle fois, j'étais asexuée. Je l'ai vécu à mes dépens, encore une fois, tout récemment, et je m'interroge: dois-je utiliser des artifices pour rappeler à la gente masculine que je suis bel et bien une fille? Ah, on me signale qu'il s'agit là de la méthode utilisée depuis des siècles par les représentantes du sexe faible. Mais c'est fatigant, non? Je veux dire, on ne peut pas juste être soi et séduire ainsi?

Ah, si, ça existe. Ça s'appelle l'amour. L'amour de soi, d'abord, ça peut aider. Je vais prendre un trangsène et je reviens.

* A moins de vivre dans une caverne ou de vous être transformé en stalagmite en tentant la baignade dans l'Atlantique (en avril, ne te découvre pas... même pas peur, j'ai osé. L'Océan à 15° - je suis généreuse, je crois - rien de tel pour raffermir les tissus) (fin de la parenthèse, savoir synthétiser, exprimer des propos clairs... ) Bref, disais-je, à moins de vivre calfeutré en attendant que Fukushima nous achève, vous avez forcément entendu parler de Tomboy, ce joli film de Céline Sciamma et dont je suis ressortie assez enthousiaste de la salle. Avant que la vie, cette saleté qui s'amuse à nous faire tourner en bourrique avec son ironie à trois balles, se charge de me rappeler quelques heures plus tard à quel point je suis imprégnée de ce syndrome Garçon manqué.

3 commentaires:

  1. T'as le droit d'être une femme, puisque t'es "xx" ; cesse donc de te saboter toi-même en étant toujours "la bonne copine sympa" ! comment un mec peut-il s'apercevoir que tu es autre chose si tu leur envoie toujours les mêmes signaux ? la peinture sur la tronche, les talons hauts et les cris de pintade effarouchée sont facultatifs. Mais.....si tu veux qu'on homme te regarde comme "possible", montre-toi comme telle, et pas toujours comme "neutre" !
    C'est pas dans le déguisement en gravure de mode que ça tient, c'est dans l'état d'esprit. Se rendre disponible à recevoir, au lieu d'envoyer des signaux genre "j'ai l'air d'une fille mais je suis un pote" !
    Un copain c'est un copain et une femme c'est une femme.Oui, l'amitié homme-femme existe. Entre ceux et celles qui n'ont aucunement envie de se maquer l'un avec l'autre.

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  2. Et je sais de quoi je parle ; parce que comme garçon manqué, j'ai fait mes classes aussi. Jusqu'au jour où j'ai réalisé que toutes mes copines avaient des petits amis, et que j'avais tout simplement....peur de la capture, et de perdre quelque chose en ayant une relation "sérieuse".
    Il serait temps que tu te voies femme. La bonne copine, passé 25 ans, ça finit vieille fille.

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  3. La Mouette, tu me fais doucement rigoler. T'as vu tes yeux ? Non, sans déconner, t'as vu tes yeux ? Regarde-les mieux. Et pour être allé vérifier mes sources, j'ai regardé tes photos de profile sur Facebook, on y voit pas qu'eux, on y devine aussi plein d'autres beautés non cachées. Prends confiance en toi, tu n'as rien à envier à Kate, tu peux décrocher ton prince aussi, il suffit de t'ouvrir un peu. Oui, c'est ça, ouvre les yeux !
    Bises.
    Thierry

    ps : si j'y ai été un peu fort dans mon commentaire, n'hésites pas à le virer :)

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