jeudi 21 octobre 2010

Mélo new-yorkais

Janvier 1998. Mes pieds sont gelés et mon coeur brisé. Paumée, je viens de passer une heure au téléphone avec une amie, en France, à l'époque où la minute de téléphone coûte 10 francs - et où un dollar vaut 6 francs.

Je suis à New York. Perdue.

Après cette séance de larmes, je quitte l'appartement du Bronx de mon "chéri", qui m'en fait voir de toutes les couleurs. Je prends le métro et m'arrête à hauteur de la 86e. J'enfonce mon bonnet, pour me protéger du froid et d'éventuels regards indiscrets, oubliant qu'à New York, personne ne s'inquiète vraiment de vos états d'âme, qui plus est lorsque nous sommes un 3 janvier et qu'il neige.

Je marche, difficilement, l'épaisseur du manteau blanc me complique sérieusement la tâche. Je veux aller au musée d'histoire naturelle, comme pour oublier les tourments qui m'animent. Au bout de quelques minutes, je craque. Je m'appuie contre un poteau de téléphone. Je tente de me ressaisir. J'ai besoin de douceur.

J'ai besoin de voix familières. J'appelle mes parents.

Contrairement à mon amie à qui j'ai pu me confier en toute liberté -et décidément sans retenue - ils ne doivent rien deviner.

Après tout, j'étais tellement heureuse de retrouver mon chéri pour les fêtes de fin d'année. Ils m'ont même payé le Paris-New York, en guide de cadeau de Noël , conscients que je ne vis que pour ça, alors. Certes, ils n'ont pas masqué leur inquiétude, lorsque j'ai raconté où j'allais loger.

Le Bronx, c'est rarement le must en terme d'hébergement, lorsqu'on va à Big Apple. Mais devant mon insistance, ils se sont inclinés.

Alors, je n'ai pas d'autre choix que de faire ma brave. De ravaler mes sanglots, de jouer l'enthousiasme et la gaieté, comme si de rien n'était. Comme si je ne souffrais pas. Comme si mon rêve d'amour éternel ne s'était pas écroulé (j'étais jeune et naïve à l'époque, je croyais encore au Prince charmant... comment ça, j'y crois encore?).

Ils sont surpris de me parler à cette heure, mais que fais-tu, tu es toute seule? Oui, oui, bibi d'amour travaille, je suis partie me balader. J'irai déposer des CV cet après-midi à Manhattan.

Je ne leur ai jamais reparlé de ce coup de fil impromptu. J'ignore s'ils ont été dupes.

Je raccroche. Je devrais me sentir rassurée. Je suis pourtant à deux doigts de m'effondrer. Je ne me suis jamais sentie aussi seule.

Je traverse Central Park pour rejoindre le Musée, dans un état quasi comateux. Ne pas penser. Rester confiante. J'arrive à hauteur de la 79e rue. Et là, je lève le nez. J'observe ces fastueux bâtiments. Combien d'histoires se sont nouées, dénouées, ici? Combien de joies, combien de tragédies? Je suis en plein mélo et pourtant, l'idée de toutes ces destinées qui se sont croisées, dans ces somptueuses demeures, insuffle chez moi une nouvelle énergie.

Je passe devant le Musée, sans m'arrêter. Je file vers Manhattan, pour y déposer un CV, sans savoir encore qu'il se rappellera à mon bon souvenir des mois plus tard, comme un clin d'oeil au milieu de ces choix cornéliens que la vie nous impose.

Je ne sais pas non plus, alors, que je vais pouvoir m'immiscer dans ces appartements et y découvrir des secrets familiaux.

Poney va se charger de m'y introduire.

A suivre...

5 commentaires:

  1. Passionnant ! Ne t'ai-je pas déjà dit que tu devrais écrire un livre ? Si si, la Mouette, tu devrais raconter tout ça dans un roman.
    Bises.
    Thierry

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  2. Tu as vraiment le dont de nous rendre accro à tes histoires, la mouette! Je rejoint Thierry : C'est évident que tu devrais écrire des romans!!!
    Bises,
    Anne-Lise

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  3. Une citation :
    Il y a de ces hasards cachés de par le monde qui font des signes étoilés au bout de notre espoir. Et la plupart du temps, à l'heure où l'on s'y attend le moins.
    [Roger Mondoloni] Extrait d' Onaga

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  4. @ l'oiseau, Anne-Lise : arrêtez, arrêtez, je ne passe plus les portes ;) Et si j'écrivais le roman de Poney ?...

    ... @ Anne: mince, en écrivant ça à tes petits camarades, je tue un peu le suspense, là...

    @ Babelle: Jolie citation, qui me parle bizarrement ;)

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