samedi 28 août 2010

La chair de ma chair

Ah, la vie et ses coïncidences...

J'ai volontairement passé sous silence la seule ombre au tableau de mes dernières vacances, estimant que tout cela ne concernait que les intéressés et que cela n'enlevait rien au bonheur ressenti jusque-là. Pourtant, au sortir d'une salle de ciné, voilà que tout ça me fait écho. Et résonne d'autant plus que j'évoquais aujourd'hui, avec une amie, la fugacité de l'enfance et l'importance de chérir ces précieux instants.

Sans rentrer dans les détails, mon instinct maternel s'est manifesté, la semaine passée, lorsque j'ai senti que mon loulou, certes pas toujours angélique, a été un rien bousculé. Une tierce personne, informée de la situation voilà quelques jours - sans en avoir été témoin - m'a "gentiment" fait remarquer que, quoi qu'il arrive, je défendrai toujours mon fils.

Comment ça, je placerais en priorité la chair de ma chair? Comme une louve avec ses petits, des trucs du genre?

Ben oui. Je n'y vois rien que de très logique.

Je tiens néanmoins à nuancer. Je ne lui donne pas raison à tous les coups. Une chose est sûre, néanmoins (attention, guimauve et violons de sortie) : aussi remuant soit-il, il sera toujours l'être que j'aime le plus au monde. C'est comme ça.

Pourquoi je vous parle de tout ça? Parce que je sors d'une séance bouleversante, celle de "L'Arbre", magnifique oeuvre contant le deuil d'un père, le deuil d'un mari, où une maman, remarquablement jouée par Charlotte Gainsbourg, tente de s'en sortir comme elle le peut, en laissant à chacun de ses enfants le temps et les ressources pour exprimer leurs émotions, sans forcer. Alors que l'amour lui tombe de nouveau dessus, elle sacrifie cet espoir de vie pour donner raison à sa fille, têtue et déterminée.

Elle défend la chair de sa chair. Contre vents et marées.

Elle dit qu'elle se demande comment elle faisait, avant, quand ses enfants n'étaient pas là. Et ajoute qu'elle n'envisage pas sa vie sans eux. Alors même qu'elle les avait menacés de partir sans eux, dans un moment d'épuisement total, en colère contre eux et surtout contre l'injustice de leur sort. Elle ne l'aurait jamais fait. C'est toute l'ambivalence d'être mère.

Comment faisait-elle, avant. Comment ferait-elle, sans eux, maintenant. Au delà de la fiction, telles sont les questions qui m'animent, parfois. Qui animent, j'imagine, n'importe quelle maman. En donnant naissance à son enfant, on rentre dans cette nouvelle dimension où le nouveau né devient l'ultime priorité. Au fur et à mesure des années, la vie reprend ses droits, on s'octroie, ça et là, quelques moments pour soi, pour son couple aussi - quand celui-ci a eu la chance de survivre.

Mais l'enfant passera toujours avant tout. Ce n'est peut-être pas ainsi que toutes les mamans le vivent mais c'est en tout cas ainsi que je l'ai vécu, que je le vis.

La plupart des amis célibataires, qui n'ont à assumer que leur propre peau, ne peuvent pas comprendre. Ils nous trouvent gnangnan, chiantes et trop protectrices avec notre môme. On les voit égoïstes, intolérants et peu conscients de la responsabilité qui nous anime. Voilà, c'est ainsi que le gouffre naît. C'est ainsi que l'on renonce à des amitiés, que l'on croyait fortes, à des bons moments, à ces instants fugaces où l'on ressent la même complicité qui nourrissait nos relations enfantines.

On peut s'accommoder d'un clash. Ou considérer qu'en touchant à un cheveu de notre enfant, l'autre a dépassé la limite. C'est purement instinctif. Je ne suis pas particulièrement rancunière, il me semble, mais oublier des propos désobligeants à l'égard de Loulou - qui, je le répète, n'est pas toujours irréprochable, mais, circonstance atténuante, n'a même pas atteint l'âge de raison - est au delà de mes forces.

Pour revenir à "L'Arbre", la petite fille qui parle à cet immense figuier trouve les ressources pour vivre son deuil; pour vivre tout court. Lorsque sa copine lui demande comment elle fait pour rire alors que son papa est mort, elle lui explique qu'on a deux options : être heureux ou triste. Et qu'elle a choisi d'être heureuse.

C'est ce choix, cette attitude souriante qui vont redonner de la couleur à la vie familiale, du baume au coeur à la maman. Cet hiver, lorsque j'étais mal en point, il m'est arrivé d'observer tranquillement mon loulou, jouant nez au vent, courant en zigzaguant, malicieux, mutin, tellement innocent.

Tout ça est tellement fugace.

Un jour arrivera où le ton deviendra plus grave, où il me demandera d'arrêter de le regarder bêtement, où sa candeur laissera place à de la désinvolture. Comme lorsque, dans "L'Arbre", le fils aîné, déjà grand adolescent, stoppe sa mère, alors qu'elle vient lui masser tendrement les pieds, au bord du lit.

Et moi, je me souviendrai combien Loulou me suppliait, le soir, de lui prodiguer ce même massage des pieds, ses rires dès que j'effleurais le talon. J'aurai toujours en mémoire sa bouille, son énergie, sa collectionnite aigüe et sa passion pour les glaces et le foot. Je saurai pourquoi j'ai pu le défendre, le laisser s'exprimer, quitte à encaisser les regards lourds de reproches, les avis tranchés, les "tu devrais faire ci, tu devrais faire ça."

En attendant, je profite de ces belles années où la chair de ma chair me fait parfois bondir, me met en colère, m'insupporte. Et me fait craquer, tout simplement, d'un simple sourire ou d'une horrible grimace.

Allez voir "L'Arbre" et dites-moi si l'émotion vous a submergé comme elle a pu me submerger.

Quant à faire des enfants, là, c'est vous qui voyez.

vendredi 27 août 2010

La mue

Les crayons à pointe fine et ceux à pointe moyenne sont dans la trousse. J'ai fini par dégoter le protège-cahier qui manquait à la collection requise. J'ai pu fermer le cartable, complet. La coupe de Loulou est rafraîchie, les photomatons sont réussis, le rendez-vous pour le certificat médical est pris...

Maman parfaite, sors de ce corps... Euh, non, c'est vrai, j'oubliais, j'ai beau en endosser la panoplie, je suis loin de ressembler au modèle maternel exempt de tous reproches. Un exemple? Eh bien, nous allons démarrer la rentrée ici et, si tout va bien, nous rejoindrons de nouveaux cieux en novembre. Je visite lundi l'appartement, potentiel nouveau nid, et l'acceptation ou non du bail déterminera la suite des événements.

Alors, oui, Loulou devra changer d'école en cours d'année. J'ai connu exactement la même situation à son âge, en CE1. Je n'en ai pas gardé de traumatisme.

Oui, Loulou va devoir se faire de nouveaux copains. On a vu pire.

Oui, je vais devoir prendre de nouveaux repères dans une ville où j'ai grandi, mais qui a changé de dimension depuis que je l'ai quittée. Mouais.

J'écris cela alors même que rien n'est encore acquis. Si j'étais superstitieuse, j'effacerais dans la foulée ces propos. Mais je vais laisser cela tel quel parce que, enfin, la décision est prise dans ma tête. Oh, bien sûr, lorsque ma "boss" m'a demandé de venir la dépanner un dimanche de septembre, je me suis dit que j'allais devoir renoncer à ces petites récrés. Quand elle m'a parlé des tartes au citron et autres douceurs que j'aime confectionner pour le restau, ça m'a fait un petit pincement au coeur.

Lorsque je croise une amie de longue date, j'imagine bien que nos rencontres ne seront plus fréquentes ensuite. Lorsque je vais me ravitailler en thés dans l'une de mes petites boutiques fétiches de la cité, je songe que ces petites habitudes vont être atomisées. Lorsque j'enfourche mon vélo pour faire une course, je n'ignore pas que la vie sera peut-être parfois moins confortable.

Moins pépère, aussi.

J'ai pesé le pour et le contre. J'ai fait du tri, aujourd'hui. Dans mes affaires, dans mon ordinateur. En revoyant certains clichés pris cet hiver, je me suis fait peur. Je ne veux plus voir cette mine triste que j'ai aperçue. Je veux me libérer de cette carapace, faire ma mue, quitte à me sentir plus vulnérable.

C'est le prix à payer pour devenir ce que je suis, au fond.

jeudi 26 août 2010

Une herbe plus verte

Avant de partir en vacances, j'ai eu le plaisir d'accueillir la cafelière et son miniloup à la maison. Nous avons pu converser à loisir, entre deux péripéties - un petit aperçu ici - et évoquer nos rêves d'hier et d'aujourd'hui. Je croyais le mien enfoui au plus profond, contrainte et forcée, mais l'envie persiste, l'utopie de monter mon p'tit bazar n'en finit plus d'envahir ma caboche.

Pourtant, lorsque la cafelière m'a demandé - après un passage devant le fonds de commerce que j'ai touché du doigt - si je n'avais pas envie de remettre le nez dedans, j'ai été plutôt catégorique. Non, non, non, plus de création d'entreprise. Plus tard, lorsque l'amie qui nous recevait pour cette dizaine de jours dans son antre - et qui m'a offert la cuisine clés en main, le bonheur - m'a demandé si je n'avais pas envie de me lancer dans l'aventure de "chef à domicile", j'ai de nouveau repoussé l'idée.

Lorsque je passe découvrir un nouveau salon de thé dans la ville et que je vois la facilité apparente de l'affaire, je tente d'oublier aussitôt que, pour certains, le rêve s'est concrétisé.

Ne pas se faire d'illusion. Ne pas se mettre martel en tête. Être sage. Reprendre le chemin tracé. Oublier cette sensation d'apaisement et d'accomplissement, les deux mains dans la pâte, derrière le comptoir. Penser à construire, chasser les vieilles chimères.

N'empêche. En décembre, je n'ai plus de droits et j'ignore toujours comment je vais me dépatouiller avec moi-même. Lorsque la cafelière m'a demandé quels étaient mes projets pour septembre, j'ai été incapable de lui répondre correctement. Je ne sais pas, tout simplement. Je fourmille d'envies mais rien ne se concrétise. Une telle situation devrait générer de l'angoisse mais ma sérénité passagère me permet de simplement poser les choses.

Je pourrais continuer à vivoter ici, dans cette ville où je vis depuis maintenant seize ans (!), prendre tout ce qui passe, un peu de rédaction, un peu d'extra, un peu de cuisine. Je préfère partir vivoter ailleurs, où l'air me semble moins vicié. Je lutte sans cesse contre moi-même, contre ces gens bien pensants qui me conseillent d'oublier l'idée, et je me fous d'idéaliser cette ville que je veux rejoindre, pour, enfin, tourner une page.

L'herbe est toujours plus verte ailleurs, bien sûr. Celle sur laquelle je suis assise me chatouille trop pour que je continue de rester là, bras ballants, sans rien faire.

mercredi 25 août 2010

Sweet

Je n'ai qu'une hâte, habituellement, lorsque je reviens d'un break. Me reconnecter, rattraper le retard et, depuis près d'un an et demi maintenant, revenir sur le blog pour raconter, partager et retrouver mes trois (ou quatre, allez) lecteurs.

Cette fois, je prends mon temps. Je retourne doucement à mes petites habitudes, sans pression, et reviens lentement vers l'ordi.

J'ai l'impression d'être partie voilà six mois et, dans le même temps, je retrouve ma petite vie comme si de rien n'était. Enfin, presque.

Liberté, convivialité, hédonisme, spontanéité, le vent qui a soufflé ces derniers jours m'a transportée dans un ailleurs que je n'espérais même plus. Nous devions partir une semaine, avec Loulou et des amis, et le séjour s'est prolongé, traduisant ce bien-être qui nous animait, cette envie de faire durer le plaisir.

Je ne pensais pas, sincèrement, parvenir à décompresser à ce point, à vivre pleinement ses vacances, à savourer la moindre minute, à rire ainsi, à m'attabler sans culpabiliser et multiplier apéros et bonnes bouffes comme si de rien n'était, comme si j'étais vraiment en pause.

Les dommages collatéraux ont été immédiats, évidemment, avec deux bons kilos de gras direct dans les cuisses, un vrai bonheur, mais enfin, mon moral n'en est pas affecté, une bonne détox et il n'y paraîtra plus.

...

Je suis positive et optimiste? Ah oui, vous aussi, ça vous fait bizarre?

L'effet des vacances, j'imagine. J'en suis même à m'interroger sur la pertinence de sacrifier ma coupe j'en-ai-marre-de-vivre, tant la zen attitude coule dans mon sang. Comme si l'envie de naturel surpassait la nécessité de retrouver une tête à peu près décente.

Je sais, ça ne va pas durer, la routine va reprendre ses droits, l'école, la rentrée, la quête de sens (et toi, tu fais quoi en septembre? Euuuuuuuuuuuh... Sais pas?) et son lot d'angoisses inhérentes. En attendant, je profite des petits riens, et je me dis que cet été, finalement, aura parfois été souriant et réjouissant.

Pour un cas soc' comme moi, sincèrement, c'était pas gagné d'avance.

samedi 14 août 2010

Holidays

Quand t'es au chômage...

Tu dors jusqu'à midi;
Tu n'es jamais fatigué;
Tu peux aller à la dernière séance parce que t'as pas école demain;
Tu as bien le temps de tout: d'aller chez le coiffeur, prendre un café, faire le pied de grue à Pôle emploi; oui, tu as le temps de prendre du bon temps;
Tu es en vacances tout le temps...

Eh bien non, justement. Quand t'es au chômage, tu te lèves tôt en songeant à tout ce qui t'attend; rien que d'y penser, ça te fatigue; tu t'endors à la dernière séance, harassé par la journée à chercher l'introuvable -un job - et finalement, si tu as parfois le temps pour des extras, tu n'en as pas forcément les moyens. Alors, les vacances, comme pour tout le monde, c'est une bulle, une sorte d'extra avant le retour à la vraie vie. Eh oui, comme pour tous les travailleurs.

Et quoi de plus jouissif que de s'offrir cette bulle au moment où les vrais travailleurs reprennent le chemin de l'école?

Finalement, ça a du bon, d'être dans la marge.

Je file prendre du bon temps, sans aucun scrupule. Je vous dis à très vite! Bonne semaine à vous...

vendredi 13 août 2010

Roulades dans la Lune



OK, c'est illisible. Je vous la refais:
"Bonjoure* maman (*Ceci n'est pas une faute d'orthographe, c'est le bonjour appuyé, motivé par les quinze jours sans se voir l'un l'autre.)
je m'amuse ici à Oléron
J'ai fait du surf et des roulade(s) dans la dune.
Bisoux (oui, avec un x, bah pourquoi pas, on écrit bien xxx en anglais. Oui, mon fils de 6 ans et demi est bilingue, quoi, comment ça c'est pas crédible?)"
Comme quoi une simple carte peut vous donner le sourire pour la journée.
J'avais lu "des roulades dans la Lune", au départ et, en toute objectivité, j'ai immédiatement pensé que mon fils était le nouveau Verlaine.
Avant de relire, correctement, cette fois (je vous dis pas, il va se coltiner des lignes d'écriture à son retour, non mais).
Bon, Loulou n'est peut-être pas un poète mais sa carte a fait sur mon p'tit coeur de maman l'effet d'une jolie caresse. Ça vaut toutes les proses du monde.

jeudi 12 août 2010

En vrac

"En vrac". Typique du titre fourre-tout, dont j'ai souvent abusé lorsque j'écrivais des news qui ne méritaient ni qu'on les zappe, ni un développement majeur. En l'occurrence, ce que je veux vous raconter rentre à peu près dans ces cases, même si l'intérêt de ces micro-historiettes (ça va, vous avez compris le dérisoire de la chose, ou je vous fais un dessin?) reste pour le moins mineur, on est d'accord. Mais que voulez-vous, je vais bientôt laisser en friche cet espace (une semaine), alors un petit 3615mavie s'impose avant le break, pas vrai?

En vrac, donc:

- Hier, un passage à Pôle Emploi m'a confirmé que la mauvaise foi et la bêtise peuvent faire très vite des ravages. Demandant une précision à l'accueil, je me suis fait envoyer bouler par la collègue de mon interlocutrice, tapie derrière son poteau et qui écoutait la conversation. A vrai dire, j'ai eu l'impression d'entendre aboyer un chien. En me penchant légèrement, j'ai aperçu une grosse dame dont la frange avait de fait un vague rapport avec les poils d'un labrador. Sauf qu'un labrador, c'est gentil, en général. Elle, c'était une toute-vilaine. Finalement, j'ai appris que ma suspension d'allocation ce mois-ci était sans doute due "à une panne informatique". Oh les vilains ordinateurs...

- J'ai également eu la bonne surprise de voir mes revenus augmenter. D'habitude, quand je bosse, je touche la même chose que si je glandais, logique imparable de Pôle Emploi. Ce mois-ci, jackpot, travailler m'a fait gagner de l'argent. Comment ça, c'est normal ?

- Parce que tout bouge en même temps, je suis à deux doigts de prendre un appartement, près de Nantes... Enfin, j'ai eu l'annonce à peu près cinq minutes après avoir postulé à un job... au Mans. Je sais, c'est toujours comme ça.

- Dans le même temps, alors que l'on m'annonçait un délai d'attente de un à trois ans pour obtenir un logement social dans la cité nantaise, j'ai reçu une offre hier. J'ai chargé mes parents d'aller le visiter. Verdict: riquiqui et surtout à la limite de l'insalubrité. Devant la perplexité visible de mes parents, la dame a osé : "vous savez, il y a une énorme liste d'attente, et puis, elle est au chômage, votre fille, elle n'aura rien de mieux." Un appart glauque de 50 m2 avec une douche en guise de salle de bains, des murs et des sols sales, des plafonds noirs et des fils qui traînent partout, je n'aurais pas mieux? Il aurait aussi fallu que je me prosterne à ses pieds pour m'avoir proposé ce taudis?

- A propos de pied, j'ignore toujours la nature de ma douleur, mais enfin, je marche de nouveau sans trop ressembler à Quasimodo. Le médecin n'a pas l'air d'être plus au courant, mais enfin, ça l'importe peu, visiblement : "Vous savez, les douleurs, y'en a plein, hein!" m'a-t-il répondu, ce soir. Vu comme ça... Voilà qui me donne plus envie encore de me plonger dans un projet sur le corps médical, mais j'aurai sans doute l'occasion de vous en reparler.

- Ce médecin m'a demandé quel était mon métier, dans la vie. Toute désarçonnée, je me suis emmêlé les pinceaux. Je ne sais plus me définir! Néanmoins, je me demande si au lieu de chercher à tout prix un boulot salarié, je ne ferais pas mieux d'accepter l'incertitude, cette forme de précarité que je vis depuis quelques mois mais qui, au moins, m'oblige à déployer de l'énergie, me donne du grain à moudre et de la matière pour entrevoir un récit, disons, plus long que ces posts.

Et si c'était ça, le chemin de ma vie, après tout? Cette prise de conscience me laisse entrevoir des horizons plus larges et l'envie de colorer ma vie se fait de plus en plus pressante. En attendant, je m'offre des maillots de bain orangés et pop, parce que, c'est pas tout ça, mais les vacances arrivent à grand pas, eh eh eh...

mardi 10 août 2010

On dirait que ça t'gêne de marcher dans la boue...

Repos, qu'il a dit le monsieur. Alors, donc, je me repose.

Enfin, j'essaie.

Je m'aperçois à quel point j'ai du mal à rester à rien faire. Je m'imaginais avachie sur le canapé mais j'ai préféré jouer à Quasimodo, avec ma démarche bancale, dans mon appartement. Pourtant, j'ai bien dû me rendre à l'évidence et me poser, histoire de soulager ce pied douloureux. Donc, j'ai fait le tri dans mes mails, consulté les offres d'emploi, la routine, en somme.

Comme je suis sûre que vous aussi, vous avez envie de rigoler, je vous cite les dernières offres d'emploi reçues de Pôle Emploi, offres "proches de vos critères", comme le rappelle le site:

"Journalistes passionnés et pratiquant la pêche (au coup, carpe, carnassiers, eau douce et mer) et la chasse (tous types). Postes convenant à des débutants très motivés ou des seniors expérimentés à leur aise sur le terrain et au contact des pêcheurs et des chasseurs."

Vous connaissez la différence entre un bon chasseur et un mauvais chasseur? Hélas, pas moi. Et puis, j'ai pas l'âme d'un poète. Obligée de passer mon chemin.

Une autre offre? "Journaliste économique à Casablanca. Arabe correct exigé." Inch'allah; obligée de passer mon chemin.

" Journaliste spécialisé en économie, vous présentez dans le cadre d'une conférence les intervenants et animez les débats". Bac +5, expérience d'un an dans le domaine pour un contrat... d'une journée, à Lille. Suivant...

Tiens, un CDI à 1600 euros à Levallois, voyons voir: "Spécialiste de l'univers des tracteurs agricoles anciens et actuels, le candidat contribuera activement à la rédaction d'un magazine spécialisé." Je m'imagine déjà chevauchant les grosses machines et ramener de la paille à la rédaction.

C'est quoi le message, quand t'es sur la paille, va dans la boue?

Mouais. J'ai filé dans la cuisine, histoire de me détendre en jouant un peu les marmitons. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais envoyer une lettre de motivation. Et encore, aucun des postes présentés n'était soumis à une quelconque éligibilité à un contrat d'aides. Aucun ne proposait un job sur 20h payé au SMIC à Paris. C'est déjà ça.

Je sais, je fais preuve de mauvaise volonté, pas vrai?

Au fil du temps, je réalise que mon idée de reconversion, loin d'être un caprice, m'offrait un salut. Parce que, hormis bosser comme une tarée dans un bocal, avec dix autres dégénérés sur un plateau parisien, payée au lance-pierre, oui, hormis considérer que le journalisme consiste à repomper d'autres sites eux-mêmes gérés par des sous-traitants, je ne vois pas l'issue dans ce milieu.

Je passe mon chemin et vais élargir mes "critères"...

lundi 9 août 2010

Tornade blanche

Pendant que certains se penchaient sur mon décolleté, mon esprit était tout tourné en bas. A hauteur de mon talon. Deux jours que je boitillais, virevoltant à droite, à gauche mais d'un pied - ce qui constitue une sorte, sinon d'exploit, d'expérimentation sur la résistance de ma jambe droite à compenser la lâcheté de sa copine de gauche.

Peu importe, je n'ai pas eu le temps de tergiverser en ce dernier jour au restau. Une quinzaine de couverts, d'abord, auxquels se sont ajoutés de simples consommateurs de boissons - qui veulent leur verre, là, maintenant, sans considérer que peut-être, il est 13h et qu'on tente de servir des plats en même temps - un léger répit, un employé du musée attenant me suggérant de passer "vu que ça va être calme cet après-midi" et puis...

La tornade. L'ouragan. Les tables se sont remplies, une trentaine de clients est arrivée, des gens charmants, certes, mais assoiffés. Voire affamés. Pas de bol, dévalisée le midi, je n'avais plus trop de desserts à leur proposer. Alors, système D, je leur ai suggéré des assiettes gourmandes un peu particulières et ma foi, j'ai pu finir d'écouler les stocks. Royal.

Des amis sont arrivés, au coeur de la tempête, que j'ai sollicités pour vite sortir des verres du lave-vaisselle car, là aussi, il y avait rupture de stock. Ils étaient venus avec deux de tension, limite comateux, je peux vous assurer qu'ils ont été reboostés en moins de deux... Des dames sont arrivées à cinq minutes de la fermeture, sirotant ensuite tranquillement leur thé, sans plus penser que, peut-être, la demoiselle derrière son comptoir qui fait du bruit avec la vaisselle, elle voudrait nettoyer.

Bon, elles étaient gentilles, et puis mes amis prenaient l'air sur la terrasse, alors peu importe, je n'étais plus à cinq minutes près. Au final, je suis partie une heure et demie après la fermeture officielle, éprouvée, mais fière. Fière d'avoir pu servir tous les clients (" - Mais vous êtes toute seule?" "- Non, non, j'ai dix personnes dans la cuisine d'un mètre carré, pourquoi?"), de n'avoir rien cassé, rien renversé, juste paniqué parfois en interne, certes, mais sans trop en laisser voir à l'extérieur. Quand j'ai annoncé le chiffre de la journée à l'autre employée du restau, elle en est restée bouche bée, et même si je n'y suis pour rien (je n'ai pas racolé pour qu'ils viennent consommer, non non non), je me suis sentie toute revigorée.

Ma boss m'avait annoncé des jours calmes. Il n'en a rien été. Et tant mieux. Peu consciente du tourbillon qui m'attendait, j'ai appréhendé cette petite expérience sereinement. Je ne peux nier l'adrénaline qui monte lorsque dix clients commandent en même temps, veulent tous une salade différente ou trois cafés, dont un allongé, un noisette et puis vous me donnerez également un chocolat, un thé, une coupe de glace, non mettez-moi plutôt un soda gourmand... Tel un automate, on oublie tout le reste et on laisse passer l'orage intérieur pour se présenter avec le sourire et les commandes.

Comme si de rien n'était.

Je savais ce métier physique. Je l'avais déjà expérimenté. Je n'ignorais rien de ce stress. Je l'ai déjà vécu. J'engrange, j'engrange, qu'importe où cela me mènera. Hier soir, néanmoins, je suis persuadée que certains perplexes auraient jubilé: j'étais morte. Et la fronceuse de sourcils aurait certainement ri, ce matin, si elle s'était trouvée avec moi dans le cabinet du médecin. Ma douleur au talon ne me quittant pas, je me suis résolue à consulter: le médecin soupçonne... une fracture de fatigue.

J'apprends le métier, je vous dis.

dimanche 8 août 2010

L'attrait de l'ortie, du sureau et le racisme chez Zola

15h30. La vaisselle se lave toute seule dans la machine, toutes les tables sont débarrassées, le plan de travail est rangé et j'ai même eu le temps d'avaler ma petite salade. Maintenant que la tornade est passée, avec une quinzaine de personnes arrivées quasiment dans le même temps, je m'octroie le luxe suprême, celui de goûter à cette glace bio "menthe ortie" et à cette autre, "sureau".

En fait, il n'est nul question de gourmandise, non, non, non. Il s'agit d'un dévouement de l'extrême, d'une conscience professionnelle poussée au bout: des clients m'ont demandé à quoi ces parfums s'apparentaient (ben, à de la menthe et à du sureau?). Je ne pouvais rester plus longtemps dans l'ignorance.

Je mets délicatement la première cuillère dans ma bouche, laquelle s'en trouve immédiatement émerveillée. Ce menthe ortie s'avère une petite tuerie. Quoi, le régime? C'est rien que des plantes, là, c'est pas pareil! Au sureau, maintenant (pas folle, je sais que le temps m'est compté et qu'un client peut surgir à tout moment. Va savoir pourquoi, je ne veux pas qu'ils imaginent que moi aussi, je peux me sustenter). Oh, c'est bon, texture veloutée, un peu épaisse et étonnante, mais bon, ouh la la. Limite, l'extase n'est pas loin.

Surgit de nulle part un monsieur. La cinquantaine, sec, très sec, abîmé par la vie. Il sent l'alcool. Au départ, il me demande mon avis car il aimerait visiter le musée, attenant au restaurant, avec sa fille de dix ans. Ben, allez-y monsieur, et si vous voulez lui faire faire du vélo dans le parc à côté, vous pouvez aussi (non, c'est vrai quoi, ma glace est en train de fondre). Sauf que le monsieur cherchait juste un prétexte pour parler et évoquer sa fille, sa douleur, sa souffrance.

Mince. Je suis mal (mais pas tant que ma glace).

Alors, il me raconte. La séparation avec la maman, la petite fille maltraitée par le nouveau compagnon alors qu'elle n'a que trois ans, le placement en famille d'accueil - "j'aurais bien voulu la récupérer, vous comprenez, mais j'étais en prison", me précise-t-il. Ah, effectivement, ça complique un peu les choses - la mère qui ne voit pas sa gamine sept ans durant mais qui fait une autre fille avec le même compagnon maltraitant, la dite gosse rejoignant à son tour une famille d'accueil.

Bref, c'est Zola. L'espace de quelques secondes, j'en oublie ma glace et la douleur qui me scie le talon (une autre histoire, je vous expliquerai) et je suis dans l'empathie totale.

Quand même, y'en a qui cumulent.

Alors, lui, il se raccroche, il veut recoller avec les morceaux avec sa gamine, la seule qu'il ait eue. Il joue au bon papa, il veut l'amener au musée. Preuve à l'appui, il sort de sa veste élimée une feuille, qu'il a pris soin de protéger avec un plastique, et insiste pour que je lise la lettre. Les mots, écrits avec différents stabilos, sautent aux yeux, fluo oblige, mais aussi par leur teneur. "Papa, quand j'étais petite, tu étais très méchant avec moi, mais maintenant, tu es le papa de mes rêves" etc. etc. Le pauvre monsieur, je suis à deux doigts de lui offrir un café et de lui proposer de passer un petit instant sur la terrasse. Quand...

Il fait le faux-pas.

"Je m'inquiète pour ma fille, en ce moment, elle est dans une famille d'accueil bien, mais le quartier est vraiment pas terrible, plutôt mal famé." Devant mon air interrogateur (en Sarthe, nous ne sommes pas les plus en danger, en termes de sécurité, dirons-nous), il ajoute: "Ben oui, y'a plein de noirs, d'Algériens, de Marocains".

...

"Allez, bonne continuation, monsieur, hein, allez voir le musée si vous voulez plus de renseignements", l'ai-je coupé.

Il n'a rien dû comprendre, ne voyant même pas le problème, j'imagine. J'ai été un peu lâche, avec le recul. J'aurais dû lui spécifier que son racisme, aussi ordinaire et tragiquement banal soit-il, me dégoûtait et qu'avant de porter de tels jugements, peut-être devrait-il se poser d'autres questions.

Mais il sentait l'alcool, comme je vous l'ai dit, et tous ses propos n'étaient pas forcément assurés. J'ai craint de me prendre une mandale, tout simplement.

Et comment j'aurais mangé ma glace (fondue) avec une mâchoire cassée?

vendredi 6 août 2010

Une ascension plongeante

Je crois avoir compris les subtilités du métier, ce soir. Si, si.

Cuisiner aux petits oignons? Oui, oui, pourquoi pas. Ça peut aider. Mais non.

Devenir la plus conviviale des commerçantes? Oui, oui, pourquoi pas. L'idée est bonne. Mais non.

Au fur et à mesure que la journée passait, que les sourires et les... pourboires se multipliaient, je m'interrogeais. Les hommes, en particulier, affichaient une mine éclatante et me remerciaient chaleureusement. Quoi, que se passait-il, c'était la journée du don aujourd'hui, ou quoi? Qu'avaient-ils à se montrer si avenants, ces clients? Non pas que ça me gêne, évidemment, je préfère ça au râleur mais enfin, tant de bonne humeur m'a un rien surprise.

Je m'interrogeais donc sur le pourquoi du comment, en remontant sans cesse la bretelle de mon top, me promettant de ne plus le remettre qu'à la plage, tant il m'agaçait.

Fin de service, pieds en enclumes mais le sourire aux lèvres, je suis repartie le coeur léger. Si l'on passe le moment où j'ai coincé la machine à café, parvenant dans un geste désespéré à rattraper le coup au prix d'une grosse giclée caféinée sur la face - petit moment de solitude - cette première journée s'est passée comme dans un rêve. N'empêche que je n'en revenais toujours pas de ces mines réjouies.

J'arrive dans le hall de mon immeuble. Mon voisin, d'habitude sympa normal, adopte cette même mine réjouie. Je commence à m'interroger: aurais-je une patate sur la joue? Un épi rose sur le crâne? De la salade entre les dents?

Je n'ose pas me regarder dans le miroir de l'ascenseur mais le ton enjôleur du voisin, qui tente d'intervenir dans la conversation téléphonique que j'ai au même moment avec une amie, en précisant qu'il "adore les nanas", me met la puce à l'oreille.

Direction, la glace. Bon, j'ai compris. J'ai un décolleté, hum, comment dire, assez plongeant. Va savoir pourquoi le top a pris cette forme (à force de tirer dessus, peut-être) mais je sais maintenant à quoi tient la réussite dans ce métier.

Et ce n'est pas une avancée pour le féminisme, je vous le dis, tiens.

jeudi 5 août 2010

La journée des rendez-vous

Est-ce l'air revigorant du break, toujours est-il que depuis deux jours, je m'imaginais presque sur un lit de fleurs, nonchalamment installée... Sauf qu'au lieu de pétales, je suis tombée sur des roses piquantes. Moi qui croyais naïvement en avoir terminé avec les formalités d'usage depuis mon deuil de la Madeleine, j'ai été replongée bien malgré moi dans ce dédale administratif.

Une façon comme une autre, certes, de tester ses nerfs en période estivale - lorsqu'on se relâche, donc.

La journée, ponctuée de multiples rendez-vous, avait plutôt bien démarré. Le rendez-vous avec la balance, que j'envisageais déjà de traiter de sournoise, s'est avéré positif, la gentille machine m'annonçant que le p'tit vin de pays et les quelques écarts des derniers jours n'avaient pas été fatals et que je n'avais retrouvé aucun kilo perdu depuis quelques mois (et je ne tiens pas à lancer une chasse au trésor pour remettre la main dessus, croyez-moi).

Plus qu'un an et je serai une bombe. * Au moins.

La deuxième étape semblait plus difficile: la banque. Pour trouver une solution, sachant que mon salaire devrait arriver le 15 du mois (ah oui, c'est 3615 mavie, vous étiez prévenus), et que, va savoir pourquoi, Pôle Emploi a décidé de me suspendre tout versement, au lieu d'un petit pécule partiel. Sauf que, petit détail, il semblerait que l'on soit obligé chaque début de mois de payer des trucs, genre le loyer, tout ça.

La dame de la banque, le chômage, elle connaît, son mari en est victime depuis un moment, donc elle a eu suffisamment d'empathie pour que je reparte avec le sourire. Ou à peu près. Un moment, on a ri comme des baleines, lorsqu'elle m'a précisé l'importance de refaire le point le mois prochain. "Ah, mais le mois prochain, y'aura pas de problème", lui ai-je répondu, quasi-hilare, "puisque je n'aurais pas bossé en août!"

Un boulot = pas de sous. La glandouille = des sous. Logique imparable.

Ensuite, direction la sécurité sociale. Ouais, je sais, vous enviez ma vie et mon quotidien. Que je vous explique, quand même, les raisons de cette escapade inouïe : Hier, parmi le courrier que je triais, je suis tombée sur trois lettres d'une mutuelle, avec le petit logo qui aurait dû m'alerter: RSI. Reste ou Saute Immédiatement, ça veut dire, je crois. Ah les cons, me suis-je dis en prenant mon plus bel air coluchien, ils n'ont pas vu que mon auto-entreprise avait rendu l'âme et que je ne suis plus TNS (travailleur non salarié), encore du gâchis de papier, ça!

Je me suis davantage inquiétée en lisant qu'ils avaient modifié mon dossier et que je suis donc désormais affilée à leur couverture de santé, et non plus à la caisse primaire, comme tout bon salarié (et tout bon chômeur anciennement salarié) qui se respecte. Bah, une formalité, j'imagine. J'appelle la mutuelle en question. Qui m'explique que je suis bel et bien rattachée à leurs services, maintenant que je suis radiée du RSI. Mais non, ma bonne dame, je dépends de la CPAM, pensez donc, j'en ai tapé du compte-rendu au kilomètre pour être assurée tout bien comme avant! La dame en est soulagée visiblement, m'affirmant que "tant mieux, parce que nous, on rembourse rien, ou quasi, comme frais."

Bref, me voilà partie pour demander une attestation de couverture de santé à la caisse primaire. L'affaire de deux secondes, j'imagine. A l'accueil, je tombe sur un monsieur, au physique pas déplaisant ma foi, à qui j'explique ma situation, qu'il va régler en deux cuillers à pot. Bah non, raté. Il me parle de quotas d'heures en tant que salarié. Je lui parle de mes missions. "Ah, de l'intérim, si si! C'est peut-être un détail pour vous, mais pour nous ça veut dire beaucoup."

Monsieur est mélomane. Le casque doré de France Gall en moins. Hum.

En tout cas, je remercie les dieux institutionnels d'avoir bafouillé sur les bennes à ordures et autres maisons de retraite, ils vont me permettre de retrouver ma couverture santé. Sauvée!

Enfin, pas tout à fait, monsieur mélomane m'indique le chemin de la grande salle, là, où les "bip" retentissent pour sortir les gens de leur torpeur. De mon côté, pas de risque que je m'endorme, mon voisin aime visiblement le côté "homme des cavernes" si je m'en réfère à son odeur corporelle. Ouh, faut s'accrocher. Pour éviter de tomber dans les vapes, je m'empare du magazine oublié sur la table, et là, je trouve la situation drôlement comique : avec ma mémoire d'huître, je réalise que le "Santé Active" que j'ai dans les mains est la publication pour laquelle j'ai postulé... hier (en tant que rédacteur en chef, ouais, ouais, je sais*). Je me disais bien que la CPAM et moi, c'était une histoire forte qui s'engageait...

Bon, je vous passe les détails, je suis repartie bredouille, toujours couverte par le régime du RSI, pour trois malheureux mois d'auto-entreprise, et je prie donc pour ne pas me casser une jambe (et espérer que loulou n'invente rien, au loin sur sa plage).

La journée s'est poursuivie, toujours ponctuée par mille et une choses à régler pour hier, avant le dernier rendez-vous, au restaurant pour lequel je vais travailler ces trois prochains jours. Derniers pointages, petites vérifications pour assurer les arrières et remise des clés, me voilà de nouveau chef* jusqu'à dimanche inclus. prête à rembarrer le prochain râleur qui osera me gâcher ma récréation.

Ça tombe bien, je n'étais pas sûre de continuer à vous passionner avec mes histoires à trois sous de sécurité sociale...

* Dois-je préciser qu'il s'agit de quinzième degré?

mercredi 4 août 2010

Comme on fredonne de vieilles mélodies...

One, two, three, four... chantonne Feist.

Old teenage hopes are alive at your door...

Avec ma voix de casserole, j'y vais gaiement, je reprends cet air entêtant en choeur. Moi aussi, mes rêves d'adolescente ne m'ont pas quitté. Un bond dans le passé est venu me le confirmer. Alors, je chante. Mal, évidemment.

M'en fiche, suis toute seule dans ma voiture. Le ciel est dégagé, la route aussi. Pas un chat ce soir, Feist et moi, on peut cracher du son, même si je n'ignore pas qu'elle s'en sort, oh, un tout petit peu mieux que moi.

Bah, on peut pas avoir tous les talents du monde, hein.

Et là, soudain, prise de conscience. C'est quoi, mes talents à moi? A part m'avachir comme une grosse loque sur le transat, comme je viens de le faire pendant plusieurs jours?

Bon, puisque c'est ça, je change le CD. Tété. A la faveur de l'automne. Lui aussi chantonne un tout petit peu mieux que moi et lui aussi m'entête avec son "un, deux, trois, quatre" et ses âmes esseulées. Il est dans l'attente, posté derrière la fenêtre, rivé derrière le téléphone, il évoque cette mélancolie qui ne me lâche pas souvent.

La mélodie m'envahit. Les pensées aussi. Bon, il est temps de réfléchir. En vrai, maintenant que je rentre, je fais quoi? Maintenant que j'ai vu de nouvelles choses, maintenant que j'ai pris conscience de ces petits riens, entre insouciance, nostalgie et illusions perdues? Maintenant que ce break est passé, sans scrupule aucun, sans, non plus, que l'esprit soit totalement libéré, toujours englué dans les réalités quotidiennes?

J'ai eu la sensation très brève de bouleverser soudainement l'ordre établi. Pour une simple question de visite d'appartement, j'ai entr'aperçu la lueur. Et puis, deux lapins plus tard, plus rien. Le rideau s'est refermé et je suis repartie. Au lieu de rentrer de plain-pied dans cette nouvelle vie que j'ai tellement rêvée, j'ai dû rebrousser chemin. Je suis rentrée chez moi, convaincue que le temps sera mon meilleur allié et qu'en attendant, vogue la galère. J'en suis au même point. Mais.

Mais.

Oui, oui, j'insiste, il y a un mais. Ces jours passés, entre retour en terrain connu, retrouvailles joyeuses avec les fidèles amis, amies surtout, bref passage iodé, et surtout, cette sensation de laisser s'égrener tranquillement les heures sans appréhender la vitesse des aiguilles, sans craindre l'échafaud à tout bout de champ, oui, ces jours passés m'ont au moins offert cette décompression que j'attendais tant. Et conforté dans l'idée de ce que je veux faire.

Pendant une dizaine de jours, j'ai arrêté d'écrire. J'ai juste observé, écouté, lu. L'écriture me manquait et pourtant, cette matière que je saisissais inopinément me laissait présager des lendemains plus souriants, comme si, enfin, j'allais me décider.

Je n'ai jamais eu autant envie d'écrire. J'ai la sensation de pouvoir palper ce vieux rêve d'adolescente, plus prégnant que jamais et je chantonne, un, deux, trois, quatre... La rampe de lancement est là, je me mets aux starting-block. A la faveur de l'automne? Qui sait? J'ai appris qu'il était inutile de forcer les barrages du temps, l'heure viendra.

Les minutes s'écoulent lentement. Dans quelques jours, la tornade sera revenue, sans doute, et je me sentirai sans doute oppressée par les cinquante mille tâches à venir, débordée par cette fuite permanente du temps.

Mais là, je suis seule. Je n'attends pas de coup de téléphone. Aucun regard vers la fenêtre. Laisser le temps accomplir son oeuvre. Continuer de croire à ses rêves d'ado, espérer que son coeur continuera de battre jusqu'à ce que, enfin, le lien se fasse.

Respirer.