mercredi 30 juin 2010

C'est pour une mission

En pleine retranscription, la tête comme une pastèque, je peste contre le portable qui sonne. Eh, les gars, y'en a qui bossent, hein! Tout le monde n'a pas rejoint la meute des soldeuses folles, prêtes à s'arracher les ongles pour dégoter LA promo d'enfer.

Bon, je ne dis pas, en d'autres temps, j'aurais facilement cédé à la tentation. Mais là, non. Pas le temps, pas la tête à ça. Et accessoirement, pas les sous, ce qui, il est vrai, s'avère un facteur assez déterminant.

Le portable qui sonne, disais-je, et que je m'apprête à envoyer valdinguer à l'autre bout du salon.

La boîte qui m'emploie me propose une nouvelle, nouvelle mission. A rendre pour hier, en gros. J'ai dit oui, évidemment.

Pour un peu, je vais avoir l'impression d'être à plein temps. Fou, non?

mardi 29 juin 2010

Optimisme béat

Vite fait en passant, là (parce que c'est comme une drogue, ce blog, y'a pas à dire):

- Aucune crise de nerfs n'est à signaler, tout était sous contrôle lors de ce nouveau conseil. Enfin, presque: la tenue de business woman, quand il fait une chaleur de boeuf, mieux vaut oublier, en témoigne les suées que j'ai dû planquer comme j'ai pu. Faut dire qu'il pleuvait des cordes en partant de chez moi le midi...

- J'ai essuyé deux refus, suite à mes candidatures, d'une institution régionale et l'autre, plus embêtant, de l'asso qui me tenait à coeur. Bon, je ne bosserai pas dans le cinéma...

- Ces revers finissent par me glisser dessus sans incidence. C'est normal? On appelle ça la résignation? Ou juste un optimisme béat?

- Ce matin, j'ai postulé pour travailler chez des bas du front. Même que j'espère bien être retenue. Cherchez pas, j'vous expliquerai.

- J'ai tendance à tout relativiser en ce moment. Et d'autant plus que ma plus vieille amie, toujours hospitalisée, a été un rien secouée suite à une intervention. De quoi remettre les choses à leur place.

- C'est pas tout ça, mais je suis déjà à la bourre, là. J'y retourne!

lundi 28 juin 2010

L'équation fisher pricienne

Bon, j'ai racheté des piles. Le Fisher Price est prêt.

Pas plus mal, vu que je n'ai pas reçu l'enregistreur qui devrait être dans ma boîte aux lettres, normalement. Dans un monde idéal, je veux dire.

Ce soir, je retourne au front, couvrir des débats institutionnels. De quoi expliquer mon probable silence dans les jours à venir.

Enfin, sait-on jamais, peut-être aurai-je des choses à vous raconter...

En attendant, bonne semaine!

dimanche 27 juin 2010

Les rois Soleil (les chiens font pas des chats)

Soucieuse d'enrichir mon expérience de serveuse, et surtout consciente de la pénibilité du stand chamboule-tout où on doit ramasser des boîtes de conserve tout l'après-midi (sans parler du fatras métallique qui finit par vous taper sur le système), je me suis dévouée pour tenir la buvette, hier, à la fête de l'école.

Je sais, ma vie est absolument incroyable.

Au début, c'était royal. Les enfants, plutôt calmes, sont arrivés, attendant leur tour. Un verre de coca, siouplait, steplait, peu importe, les phrases étaient cohérentes et teintées de politesse.

Est-ce la chaleur, l'excitation, toujours est-il que l'ambiance a un rien dégénéré. Le caïd de l'école, 7 ans, est arrivé et a exigé, sans un mot, un verre et un gâteau, accompagné de son père. J'ai compris pourquoi le gamin était ce qu'il était. Le père, donc, sans un bonjour, s'il vous plaît, merci, s'empare d'une part de flan et file à l'anglaise. Soit. Il revient, un bon quart d'heure plus tard, remonté comme un coucou. "Oui, MON FILS - ce Roi, ce Seigneur - a mangé du flan, j'ai peur qu'il soit malade!"

Perso, je ne mets pas de cyanure dans mes pâtisseries, qui plus est quand je ne les ai pas cuisinées. Je reste zen.

"Ah bon, mais pourquoi pensez-vous cela?"

"Mais enfin, ce flan était en plein soleil!"

Là, s'il le pouvait, il me giflerait. En tout cas, ça prouve qu'il m'avait vue, tout à l'heure, et que je n'étais donc pas transparente. Bref. Il repart, visiblement furieux. Ça lui passera.

Ensuite, un autre gamin survient, me tend son verre et dit, me montrant une bouteille, "j'en veux." Sous l'oeil attendri de sa maman, évidemment. Je lui précise que je suis en train de servir l'un de ses camarades et que si le Roi-Soleil veut bien patienter deux minutes, il aura sa ration de calories dans deux minutes.

Il prend le même regard noir que sa môman. Ils sont outrés tous les deux. Et il relance son appel dans la foulée. Une fois, deux fois, dix fois. Là, l'envie de lui en coller une m'effleure mais j'imagine déjà les dégâts. Énervée, j'en casse une assiette. Et quand Môssieur est enfin servi, il repart sans un mot, sa chère et tendre Madame Mère me jetant un dernier regard courroucé.

Arrive le moment de la fantastique animation de nos chères têtes blondes, qui chantent et dansent quelques minutes, présentant là, visiblement le pestacle de fin d'année. Avec mes camarades serveurs, j'abandonne la buvette, histoire d'applaudir ce moment d'anthologie. Quand je reviens, c'est l'orgie, des enfants, mais aussi des parents - oui, oui - se sont emparés des bouteilles et se servent, sans vergogne. Super-gendarme arrive, rétablit un peu l'ordre, et réquisitionne les bouteilles, suscitant quelques moues déçues de part et d'autre.

...

Bon, je sais, je n'étais pas là pour prôner la politesse et le sourire comme valeurs primordiales. Les enfants ont des parents pour ça (ah ah). Néanmoins, effarée par de telles attitudes, je m'improvise donneuse de leçons (quoi, on était bien dans une cour d'école, non?) et je suggère doucement à quelques réfractaires de compléter leur phrase. "Bonhomme, il manque un mot, là." "Je n'ai pas entendu, ma puce, tu demandais...?"

A côté de moi, un papa d'élève que j'apprécie assure que je me formalise trop sur le manque de politesse de ces bambins.

C'est vrai, quoi, c'est pas comme s'ils avaient besoin d'être éduqués.

Quelques minutes plus tard, son aîné me demande une boisson. Je comprends pourquoi le père a réagi sur mon manque de souplesse. Le gosse est malpoli, sec et intransigeant. Je sais, ça fait beaucoup pour un gosse de dix ans.

A ma gauche, un autre papa d'élève me soutient, refusant carrément de servir quiconque oublie ces fameux "mots magiques" que les parents, ces gens bien sous tout rapport, sont censés inculquer à leur progéniture.

Je jubile.

Finalement, la plupart d'entre eux connaissaient ces petites marques de civilisation, il fallait juste les inciter à se comporter comme des enfants polis, et pas comme des petits monstres mal léchés à qui tout est dû. Pour eux, le cas n'est peut-être pas désespéré.

En revanche, pour les parents, je crois que c'est peine perdue. Le pompon, c'est cette dame BCBG qui s'est offusquée que je ne lui remplisse pas jusqu'à ras-bord un verre qu'elle ne payait pas, de toute façon. Et qui, en aucune manière, n'a bougé ses fesses pour participer activement à l'un des stands. Sincèrement, j'étais à deux doigts de lui balancer le verre de jus d'orange sur son joli visage pincé.

Je me suis retenue. J'avais déjà chopé des coups de soleil, sous le cagnard. Pas la peine d'y ajouter quelques coups de griffe.

samedi 26 juin 2010

Cuite

Lever-petit déj-école-retour école - rédaction; jusqu'ici, tout allait bien. En mode automatique, on met de côté la fatigue cumulée et on s'active. Les jambes encore lourdes et l'esprit guère éveillé, je parcours vite fait quelques sites et j'apprends que je servais hier le gotha de la ville.

Ah ouais, quand même. C'est écrit sur le ouebe, je vous assure. Bon, je ne sais pas ce qu'en penserait monsieur le Maire, non convié à la petite sauterie et j'émets moi-même quelques doutes, rapport à la présence de quelques parasites. M'enfin, je pourrais raconter à mes petits-enfants que j'ai servi le gotha d'une ville moyenne.

Ils en concluront que ma vie était bien peu reluisante. Certes.

Je divague, je divague, mais je n'en oublie pas ce qui m'anime. Retranscrire du débat institutionnel, un objectif drôlement plus excitant que d'aller se tremper à la piscine ou se dorer à la pilule au soleil, vous en conviendrez (je suis une grosse veinarde, je sais). Début de l'écoute du nouveau son. Il s'agit d'une conférence internationale (parce que je le vaux bien? ah ah) et qui dit international dit... embrouilles en vue. Y'a de l'Allemande, de la Finlandaise et du British qui causent dans le poste, traduits par une véritable quiche visiblement incapable d'aligner des phrases dites basiques. Du genre, sujet, verbe, complément.

Je ne vous parle même pas des néologismes, du protectionnement et autres vélos devenus soudains électroniques (c'est vrai, je chipote).

Me voilà donc à tenter de reconstituer un puzzle linguistique, sur un sujet dont j'ignore tout. 11h45, j'esquive en me préparant à manger. 11h45? Oui, d'abord. La lecture du courrier du jour me retarde dans la dégustation de cette ratatouille que je mange à chaque repas depuis environ quatre jours : une lettre de refus, malgré l'intérêt que présente votre profil, blablabla, il apparaît qu'il ne correspond pas de manière optimale aux attentes définies pour ce type de fonctions, blablabla, souhait de trouver un emploi répondant à vos aspirations...

Rien que du classique.

La ratatouille est froide mais mon enthousiasme intact, j'avale le tout en trois minutes top chrono, parce que c'est pas tout ça, l'Allemande m'attend. Une migraine plus tard, j'enfourche mon vélo, j'ai redressage de mon balai au programme. Je manque m'endormir sur la table du kiné. En ressortant, je suis une vraie zombie. Épuisée.

Mais vous connaissez ma volonté de me débarrasser au plus vite des sombres tâches, pardon, de m'acquitter au plus vite de ma mission, j'y retourne. Un moment, je tressaute. L'ordinateur a glissé de mes genoux et son aléatoire équilibre laisse présager un funeste destin.

Je me suis endormie. Oui, sur mon ordinateur.

Je vais la conserver, cette bande. A la prochaine insomnie, elle sera parfaite.

vendredi 25 juin 2010

Garden party

Vers 16h, le téléphone sonne. Ce n'est ni Toupargel qui me suggère son pack de bacs de douze kilos de glace et ses brochettes de porc, parce que vous comprenez, l'été, c'est vachement sympa, les barbec' - surtout en appart, quand ton foyer compte deux personnes. Ce n'est pas non plus EDF qui m'offre de réaliser des économies d'énergie, moi la propriétaire - je suis locataire, et pis dans un HLM d'abord, ouais madame.

Non, c'est la boîte qui m'emploie. Si je pouvais retranscrire deux nouvelles heure trente de réunion, ça les arrangerait. Pas pour hier, non, mais si je peux caser ça dans mon emploi du temps... Si je peux? Tu penses, banco! (note à moi-même: penser à sacrifier quelques heures de sommeil, ce concept superflu qui t'empêche de consacrer plus d'heures à des missions palpitantes).

Quelques minutes plus tard, nouvelle offre, cette fois pour un boulot totalement différent, qui n'en est qu'au stade du projet. Mais si ça m'intéresse? Tu penses, banco!

Un coup d'oeil sur la montre, ouh la la, je vais être en retard, je dois être à 17h au restau où je travaille de temps en temps, pour un extra. Une grosse réception avec orchestre, jolies tenues et vin à gogo. Enfin, pour les invités s'entend.

Perso, je me contente de boire de l'eau. Et j'ai revêtu le T-shirt aux couleurs du restau, ce qui limite les chances de dévoiler mon potentiel hautement sensuel (ah, ah) et en même temps, on n'est pas là pour ça. On vient servir les gens, n'être plus qu'un sourire permanent et une main souple et habile, qui soulève des carafes et des verres et répète à l'envi la liste des boissons proposées.

Servir le cocktail. J'aime beaucoup ce genre d'exercice. Les gens sont en général détendus, de plus en plus au fil de la soirée, le degré éthylique de leur organisme gonflant proportionnellement au nombre de retours vers le bar. Ce qui est drôle, et finalement assez révélateur, c'est le comportement mâle et femelle.

L'homme se dirige vers vous et d'un sourire, vous fait comprendre qu'il goûterait bien au petit rouge local. Voire au blanc tout aussi sarthois. Peu importe le vin, l'attitude est franche, sans équivoque. Et si le vin est bon, il n'hésite pas à revenir, sans chercher un prétexte à trois sous.

La femme, elle, arrive davantage à pas de velours, s'excuse presque de s'être approchée si près et demande "unpetitblancs'ilvousplait", que si elle était une petite souris, eh ben ça l'arrangerait, comme ça personne la verrait. Il y a aussi celle qui commence par le jus de pomme, parce que, quand même, une femme, ça ne boit pas, et qui, imperceptiblement, revient, redit bonjour et demande cepetitblancs'ilvousplait. Franc du collier d'un côté, un rien sournoise de l'autre, étrange comme une simple attitude peut révéler beaucoup des genres humains. Cliché? Cliché.

Alors, on est là, dans ce ballet incessant de verres qui s'entrechoquent, de plateaux qui circulent et sourires qui se croisent et on se dit que, quand même, le spectacle est permanent.

Il y a la rigide qui sait d'emblée qu'un petit four, somme de sa ration calorique de ses dix dernières semaines, ne peut définitivement pas passer jusqu'au stade de ses lèvres pincées. Lorsque vous avez le malheur de lui présenter l'éventualité de gober cette terrible bombe, elle vous dévisage un peu haineusement, avant de détourner le regard. Du genre, mais pour qui elle me prend, comme si j'allais m'abaisser à ce genre d'infamies? Celle-là, on l'évite, ensuite.

Il y a les incrustes, mélange de vulgarité et de mépris, venues jouer les pique-assiettes sans vergogne, mais trahies par leur look mi-punk, mi-moche, qui demandent, tout en collant leur chewing-gum sous la table du buffet, si ça nous ferait rien de leur donner un verre.

Mais bien sûr, je vous en prie.

Il y a le vieux poète qui vient nous voir au bar, se gargarisant d'avoir défilé le matin même, "pour vos droits, les jeunes". Là, notre immobilisme concernant la grève nous revient et on le ressert avec cette petite honte des nantis, pour qui les gens se battent, sans retour.

Il y a le monsieur physiquement intelligent, qui refuse poliment les toasts et qui disserte calmement, sans penser que des coeurs chavirent au moment même où il porte le verre à ses lèvres. On pense ensuite à Pretty Woman et à ces histoires un peu folles où le canon a repéré, derrière le costume de l'employée (voire de la putain, certes), toute la beauté intérieure de la fille. Et puis, on se souvient qu'on ressemble autant à Julia Roberts que Josiane Balasko à Monica Belluci et on raye l'opportunité aussitôt, histoire d'éviter l'auto-flagellation.

Il y a les collègues d'un soir, drôles et cocasses, qui, jaloux du beau gosse du coin, rêvent de le torturer et de le coller à la potence. Et se resservent des rillettes en attendant.

Il y a le retardataire, tellement à l'ouest qu'il en a oublié d'ôter son casque. Il demande de l'eau, de l'eau, de l'eau. Et puis le chameau se transforme progressivement, retrouve une allure humaine et se finit au petit blanc. Lorsqu'il part, il nous salue d'un "coucou" touchant. Sa "chérie", comme il l'appelle, reste faire la causette. Elle nous explique que chéri d'amour est parti à la maison, parce qu'ils organisent un barbec' ce soir. Et comme elle n'a pas trop envie de s'y coller, elle reprend un verre, pour arriver pompet', prête à engloutir de la viande grillée. Quand on lui propose de venir la rejoindre après le service, elle se dit qu'elle a quand même peut-être un peu trop causé.

Il y a aussi la vorace. Alors elle, elle arrive jusqu'au bar, maudissant les organisateurs de ne pas avoir proposé un buffet. C'est qu'elle a faim, la dame. La première fois, lorsque vous passez avec vos petits fours, naïvement, vous tendez les deux plateaux. Erreur! Fatale erreur! Elle tape dans les deux, et se ressert, des fois que la guerre éclaterait dans la seconde.

Au tour suivant, comme vous l'avez repérée, vous la jouez habilement, en la contournant. Las! C'est méconnaître la voracité de la pique-assiette qui, non seulement vous rattrape, mais chope quatre toasts simultanément, dans un tour de passe-passe virevoltant. Du genre, t'as voulu me priver, eh bien prends ça! Ensuite, devant votre plateau vidé de sa substance salée, vous avez envie de pleurer, parce que les stocks diminuent à vue d'oeil. L'idée vous effleure aussi de lui coller l'assiette vide dans les dents, pour mieux faire passer le tout. Mais ça ferait mauvais genre.

Enfin, il y a les copines, invitées à la petite sauterie et un rien surprises de vous retrouver derrière le bar. Vous êtes contente de les voir mais en même temps, la boss ne vous paie pas pour ça, donc, en grande pro (ah, ah), vous les servez et repartez à l'assaut de la pile de verres qui attendent d'être rangés.

Je crois que je ne me lasserai jamais de ces saynètes, tranches de vie où les travers humains sautent aux yeux, où la chaleur d'un sourire, aussi, prend parfois tout son sens. Où chacun, avec ce mélange de désinvolture et de contrôle de soi-même, se dévoile et finit par s'abandonner, sans même imaginer que des yeux les observent.

Si je me suis amusée? Banco!

jeudi 24 juin 2010

Vive la grève

"Mamaaaaaaaaaannnnn?"

Oh, je l'aime pas, ce "maman"-là, signe d'une requête spéciale d'un loulou jamais effrayé par la démesure de ses envies.

"Oui?"

Un "oui" prudent, pas trop concerné, pour tromper l'ennemi. Du style, je fais autre chose mais je veux bien prêter deux secondes l'oreille à tes suggestions particulières.

"On peut aller en Chiiiiiiine?"

Le "Chiiiiiiine" sous-entend le regard implorant, les mains jointes en prière et le léger sursaut d'excitation, lié à l'espoir d'une réponse positive.

"En Chine? Mais enfin, pour quoi faire?"

Notez l'exagération dans la surprise, pour illustrer le surréalisme de tels propos. Genre, "la Chine, et pourquoi pas la Lune?", omettant l'existence d'avions et de voyages devenus possibles depuis, ahem, un bon moment maintenant.

" Pour aller chercher des Archeus."

Le ton est confiant, Loulou commence à y croire.

" Ce sont des Pokemon chinois", me précise Loulou.

Donc, je résume, Loulou, qui reste ce matin avec moi, du fait d'une énième grève de l'école, veut s'envoler à l'autre bout du monde pour aller acheter des bouts de carton (il lit derrière mes épaules et me précise illico : "c'est pas du carton, ce sont des boosters.")

Ensuite, il file dans sa chambre, sans doute agacé par ma mine amusée.

Il revient dix minutes plus tard, non sans s'exploser le genou dans le mur (vive l'arnica), surexcité. "Ça y est, maman, on peut aller en Chine. J'ai battu des bons Pokemon!"

Jouant à la plus maligne, je lui demande:

"Et ce sont aussi les Pokemon qui nous paient le voyage?"

"Ben non, c'est toi qui paies... Enfin, tu travailles d'abord et tu paies."

Vive la grève.

lundi 21 juin 2010

Retour à la normale

D'un coup, mes épaules se sont allégées d'un poids. J'en ai fini avec la mission, au terme d'un long combat avec des noms propres impossibles, des interventions inaudibles ou des abréviations inimaginables.

Du coup, un peu déstabilisée, moi qui m'était fixé deux bonnes journées de travail de plus, je n'ai pas voulu relâcher la pression, préférant à la décompression un retour à la normale. Mettant de côté toute envie d'aller prendre l'air, je me suis attelée à ma mission personnelle: me construire un avenir.

Finalement, les noms propres impossibles et les interventions inaudibles, c'est peanuts, à côté. Au moins, quand je me triture les méninges sur la signification d'un terme, je n'ai pas à réfléchir à ma propre situation. Néanmoins, parce que l'angoisse ne m'aide pas vraiment à avancer - et que j'avais de l'énergie à revendre - j'ai mis de côté ces soudaines bouffées pour établir l'ordre du jour. La liste des candidatures spontanées que je n'ai pas encore envoyées, celle des bailleurs à appeler... Tiens, des cotisations RSI à régler, allons-y gaiement, ce sera fait et puis, tant que j'y suis, je m'en vais leur annoncer que c'est finito, tout ça, je ne suis plus TNS (travailleur non salarié), mais 100% chômeuse.

Je n'en tire aucune gloire, croyez-le bien. C'est juste une épine en moins dans le pied.

Mais en fait, non, je ne suis pas 100% chômeuse si j'en crois ce courrier reçu ce jour de Pôle Emploi, qui m'annonce que je leur dois une nouvelle fois des sous, pour avoir bossé en mai. Retour à la normale, vous disais-je. Je n'ai même pas été surprise: l'apôtre m'avait appelée pour me prévenir, m'assurant vouloir faire son "mea culpa", si si, car c'est lui qui avait actualisé la situation, mal, selon lui. Perso, ça ne me dérangeait pas, mais enfin, s'il le dit...

En tout cas, il avait l'air au moins autant soulagé que moi que ce casse-tête prenne fin et m'a vivement encouragée dans ma recherche... d'un vrai travail, comme dirait mon ex-belle-mère, qui m'a délicatement demandé il y a peu "quand est-ce que (j') allais retrouver un boulot stable."

Ah, si je le savais...

D'ailleurs, j'ai postulé la semaine passée à une offre hautement attractive, quoique peu rémunérée, qui pourrait bien, enfin, bouleverser l'ordre des choses. Me sortir des menaçantes statistiques sur les demandeurs d'emploi en fin de droits dont on ne sait pas trop quoi faire, m'ouvrir des portes, me permettre de devenir une personne à qui les propriétaires méfiants ne raccrochent pas au nez.

Oui, devenir quelqu'un de convenable, aux yeux de la société. Bizarrement, à chaque fois que j'ai adressé ma candidature, ces derniers temps, je sentais en moi cette forme de résignation, cette intime conviction que j'agissais pour me donner bonne conscience, mais qu'au fond, tout ça n'était pas pour moi. Or, cette fois, j'y crois, j'ai envie d'espérer et de me faire mon cinéma (un indice se cache dans cette phrase). Alors, je vais croiser les doigts pour sortir de ce trou dans lequel je m'enfonce un peu plus chaque jour.

Wait & see.

dimanche 20 juin 2010

Travail = santé, qu'ils disaient

Gros week-end festif: j'ai passé une bonne trentaine d'heures sur mon canapé, depuis vendredi, les doigts quasi-collés au clavier à force de taper des milliers de signes.

Heureusement, je me suis accordé des breaks: à défaut de m'habiller (avec une vraie tenue, je veux dire, j'étais pas en culotte non plus, je vous rappelle que nous sommes en plein hiver), un rien de popotte légumineuse, une vaisselle et un lavage de dents après chaque repas, un bon tour d'aspirateur et même un brin de ménage, de ci de là, pour me distraire. Et éviter les escarres.

Un moment, j'ai même passé la porte d'entrée. Je l'ai joué roots : j'ai enfilé mes petites chaussures à talon, mais gardé ma "tenue d'intérieur" (ah ah), qu'un gilet à la Thérèse aurait bien complétée, quand j'y pense.

Pour aller sortir la poubelle.

...

Pff. Boulot de psychopathe.

jeudi 17 juin 2010

So long, Ma p'tite Madeleine...

Cette nuit, j'ai eu le temps de tourner, retourner, reretourner la question dans tous les sens. La position assise, sans doute.

Vous ne dormez pas assis, vous?

Perso, c'est la seule solution que j'ai trouvée pour tenter d'enrayer cette vilaine toux. Au début, je m'étais juste levée pour fouiller ma pharmacie, vidant les uns après les autres les flacons de sirop, dont les fonds ne suffisaient pas à calmer le mal. On aurait dit une alcoolique en manque. L'horreur.

Ça m'apprendra à me balader en T-shirt en plein mois de juin. Quelle idée, aussi.

Bref, prenons le bon côté des choses, cette nuit d'insomnie m'aura permis de réfléchir à la suite à donner à Ma P'tite Madeleine. Je ne vais vous refaire le coup des 78H + trop d'heures = privée de sous pour activité ô combien débordante, quoique peu rémunératrice. La perspective d'une nouvelle mission m'a convaincue qu'il était temps, cette fois, de faire la peau à mon auto-entreprise.

Oui, auto-entreprise. J'ai eu l'impression que j'allais me faire hara-kiri, d'un coup. C'est vrai, ça m'allait bien d'avoir créé Ma P'tite Madeleine, une modeste affaire sans prétention. Y renoncer m'était difficile. Je ne pouvais rester définitivement à jongler entre cette micro-activité et des missions qui ne devaient pas dépasser 32 heures mensuelles. Le système est pervers, n'incitant guère à se démultiplier, là non plus, je ne vais pas radoter.

Donc, ce matin, d'un clic, j'ai sacrifié mon bébé. Hop. Radiée. Bizarrement, je me suis sentie plutôt soulagée, enfin débarrassée de ce casse-tête mensuel.

C'est dommage, oui. Avais-je le choix? Non.

A moins de refuser des CDD, à droite, à gauche. Qui, à défaut de tout solutionner, me donnent l'impression d'exister de nouveau socialement (paradoxal, quand on travaille chez soi) et me laissent penser à un retour progressif vers la vie active (paradoxal, quand je pense à l'activité déployée pendant ma période de chômage total).

L'affaire réglée, direction Pôle Emploi pour avertir de mon énième changement de situation. Tiens, la personne de l'accueil a changé. C'est un monsieur, qui commence par écouter mon laïus, m'annonce qu'aucun conseil n'est personnalisé à l'agence et que, non, je ne peux pas voir le monsieur Barbu, cet apôtre qui m'a sauvé la mise plusieurs fois.

"Oh, Guylaine sera également très bien, elle saura vous guider", affirme l'autre dame de l'accueil. Vu le mal que j'ai à exprimer ma requête, je doute qu'elle saura m'aider mais enfin... Le monsieur, fatigué d'avance, me donne un petit coupon pour patienter. "Sinon, je vous aurais bien dit d'appeler le 3949... " Euh non, monsieur, si je me déplace, ce n'est pas pour me servir du téléphone de l'agence.

J'attends, j'attends, je remplis un questionnaire de satisfaction sur l'accueil reçu (bon point pour Pôle Emploi, si, si), j'ai le temps de lire les trois Ouest-France oubliés sur une table, constatant que les fêtes du village et l'arrivée d'un nouveau couple à la supérette du coin continuent d'alimenter les pages d'une fadeur sans nom, j'en suis au 10 juin lorsqu'une dame me demande ce que je fais là. Euh, je sais pas, j'attends pour faire un tennis? "Ah vous attendez pour l'autre bureau? Allez voir ma collègue, elle est libre!"

Depuis le début, apparemment. Mais ça n'avait pas l'air de l'inquiéter de ne recevoir personne. Bref.

J'explique à la dite-Guylaine (en fait, elle ne s'appelle pas ainsi, respectons l'anonymat des personnes qui n'ont rien demandé) ma radiation, et puis un autre problème trop long à expliquer ici, et surtout très rébarbatif. Elle écoute et après cinq bonnes minutes, me demande mon numéro d'identifiant. Ah oui, on aurait pu commencer par ça.

Un regard sur l'écran, elle fouille des papiers et retrouve des notes, rédigées par l'apôtre.

"Très bien, je lui transmets les informations et il avisera."

Aussi compétente, hum? Bah, peu importe, si tout va bien, me voilà de retour dans la catégorie 1 et j'imagine déjà la tête de la revêche du tram, si je sollicite un abonnement "demandeur d'emploi", armée de mon avis de situation.

Comme ça, je ne serais pas la seule à tousser.

mercredi 16 juin 2010

Femme au foyer (version maso)

Le télé-travail, c'est vachement chouette.

Ah oui, parce que, si je délaisse actuellement ce blog évoquant les déboires d'une chômeuse, c'est pour la bonne cause: j'ai une mission à terminer, moi, oh!

Le télé-travail, disais-je, c'est vachement chouette. Tu gères ton temps comme tu veux, tu peux bosser en pyj', boire des litres de thé sans craindre la pénalité-conséquente-à-une-vessie-de-souris, téléphoner, répondre à des annonces, regarder l'Edition spéciale, cuisiner, manger à 15h, te doucher à 17h, sortir chercher ton loustic à l'école... La liberté, en somme.

Bon, en vrai, c'est un peu moins drôle. Je commence à percevoir le côté sclérosant de la chose... Lorsque je presse le pas en rentrant de l'école à 8h45, je me fixe des objectifs. En général, tout capote rapidement, tant les impondérables se multiplient. Parmi eux, les mails, Internet, le coup de fil de représentants divers et variés et, la pire, la grosse flegme qui m'envahit alors que je suis fin prête à démarrer. Comme je suis sérieuse (et surtout très angoissée), je m'y colle. Des heures de débats qui causent conseil régional, général, voies vertes ou randonnée équestre, c'est passionnant mais... assommant.

La tête farcie, je titube, et je passe mon temps à me lever, me maudissant d'avoir bu des litres de thé. Je regarde l'heure, il est 15h, le frigo est vide et de toute façon, j'ai des cannelés et des cookies à préparer pour demain. Je finis par me doucher à 17h30 (la chaleur du four s'avère assez fatale) et j'ignore le regard culpabilisateur de la dame de la garderie, quand je viens, cheveux encore mouillés, chercher mon loustic à l'accueil - tout ça parce que c'est le dernier enfant encore présent.

Il est où le problème?

Je pense surtout que je n'ai retranscrit qu'une heure et qu'il m'en reste encore cinq. La femme au foyer que je suis pense bien à cuisiner le soir, assurer un minimum de ménage et accessoirement à s'occuper de loulou. Avant de retourner au combat. Il est une heure du matin et je m'endors sur mon ordi.

Pathétique.

Le lendemain, changement de programme, je prends la casquette de pâtissière à trois sous. Une tarte au citron meringuée plus tard, je file livrer la cargaison, l'esprit libre. Eh oui, j'ai presque oublié, dans mon petit esprit de moineau, que j'ai un VRAI travail à terminer. Le retour à la réalité n'en est que plus difficile, mais enfin, la soirée, c'est fait pour bosser, pas vrai?

Pathétique. Je sais.

Alors, je m'octroie même un petit break. Check-up sur les mails. Tiens, l'une de mes candidatures datant de deux semaines vient d'être mise à la poubelle de la destinataire, sans même être lue. Je répare la boulette, et cette fois, c'est bon, la dame a tout reçu. Ouf. Bah oui, j'ai oublié de vous préciser qu'avec ces histoires de mission, j'en oublie parfois que je cherche du boulot. Dingue, non?

Du coup, je file sur le site de Pôle Emploi. Là, je dégote, un peu au hasard, le job de mes rêves, avec un salaire moins enchanteur, certes, mais enfin, n'ai-je pas toujours clamé que mon épanouissement personnel primait sur le confort matériel? Je postule, via Pôle Emploi, on me dit qu'un conseiller m'informera si, à tout hasard, ma candidature est retenue.

Naïve, j'y crois.

A chaque jour sa peine, après une nouvelle soirée collée à l'ordi, je me réveille l'esprit un rien embrumé. Sur mon portable, un message de Pôle Emploi qui me demande d'envoyer mon CV à la boîte. Parfois, je ne sais pas pourquoi, je m'exécute très vite. Ce soir, l'enveloppe est prête, et comme je suis naïve, je suis persuadée qu'elle va changer ma vie.

Puis, je me souviens que ma mission loin d'être terminée. D'ailleurs, je ne devrais même pas être là à raconter ma vie de femme au foyer maso, mais je ne sais pas, je crois que j'avais besoin d'un peu d'aération. D'arrêter d'écrire pour les autres et juste m'épancher sur ce drôle de rythme que je vis, pour rendre dans le timing un travail peaufiné.

Pourquoi continuer, dans ce cas? Parce que, mine de rien, ça fait un bien fou de se voir confier des missions. Et lorsque, ce soir, la société pour laquelle je bosse m'a proposé un nouveau conseil municipal, je n'ai pas hésité.

Je suis maso, je vous dis.

mardi 15 juin 2010

Mettre les points sur les i...




... Non, je ne suis pas Charlotte + 12 (pas photographe non plus. Bonjour le contre-jour) (pas la reine du rangement, non plus. Bref)

A l'instar de la pièce montée, un mythe tombe. Je sais.


La nougatine était quand même une petite tuerie.

Bon allez, je retourne à mon vrai métier, hein, j'ai un compte-rendu à terminer.

lundi 14 juin 2010

...

Ce week-end...

... J'ai raté ma pièce montée. Enfin, au début, je l'ai réussie, à peu près, jusqu'au moment où les choux se sont tous ramassés. Léger moment de solitude. J'ai tout remonté et la pyramide a foutu de nouveau le camp chez la cliente. Gros moment de solitude.

... Je n'ai pas réussi à m'enlever cette idée de la tête, vexée.

... J'ai fait un écart à ma diète, avec l'impression de gonfler comme un bibendum à la première bouchée de la tarte à l'ananas. Et puis à la première gorgée de champagne. Et puis... Bref.

... Le Mans a perdu en finale.

Mais sinon, ça va. Et vous?

vendredi 11 juin 2010

Pas assez désespérée, ma fille...

Hier soir, je postule à une offre plutôt attrayante, quoiqu'un rien éloignée de mes expériences passées. Qu'importe, j'ai la grinta, je fonce, sur un malentendu...

Je remarque l'une des conditions, dans l'annonce: être éligible au CUI CAE. Une aide de l'Etat pour favoriser le retour à l'emploi des chômeurs longue durée.

Tout mon portrait, en somme. Je clique sur la toile, a priori, les conditions d'éligibilité sont fluctuantes selon la situation du demandeur d'emploi et... les régions (sic) mais en gros, quand t'es plus de six mois en rade, y'a moyen de postuler. Hop hop hop, une petite lettre de motivation, le CV et ça y est, je me dis que c'est dans la poche (foutue grinta qui colle des illusions dans la tête).

Ce midi, je reçois ça dans ma boîte mail:

"Bonjour,
Vous n'êtes pas éligible au CUI CAE d'après les informations dont nous disposons, par ailleurs la police de caractère ne permet pas une lecture aisée de votre cv
cordialement
equipe association"

Ouf. Je reprends ma respiration. La ponctuation, les phrases à l'endroit, ils connaissent? Déjà, je trouve la réponse limite. J'aurais honte de leur envoyer ce genre de messages, perso, mais passons.

La police de caractère qui ne permet pas une lecture aisée du CV? Peuvent pas lire un document en PDF?

Bon, pas question de râler, bonne poire, je leur renvoie mon CV sous format word et leur demande de préciser les conditions d'éligibilité. Le tout dans un français normal et ponctué.

Réponse:

"Bonjour,
Sana autre critère, il faut etre inscrite depuis 24 mois dans les 36 mois
cordialement
equipe association"

La grosse classe. Le respect des candidats (vous me direz, au moins, ils répondent, EUX). Moi aussi, d'ailleurs, j'ai respecté leurs fautes, fille indulgente que je suis.

Je constate donc que je n'ai pas cumulé assez de glandouille time pour bénéficier des largesses de l'Etat. Un an et demi d'expérience dans le secteur bouché de la recherche d'emploi? Mais enfin, ce n'est pas suffisant, Mademoiselle, revenez quand vous serez la gueule par terre!

Ça doit être la douche froide que j'appréhendais hier. Le pire, c'est que ça ne me fait presque plus rien. Ni chaud ni... froid. Si, peut-être un peu sourire, quand même. Je dois être blasée, sans doute.

Et si je vous dis que j'ai une autre anecdote du même acabit, qu'allez-vous me répondre ? Allez, je vous la garde au chaud, celle-là. Je vais creuser l'histoire, histoire de rajouter un chapitre supplémentaire. Mais c'est assez costaud aussi, dans le genre j'exploite la misère du monde.

Y'a pas à dire. A défaut d'en connaître toutes les ficelles, je me spécialise chaque jour davantage sur la recherche d'emploi et ses surprises en tout genre. Le projet d'écrire "Le Chômage pour les Nuls" serait-il en train de prendre tout son sens ?

jeudi 10 juin 2010

Je ne touche plus terre

Drôle de journée aujourd'hui, pleine d'espoir et d'encouragements en tout genre.

La balance, d'abord, qui affiche quatre kilos de moins, depuis fin avril. Tout le monde s'en fout, je sais, mais ce genre de détail me suffit, personnellement. Je ne suis pas exigeante.

Un coup de fil, ensuite, d'une propriétaire nantaise qui a vu mon annonce sur un site de particulier à particulier, et qui me propose un appartement. Je lui explique ma situation actuelle, elle ne raccroche pas. Elle se montre même compréhensive. Tant qu'elle perçoit son loyer chaque mois, elle se soucie peu que je ne sois pas CDI-sée.

Dingue.

J'appelle dans la foulée un bailleur pour jouer à Cosette et faire le point sur mes chances d'obtenir un logement social à Nantes. La dame, charmante (!) m'explique qu'il faut compter en moyenne trente mois pour décrocher la lune.

Douche froide.

Sur fesse de bouc, je découvre les encouragements d'une lectrice - qui se reconnaîtra. La veille, déjà, j'avais été surprise par un tout aussi joli message et, vanité ou pas, ce genre de témoignage a le don d'égayer ma journée et de me redonner un peu de fuel pour la journée.

Oui, oui, je me prends un peu pour une fortiche, dans ces cas-là. Ça dure trois minutes, j'ai l'ego sur gonflé... avant de songer à ma situation actuelle. Pfffffoooooouuuu, on dirait une baudruche.

Douche froide.

Je vous passe les lettres de motivation, le déjeuner entre filles qui détend sérieusement les zygomatiques et la préparation d'une pièce montée pour dimanche (je sais, ça n'a rien à voir. Ça se saurait, si j'étais structurée). Une journée sympa... Plus encore quand une première personne m'appelle, pour "faire le point sur votre demande de logement". Sans (trop) jouer le pathos, je lui expose la situation et je m'attends déjà à ce qu'elle me rie au nez en m'expliquant qu'il y a des cas plus désespérés, blablabla. Elle m'annonce que mon dossier va être examiné dans les semaines à venir pour l'attribution d'un appartement. Et qu'elle est confiante pour moi.

Je vais avoir l'embarras du choix, à ce rythme-là.

Dingue.

Puis, un nouveau coup de fil. Il s'agit de la boîte qui m'a employée le mois dernier. Cette fois, il s'agit d'une mission à domicile, pour six heures de retranscription.

Dingue.

Soit, au bas mot, une quarantaine d'heures de travail.

Douche froide.

Si je peux? Bien sûr que je peux. C'te question.

Guillerette, je vais chercher Loulou à l'école. Habituellement peu tendre dans ses propos, il me dit que je suis belle (oui, je sais, faut pas l'écouter, je suis sa môman, d'abord, et il nage en pleine Oedipe. Mais quand même). Il me lâche ça entre deux coups de fourchette, sans réclamer une contrepartie.

Dingue.

J'attends la douche froide.

mercredi 9 juin 2010

De l'art d'être manipulé (avec glamour. Ou pas)

Coup de fil, un jour gris d'automne. Mon chef me demande si, à tout hasard, ça ne me dirait pas d'aller à Saint-Jean-de-Luz le week-end prochain, "parce que, tu comprends, Nike veut inviter un des journalistes du magazine et personne n'a envie d'y aller."

C'est sa délicatesse qui définit le mieux le personnage. Mais passons, je serais hors-sujet.

L'idée, c'est de se faire un vol Paris/Biarritz, d'aller jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, de dormir dans un hôtel thalasso réputé et de cumuler les sorties, entre 4x4 dans le Pays Basque et cidrerie en Espagne. Et de parler, entre deux séances de spa et un petit tour sur le port, de basket et de ses perspectives.

C'est l'abnégation qui me définit le mieux. Le sens du devoir, que dis-je, du sacrifice. Bon, OK, j'allais me dévouer.

La pauvre vie, je vous jure.

Sur place, on a effectivement discuté de basket, entre deux repas gastronomiques, une virée au hammam et une beuverie dans une vieille auberge, de l'autre côté des Pyrénées. Soyons honnête: cette convivialité, si elle s'est avérée réelle, n'était que manipulation pour tenter d'amadouer le faible journaliste, accueilli dans sa chambre à 200 euros, surpris et comblé par les tenues Nike nonchalamment déposées sur le lit.

Après ce week-end ma foi fort agréable - et tous frais payés, y compris le taxi entre mon domicile et la gare, que ma boîte aurait normalement réglé- autant vous dire que j'aurais dû me taire: mon chef, attentif à mon concert de louanges, se réserva ensuite ces fameux séminaires, se payant régulièrement une petite tranche de sports d'hiver à l'oeil.

Et rapportant une doudoune qu'il continue de porter - je l'ai vue cet hiver encore, lorsqu'il m'a croisée dans la rue en m'ignorant - mais passons, je serais hors-sujet (et un peu rancunière, j'imagine).

Je vous passe les soirées dans les boîtes branchées de Paris, organisées par ce même annonceur, où je me suis sentie comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Mais enfin, j'ai côtoyé du people, je vous le dis. Et le people est de la race des pique-assiettes de compet', l'open bar l'attire comme une journaliste tourne de l'oeil devant un carton presse pour les soldes privées- j'y viens, j'y viens.

La contrepartie, l'équipementier l'attendait forcément. Pas facile de dire du mal, après s'être fait rincer... Je n'ai pas eu trop de cas de conscience dans la mesure où, derrière les paillettes, un homme chargé du marketing se donnait corps et âme pour sa boîte, pour le basket aussi. Les événements organisés et le message véhiculé servaient la cause de Nike, certes, mais n'étaient pas dénués d'intérêt, bien au contraire. Il fallait voir les étoiles dans les yeux de ces centaines de jeunes participants, s'éclatant à la Halle Carpentier, à Paris, fiers comme des paons d'être observés par des scouts américains. Le raconter, c'était l'évidence même pour moi, sans être dupe, une fois encore, de l'opération marketing qui était derrière de telles initiatives.

Hormis ce trip de folaïïï dans le Sud-Ouest - région chère à mon coeur qui plus est - et ces virées nocturnes totalement indécentes et hors de propos avec l'attitude digne d'une journaliste sportif, je peux faire le compte des pots-de-vin. En quinze ans de journalisme, j'ai reçu des pansements, des huiles essentielles, un soutien-gorge pour le sport, des T-shirts tout moches et trop grands, des bouquins de qualité inégale, quelques DVD - toujours sur le sport, pas du Woody Allen ou le dernier des Frères Coen - des jeux-vidéo, sachant que je ne dispose d'aucune console, deux, trois CD bien pourris, des badges et des autocollants Converse, une paire de pompes casse-genoux...

Ah oui, j'allais oublier le plus glamour: une pommade anti-hémorroïdes.

Ouais, je sais, grosse classe.

Au moment de l'affaire Botton, je n'en menais pas large: sûr qu'après PPDA, c'est moi que la Justice allait épingler.

Si j'étais régulièrement chargée de la rubrique Conso ("Personne d'autre ne veut s'y coller" pensait très fort mon chef), je crois bien que pour me faire rincer, je me suis un peu trompé de domaine. J'aurais dû viser la mode, histoire de remplir ma salle de bains de crèmes miracles et mon dressing de robes Isabel Marant. Là, pas d'histoire de cartons pleins à partager entre collègues hystériques. Mes camarades se souciaient peu de récupérer cette crème anti-hémorroïdes dont je ne savais que faire.

Bon, pourquoi je vous parle de tout ça? A cause (grâce ?) d'un édito, publié ce mois-ci dans Glamour, un magazine girly et futile que j'aime bien, j'avoue (Ah, pitié, ne me flagellez pas, j'aime les choses qui ne font pas mal à la tête) et que vous pourrez retrouver ici, sur un blog que j'affectionne particulièrement pour son ton décalé.

Pour résumer, la dame, elle est un peu aigrie et vénère que les blogueuses mode, ces nanas qui n'ont fait ni études dans la fashion, ni dans le journalisme, puissent attirer à ce point les régies pub et détourner les sous des annonceurs, sans aucune légitimité - sinon celle de plaire à un lectorat friand de spontanéité, de fraîcheur et... de gratuité aussi (je reviendrai là-dessus dans un post futur. Demain, sans doute). La réponse des "accusées", ces "blogueuses influentes", n'a pas tardé: chez Violette, donc, mais aussi chez Deedee et, celle-ci particulièrement bien tournée, de "Cachemire et soie."

Le flot des commentaires n'a cessé, depuis ces parutions, et j'ai été assez sciée de l'image que la presse véhiculait chez les lectrices lambda. En gros, un titre de presse féminin qui critique le côté très "marketé" des blogs, c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité. Pas faux, tant l'espace publicitaire domine l'ensemble des magazines - Au moment des "spécial mode", on en est presque à chercher les articles, les vrais, je veux dire. Oui, c'est vrai, les marques "achètent" les rédactrices en les alimentant en produits, les incitant ainsi à évoquer les nouveautés.

En même temps, parler des derniers fards ou de la crème solaire ultime, c'est un peu le fonds de commerce de tous ces magazines. Sans les faire passer pour des PAM (pétasses à mules, comme les a appelées dernièrement, de façon un rien condescendante, Télérama, évoquant les femmes, ces décérébrées, qui aiment les Grazia et autres nouveaux Be), sans les faire passer pour des PAM, disais-je, les rédactrices mode qui sévissent dans Glamour, par exemple, ne courent pas forcément après le Prix Pulitzer (davantage après la dernière paire de Jimmy Choo qui vient de leur passer sous le nez, à cette vente presse, peut-être?). Et ce, même en supposant qu'elles approfondissent certains sujets (le bio est-il vraiment bio? Quels effets le paraben a-t-il réellement sur notre santé? Quel est l'impact, à long terme, de régimes carencés? Voyez le genre...).

Pourquoi, alors, certaines lectrices s'offusquent-elles des méthodes existantes dans la presse féminine où, de fait, pour sortir un canard de 200 pages avec couverture glacée à 2 euros, l'appui financier des annonceurs est indispensable? Paradoxalement, la désertion des espaces publicitaires dans les pages d'un magazine signe la mort, ou peu s'en faut, de ce dernier. A moins d'avoir les reins solides, évidemment, ou un fichier d'abonnés tellement conséquent que la trésorerie reste positive.

Alors, oui, les attachées de presse qui appellent, voix plus mielleuse que jamais, ne le font pas juste pour prendre des nouvelles. Si elles tutoient d'emblée leur interlocuteur, parlent en finissant toutes leurs phrases par "eeeee" ("Bonjoureeeee, c'est Karineeeeee, de l'agenceeeee...") et affichent un sourire coincé en permanence, c'est pour tenter d'établir cette connivence indispensable avec le journaliste qui va servir la soupe. Souvent, parce que les produits proposés sont alléchants, le ou la scribouillard(e) se laisse tenter, dans un élan vénal très humain. On met les valeurs de probité et d'éthique de côté, parce qu'après tout, les avantages en nature, ça n'a jamais tué personne.

Aujourd'hui, la rédactrice en chef de Glamour dénonce ces pratiques chez les blogueuses, sans balayer devant sa porte, largement ouverte sur le publi-rédactionnel. Ces pratiques sont également très courantes dans le secteur automobile, où les journalistes sont invités, tous frais payés, à essayer la dernière merveille d'un constructeur en Australie ou au Brésil. A vrai dire, on pourrait multiplier les exemples. Mais faut-il pour autant discréditer à ce point TOUS les journalistes?

J'ai beau être sortie de ce "sérail", j'ai beau réaliser à quel point mon avenir dans le journalisme me semble aussi hypothétique que la compétence réelle de Christine Boutin à conduire une mission chèrement rémunérée (mais passons, je serais hors-sujet), je ne peux lire ces clichés sans réagir. Cela ne changera pas grand-chose à l'affaire - je ne suis pas une blogueuse influente et hormis pour recevoir un aller-retour gratos à New York (ben quoi?), je n'en ai cure - mais peu importe, je rétablis une vérité: tous les journalistes ne sont pas achetés. Je n'ai jamais été couverte de cadeau.

Et autant vous le dire: je n'ai jamais fait la promotion de la crème anti-hémorroïdes. Oui, vous pouvez admirer ma droiture.

A vrai dire, j'ai fini par jeter le tube: il était périmé.

mardi 8 juin 2010

Imagination (trop) fertile

"Y m'énerve, Le Pen!"

Oh la la, je lève un oeil sur Loulou, de quoi parle-t-il, là? Y a-t-il eu gros débat ce matin, dans la cour de l'école? Et comment est-ce venu sur le tapis? Ont-ils fait un amalgame avec Brice Hortefeux ? La condamnation du ministre de l'intérieur, pour injure raciale, aurait-elle alimenté les cancans chez des enfants de 6 ans? Vais-je devoir lui expliquer pourquoi un Ministre, reconnu coupable par la Justice, conserve sa place au gouvernement?

Comment lui raconter que la France marche à l'envers? Que les décideurs multiplient les boulettes comme d'autres les galères?

Déjà épuisée d'avance, j'interroge Loulou du regard.

" Ben ouais, il m'a fait un tacle!"

Ah, c'est vrai que, fort fatiguée en rentrant de la dite-école, j'ai laissé innocemment mon fils jouer à un vieux jeu-vidéo de foot, où figure donc un certain Le Pen.

Faut que j'arrête mes films.

lundi 7 juin 2010

La voix de la raison

" Pour donner le goût du travail à nos enfants, il faut donner le bon exemple. "

" Et comment on fait, quand on est chômeur? "

" Eh bien on ne fait pas d'enfant! "

...

A défaut de chocolat -arrrrrrgh, c'est dur - Omar et Fred, c'est décidément une gourmandise du soir bien agréable...

samedi 5 juin 2010

J'pète les plombs, j'pète les plombs

Non, non, je ne suis pas (encore?) enfermée mais, après quelques hésitations (ce qui va suivre n'est guère flatteur, je sens que je vais sérieusement écorner mon image), je voulais vous faire partager mon petit coup de calgon. Avec du petit condensé de crise de nerfs et des pépites de mauvaise foi à l'intérieur.

Au début de mon chômage, j'avais lancé, un jour, une boutade avec deux amis alors dans la même situation (ils se sont réinsérés, eux et j'en suis fière, non mais). Nous allions écrire un futur best-seller, "Le chômage pour les Nuls", avec les meilleurs spots pour le demandeur d'emploi, là où il fait bon vivre en France quand on rejoint cette caste de parasites.

Cynique? Pensez donc.

Je me proposais de tester la chose en situation réelle. La piscine? Jackpot, moins 30% sur le tarif. Le tram? 10 euros pour trois mois, le bonheur. Le cinéma? Près de 35% à la salle art et essai. Mais là, déjà, premier accroc au CGR du centre, décati et moyennement avenant. Dans ma quête effrénée d'obtenir les meilleures infos pour ce guide du parasite parfait, j'ai osé demander à la dame aigrie de l'accueil s'ils proposaient des tarifs demandeurs d'emploi.

"Non."

Un peu sec, le ton. A mon regard interrogateur, elle avait ajouté:

"Ça va, hein, nous on n'est déjà pas trop chers, et pis c'est bon, moi non plus, je ne gagne pas beaucoup; j'ai pas les moyens d'aller au ciné, j'y vais pas."

J'avais déjà pris ma place. J'étais limite de la lui faire bouffer, mais comme j'avais envie de voir le film, que j'étais accompagnée et que je suis d'une placidité sans faille (ah ah), j'ai ravalé mes envies de meurtre par asphyxie et je suis partie, digne (si tant est qu'on peut l'être en pareille situation).

Malgré ce petit incident de parcours, j'avais plutôt bien balisé les meilleurs tuyaux et, en bon parasite, j'en profitais allégrement depuis près d'un an et demi. Hier, je voulais renouveler mon abonnement au tram. J'y vais, observe les visages fermés des employés - j'avais déjà assisté à une revendication syndicale, la dernière fois, je sens que c'est pas la fête du slip tous les jours, chez eux- mais je ne m'inquiète pas.

"Bonjour, je viens renouveler mon abonnement demandeur d'emploi." Et je donne à la dame-pas-souriante les documents requis dans la foulée.

Son sourcil s'arque. En pointant du doigt l'attestation de paiement Pôle Emploi et sans même daigner me regarder, elle lâche:

"Ça va pas, il me faut l'avis de situation."

"Je n'ai pas pu en sortir un, je suis toujours demandeuse d'emploi, mais en catégorie 5 (créateurs d'entreprise)."

"Ah bah", qu'elle me fait en jetant l'attestation - et la preuve de mon GRAS revenu ce mois-ci,ah ah - sur le guichet, "vous n'avez pas le droit à l'abonnement."

Je sens qu'elle jubile. Elle l'a, son petit pouvoir que j'ai souvent senti chez certaines petites gens (oui, je juge, oui je suis méprisante) malmenées et en manque de reconnaissance.

"Mais enfin, ce n'est pas logique, je suis TOUJOURS demandeuse d'emploi, cet abonnement est dédié à des personnes dans ma situation."

"Moi aussi, j'ai connu cette situation, hein. J'y peux rien. Adressez-vous à M. Boulard (le maire de notre ville), c'est lui qui a classifié les différentes catégories."

"Mais enfin c'est ridicule, je suis auto-entrepreneur uniquement pour déclarer ma modeste activité. Vous voyez bien que je n'en vis pas! C'est dingue, je ne peux pas bénéficier de cet abonnement parce que je ne fais pas de black?"

"Ah bah oui, hein. C'est le système qui veut ça, je n'y peux rien. " (Mais elle va se barrer, celle-ci, pense-t-elle très fort. Si si, ça se voit)

En gros, je ne peux plus bénéficier de ce tarif. Mais pas non plus de l'autre tarif, plus ou moins préférentiel, celui du salarié. En tant qu'auto-entrepreneur, indemnisé par Pôle Emploi, je dois payer plein-pot. Logique.

Dépitée, je lui dis au revoir et je m'en vais, petite chose que je suis. Aussi digne, une nouvelle fois, si tant est qu'on peut l'être en pareille situation.

Là, je n'entends pas son "au revoir" à elle. Je me retourne. La petite chose sent la fureur monter en elle.

"Dites, que je n'aie pas cet abonnement est une chose, mais cela vous empêche-t-il d'être cordiale?"

Là, elle ne s'y attendait pas. Elle balbutie.

"..."

"Vous ne pouvez pas rester souriante?"

Elle a sa parade. "Ah, bah, je suis comme vous, hein, vous ne souriez pas!"

Ah bon? Je ne souris pas? Je ne comprends pas, pourtant, je devrais être contente d'être heureuse, non?

"Je suis agacée par votre attitude, c'est certain. Que le système nous dépasse, l'une et l'autre, c'est évident. Mais vous êtes un être humain, moi aussi, vous ne pouvez pas essayer d'être humaine?"

"Ah bah, normalement, je le suis, humaine" (la vue d'un parasite la déshumaniserait-elle?)

"Mais là, non, ça vaut pas le coup, c'est ça?"

Elle semble atteinte de surdité, d'un coup. J'ai l'impression de parler à un mur. Elle lève la tête: "Suivant!"

...

Je suis partie, aussi digne blablabla.

En lâchant un "Connasse" - je sais, c'est mal.

"Là, c'est une insulte", ai-je entendu.

Comme quoi, elle n'était pas sourde.

jeudi 3 juin 2010

La ronde des sentiments

Non, ne pas regarder en arrière.

Oui, envisager l'avenir avec le sourire, rester positif, débarrasser son esprit du vieux, de l'usagé, du non-abouti.

Se recentrer sur la réalité. Être optimiste.

Rien de mieux pour avancer, on est d'accord.

J'ai tenté d'enfouir mon projet très loin, dans un coin de ma mémoire. En tentant d'apposer le tampon "absurde" (histoire de ne pas y retourner) à cette idée d'ouvrir un lieu de restauration -mais pas que. Les clients lambda, pressés, les habitués, les potes rassemblés autour de tapas en fin de journée, les copines venues prendre le thé ou les mamans en quête d'une respiration, avec leur(s) jeune(s) enfant(s)... Tout ça relève de mon imaginaire. Un endroit kids friendly, ça ne parle pas aux gens, dans le coin. Parce que la crise, parce que l'étroitesse d'esprit, parce que...

Je me suis résignée. D'ailleurs, en attendant la visite d'un appartement prochainement, je commence le grand tri, histoire d'alléger les cartons- mais pas seulement.

Alors, pourquoi, pourquoi un tel reportage (que vous pourrez retrouver ici, sur le Bürki blog), diffusé aujourd'hui sur Canal +, me bouleverse-t-il? On y voit quelques gamins attablés, racontant leur amour immodéré pour un bout de gâteau au chocolat. Et, surtout le témoignage d'une auteur, qui a recensé les bonnes adresses pour venir se restaurer avec Loulou & cie. Rien de plus.

Enfin, je ne sais plus, parce que je me suis sentie submergée par un flot de sentiments contradictoires, qui a brouillé ma vision des choses.

Pourquoi ces simples images nourrissent-elles chez moi des regrets stériles? Pourquoi ai-je l'impression d'avoir effleuré, et laissé passer, un rêve? Pourquoi ?

Avancer. Me projeter. Ignorer le gris qui embrume le cerveau. Éteindre la télé, Internet et tous les liens qui me ramènent vers un monde où les créateurs les plus audacieux parviennent, eux, à leurs fins.

Stopper l'auto-flagellation. Envisager que ma résignation n'est pas le signe de ma médiocrité, mais qu'un regain de confiance en soi serait, au contraire, salutaire en ces temps de flottement. M'auto-persuader que la galère n'a absolument rien à voir avec une personnalité vide et dénuée d'intérêt. Que ça peut arriver à tout le monde.

Enrayer la rechute. Regarder par la fenêtre. Y voir le soleil et les prémices d'un avenir meilleur.

Jour après jour, je mesure les concessions que je me résous à faire, pour revenir dans un monde "normal", si on suppose que la normalité consiste à se ranger dans la masse.

Jour après jour, je me sens un peu plus en décalage. Sans doute suis-je trop impatiente.

Mais j'ai beau sourire, rien ne vient.

J'ai beau me démener, rien ne vient.

Un pas dans la normalité engendre chez moi deux pas dans le gouffre de l'incertitude, car les gens normaux me rappellent sans cesse la précarité de ma situation. J'en viens à envier des personnes qui ont un boulot moyen, qui traînent souvent des pieds pour y aller, comme s'ils avaient compris, EUX, le sens de la vie. Comme s'ils savaient, EUX, que la quête du bonheur est vaine et que les compromis sont la seule réponse à un début de satisfaction.

Tout ça à cause de Daphné Bürki? Waouh, j'en tiens une bonne aujourd'hui.

mercredi 2 juin 2010

Le chat qui se mord la queue

Je récapitule: je ne suis pas assez pauvre ou désespérée pour oser prétendre à un logement social, petite enfant gâtée que je suis.

Mais mon statut de demandeur d'emploi m'empêche d'accéder à un logement "classique", "normal", appelez-le comme vous le voulez, car je ne dispose ni d'un CDI, ni d'un minimum de ressources de 1800 euros, critères exigés, semble-t-il, par les agences immobilières.

Après le deuxième refus de la matinée, j'ai osé poser la question. Qui fâche, visiblement:

"Expliquez-moi, Madame, et je vous le demande sans aucune agressivité: concrètement, comment fait une personne en recherche d'emploi, pour se loger, lorsqu'elle ne peut accéder ni à l'un, ni à l'autre?"

Silence gêné au bout du téléphone.

" Je vous repose la question, Madame, et je le répète, sans aucune agressivité: comment fait-on ? "

" Je n'ai pas la réponse. Je-suis-désolée-au-revoir-Madame."

Et elle raccroche, vite fait, avant que j'aie le temps de l'embêter encore.

Euh, elle est où l'alternative?

mardi 1 juin 2010

L'envol

Parfois, une idée jaillit, comme ça, et le chemin s'éclaire soudainement (non, je n'ai pas vu la Vierge). Elle fait son petit bonhomme de chemin. Se sent bousculée par une vieille idée coriace, chahutée par mille raisons, mais persiste. Telle une longue montée du désir, elle se fait de plus en plus prégnante, de plus en plus forte, de plus en plus vitale.

Un matin, elle apparaît comme une évidence. Et plus rien ne peut freiner son ascension.

J'insiste: je n'ai pas vu la Vierge.

J'ai longtemps hésité à poster mon petit secret (pas si bien conservé, d'ailleurs). Un reste de superstition, je l'ignore, toujours est-il que je n'aime guère parler concrètement de projets non aboutis (comment ça, je vous ai bassinés pendant un an avec un restaurant imaginaire? Bon, ok, mais c'est pas pareil).

Là, j'ai tourné et retourné l'idée dans tous les sens. Je l'ai laissée mûrir. Je me suis dit que la vie allait décider pour moi. Et puis non, que je devais en être l'actrice. Et puis... Oui, vous aussi, ça vous fatigue? Alors imaginez l'état de ma caboche...

L'idée est simple: retrouver ses racines. Imaginer un endroit où l'on se sent bien, où l'on respire. Cela peut être chez soi, après tout, dans la région d'adoption. Mais là, non, en l'occurrence. Après avoir quitté très tôt Nantes, à tout juste 18 ans, je m'imagine, presque 18 ans plus tard, y retourner pour tourner une page - pleine de fantômes et de rêves non assouvis- et surtout en ouvrir une nouvelle.

Appelez cela comme vous voulez. Une fuite ou la soif d'un nouveau départ. J'imagine qu'il y a un peu des deux dans cette volonté de déménager. Je ressens surtout cette nécessité de me mettre en mouvement, littéralement, pour ne plus rester le cul entre deux chaises, dans une instabilité de plus en plus inconfortable.

Alors voilà un mois, j'ai concrétisé mon envie en faisant une demande de logement social (maman célibataire, en fin de droits, je ne vous refais pas le topo Cosette, hein). Premier pas, première avancée et vlan! Voilà que six jours plus tard, je reçois une offre alléchante - la fameuse vieille idée tenace. Aïe. Dilemme.

Partir retrouver de l'air à Nantes, dans une ville où je n'ai pas de travail ; ou rester au Mans et vivre mon rêve d'un comptoir?

Rebondir dans un environnement plus prospère ; ou bosser comme une folle dans un lieu sans en vivre?

Ah, vous voyez, selon l'ordre, ce n'est pas si simple de trancher.

Ma tête, prête à exploser, a assisté à un combat sans merci entre Jiminy Cricket, sur l'épaule droite, et le diablotin, sur l'épaule gauche. Vas-y... N'y va pas... Et patati, et patata. Patience, me suis-je ressaisie. La vie te guidera.

A vrai dire, j'ai exploré nombre de possibilités. Cela ne pouvait pas être un hasard. Comme une ultime épreuve, je devais affronter ce questionnement permanent pour décider si je partais d'un côté, vers le chemin de la liberté, ou de l'autre, dans un labyrinthe.

Labyrinthe, labyrinthe, tiens, tiens... En observant Loulou, j'ai décidé de poser le problème autrement. Lorsqu'il joue à trouver le bon chemin, il prend son crayon à papier et commence par l'arrivée, remontant ainsi jusqu'au bon point de départ. OK, il triche un peu mais comment lui en vouloir? Sans le savoir, il venait de me donner une idée, celle de me projeter dans les deux cas de figure.

Au début, j'ai vu tout noir. Nantes comme le restau manceau.

Normal, je fermais les yeux.

Ensuite, je me suis concentrée. Je ne vous ferai pas le coup du chemin pavé de roses d'un côté, d'un nuage de brouillard de l'autre. Mais la vision que j'ai eue de ces deux avenirs - ou du moins, l'idée que mon esprit s'en fait - s'est avérée parlante.

Restait encore le choix de la raison. Là encore, la vie a guidé mon choix. Je vous l'ai dit, je freinais mes velléités d'ailleurs, souhaitant que Loulou puisse voir son papa - un papa investi, dois-je le préciser - très régulièrement.

Le papa ayant migré vers des cieux plus cléments (professionnellement parlant) pour une durée incertaine, me voilà prise à mon propre piège, celui de la maman qui doit assumer son rôle de parent sans relâche. Confrontée à cette nouvelle donne, j'ai surtout réalisé où étaient mes attaches familiales. Et les perspectives professionnelles, aussi.

A Nantes.

Ce matin, donc, l'idée s'est imposée d'elle-même. Il me fallait relancer ma demande de logement. J'ai appelé un bailleur, pour m'enquérir des conditions d'attribution, du délai, surtout. Une femme me répond. Je l'imagine, la petite cinquantaine, ricanant au bout du fil. "Il faut savoir que la majorité de nos appartements sont réquisitionnés par la Préfecture, nous n'avons rien pour vous, madame."

Oui, mais encore?

"Il faut savoir que certaines familles sont à la rue et sont, ELLES, dans une vraie situation d'urgence."

Sous-entendu, alors que toi, tu viens nous gonfler avec tes envies d'ailleurs, de lumière et tout le tralala. Estime-toi heureuse d'avoir un toit. Et pis, restes-y dans ta ville, d'abord.

" En gros, le délai peut avoisinner une année, c'est ça?"

Nouveau ricanement étouffé. Elle devrait me remercier, je l'aurais fait rire, ce matin. "Il faut savoir... "

Oui, oui, ça va, j'ai compris. Je ne suis pas en situation d'urgence. Ça fait juste un an et demi que je suis au chômage et que je joue Cosette avec mon gamin sous le bras. En novembre, je n'aurai plus de droits ASSEDIC.

Mais sinon, non, effectivement, rien ne presse.