lundi 12 avril 2010

Toujours ce zeste de Kafka...

En préambule, ne voyez en ce post aucun règlement de comptes envers l'administration française. Je n'ai rien contre Pôle Emploi, j'ai conscience de la difficulté de la tâche et de l'imbécillité de généraliser. Donc, on ne sort pas les kalachnikov, right?

Vendredi, j'avais envoyé une lettre de motivation à un quotidien et j'étais aux aguets. Il était évident que ce journal, en proie à un plan social, allait m'accueillir les bras ouverts. Il ne faisait aucun doute qu'ils n'attendaient qu'un mot de ma part pour me dérouler le tapis rouge. Donc lettre le matin = coup de fil l'après-midi.

Comment ça, c'est pas réaliste?

En tout cas, lorsque le téléphone a sonné, quelques heures seulement après l'envoi de mon mail-"engagez-moi, engagez-moi", je n'ai pu réprimer un sursaut et j'ai senti mon coeur s'emballer.

Ou peut-être étais-je victime d'un début de tachycardie?

Quoi qu'il en soit, j'ai répondu. C'était une voix d'homme et il ne voulait ni me refourguer un abonnement, ni me vendre une cuisine. Bien. Mais il n'appelait pas non plus pour répondre à ma candidature spontanée. Oooooh, la déception.

Et pour cause, c'était le conseiller de Pôle Emploi (peut-être devrais-je dire "MON" conseiller mais avec un portefeuille individuel de 200 demandeurs d'emploi, ou peu s'en faut, ça me fait rentrer illico au sein d'une famille nombreuse, et un rien de la loose, quand même, alors je vais conserver cette neutralité). Cet employé gentil, un rien dépassé, aussi, issu de feu l'ANPE et qui ne sait plus où il habite dès que l'on évoque les chiffres.

Le conseiller, donc, m'a expliqué la situation:

"Nous avons besoin de clôturer votre dossier concernant votre EMT de novembre dernier au Café Clochette. Il manque une pièce, que la restauratrice aurait dû envoyer."

"Et?"

" Eh bien, il faudrait qu'elle renvoie ce document."

Jusque-là, ça se tient. Y'a juste un truc qui me chiffonne. Pourquoi il n'appelle pas la personne concernée? Je lui ai donc répondu :

"Peut-être le mieux serait-il de lui demander directement?"

Un blanc.

"Ah, bah oui"

La connexion a été établie.

"Enfin, je sais pas, ça me semble plus logique ainsi, non?"

Re-blanc. On a reperdu des neurones.

"Bah, c'est que j'ai pas son numéro."

Il dispose du nom de la gérante, de son adresse exacte, mais il n'a pas son numéro. J'oubliais que Café Clochette est ravitaillé par les corbeaux (pensez donc, les lignes téléphoniques ne vont pas jusque dans le centre de Rennes) et qu'il n'existe aucun service de renseignements dans notre pays. J'aurais pu prendre pitié de ses efforts désespérés, lui qui n'a visiblement aucune envie d'appeler une dame qu'il ne connaît pas, dans un département voisin, qui plus est. Mais non. Dans ma grande mansuétude, je lui ai néanmoins donné les coordonnées exactes.

"Bon, bah, merci", qu'il m'a dit, penaud...

" Attendez, je profite de vous avoir pour vous demander une précision... Auto-entrepreneur, blablabla, déclaration d'un chiffre d'affaires, blablabla, qui n'est pas mon bénéfice, blablabla, alloc réduite ce mois-ci alors que j'ai travaillé, blablabla, ça vaut le coup de se remuer, on perd de l'argent, blablabla, je suis un rien dégoûtée, blablabla..."

Assommé, le conseiller réagit néanmoins:

"Il ne faut pas être dégoûtée, ça coûte toujours de l'argent de...

"Travailler?"

J'ai un mauvais esprit, décidément.

"Oui, enfin non, enfin, les premiers mois, forcément..." Il bafouille, s'emmêle les pinceaux. "Venez à l'agence, on vous expliquera comment faire à l'avenir."

" Mais vous ne pouvez pas me le dire, maintenant?"

"Ah bah non, je suis pas de l'indemnisation, moi, je peux pas vous dire."

C'est quand même lui qui m'avait indiqué de surtout bien déclarer mon chiffre d'affaires, le mois dernier. Je crois que le pauvre ne se fera jamais à l'idée que sa société a fusionné avec les ASSEDIC et qu'il doit maintenant tenter de comprendre de quoi ça cause.

"Venez lundi, d'accord?"

Un coup d'oeil à ma montre. Il était 14h30. Ah, oui, je comprends, le week-end, tout ça.

Ce matin, je suis allée à l'agence. On m'a indiqué que je devais écrire un courrier résumant ma situation - mais je suis sur place, là, c'est pas possible de traiter tout ça directement? Non, c'est pas possible. Je devais donc rentrer chez moi, rédiger une lettre et l'envoyer ici même, donc.

Ah non, plutôt à une autre agence, me précise finalement la dame, contredisant ainsi les propos du conseiller.

Bah oui, ce serait trop simple, sinon.

Vivement que je change d'employeur, tiens. Ça devient épuisant.

2 commentaires:

  1. Kafkaïen ; ils doivent s'arracher les cheveux, les pauvres employés...........
    Y a eu une émission bien torchée de Daniel Mermet y a à peu près deux semaines....sur Pôle Emploi......
    En attendant, j'ai (nous avons, je l'ai lu tout haut) vraiment bien rigolé en lisant ton post.

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  2. J'ai ri aussi et pourtant, il n'y a pas de quoi. Je me pose une question : la fusion Assedic - Anpe en un Pôle Emploi, ce n'était pas sensé apporter plus d'efficacité et des économies d'échelle ? Non, je dis ça, ce n'est pas sortir la kalach, non plus. C'est juste une question.

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