vendredi 30 avril 2010

Le luxe d'une chômeuse

J'avais à peine publié le post hier, évoquant ainsi la page qui se tournait avec la cuisine, que je reçois un coup de téléphone. Une femme, qui a vu mes petites cartes déposées chez l'ostéopathe (comme quoi, ça sert d'avoir un balai dans le dos, on ne mesure pas forcément les conséquences d'un lumbago chronique), et qui souhaitait faire appel à mes services.

Waouh. Je me suis sentie flattée.

Elle voulait, plus précisément, "un panaché de petits gâteaux". "Pour demain, c'est possible?" Euh, il était 19h, la pâte à cannelés nécessite 24 heures de temps de repos, comment dire, ça va pas être simple. Je lui ai donc proposé une livraison pour samedi.

Samedi, samedi... Oui, c'est ça, le 1er mai, jour de la Fête du travail. Un comble, pas vrai ?

Bah, c'est le luxe d'une chômeuse, se pavaner au soleil pendant que les autres carburent et... pouvoir s'octroyer quelques heures de taf durant les jours fériés.

jeudi 29 avril 2010

L'histoire du verre plein... ou pas

Lundi matin, l'âme en berne, j'avais commencé un post. J'aurais pu le reprendre tel quel et pourtant, il me semble aujourd'hui anachronique.

Oui, en quelques jours.

Je ne suis pas à une contradiction près, vous le savez, maintenant. N'empêche qu'en relisant ces lignes, je mesure combien mon esprit a migré vers un nouvel horizon. Allez, je vous fais un copier-coller et je vous retrouve après:

"Parfois, et hier encore à la sortie du train, je me suis demandé si je n'avais pas fait un immense gâchis de ma vie. A force de laisser parler mon caractère disons, un peu fort parfois - doux euphémisme - j'ai fait des choix qui me laissent aujourd'hui dans une situation précaire.

C'est le "malgré notre désir de vous être utile" de la lettre reçue hier qui m'a titillée. Ils ont raison, je suis en position de faire l'aumône. Oui, je galère.

Hier, à la gare, donc, j'espérais un visage familier. C'était idiot, car je n'avais prévenu personne de l'horaire du train et, vu le soleil, les amis avaient autre chose à faire que jouer au chauffeur. Sauf que, lorsque j'ai vu le tram me passer juste sous le nez, engendrant quinze minutes d'attente jusqu'au prochain, j'ai songé à ce sentiment de gâchis.

Comment en suis-je arrivée là? Comment font les autres? Ne font-ils pas plus de concessions, pour rendre leur vie plus fluide? J'ai trop rêvé la mienne, je crois, et aujourd'hui, tout m'échappe. Je suis en perpétuelle bascule entre mes envies et la réalité. "

Voilà. Je fais bien ma Cosette, pas vrai?

Aujourd'hui, j'ai le sourire. Bizarre, je sais. Rien n'a changé, je n'ai toujours pas de boulot, ma balance affiche toujours de méchants chiffres et personne n'a garé son cheval blanc en bas de chez moi.

Mais...

... Je suis en mode détox depuis dimanche soir. Cela faisait longtemps, très longtemps, que je voulais m'y mettre sérieusement. Et là, enfin, mon frigo, loin de s'apparenter à un programme d'austérité, est coloré de ces légumes que j'aime - et les sucreries rangées au rayon des (doux) souvenirs (la foi, ayons la foi).

... Dans la famille "je veux une vie saine", j'ai enchaîné sur des séances de sport, qui m'ont laissée lamentablement amorphe, la bave aux lèvres, mais réjouie de retrouver de telles sensations.

... Je n'arrête pas de retrouver plein de trucs que j'avais égarés, du genre des clés, un papier de l'INSEE que je cherchais désespérément et même une carte de tram perdue depuis une bonne année. Bon, j'écris ça et en même temps, je suis en quête absolue d'un document administratif dont j'ai IMPÉRATIVEMENT besoin et, malgré le couloir jonché de papiers, je suis bredouille, pour l'instant.

... Au delà du bazar apparent et concret, je suis enfin en train de tout ranger, compartimenter, là-haut, et la semaine au Café Clochette a été révélatrice, pour moi: je n'ai pas eu le loisir de réfléchir à ma situation ou à des projections stériles durant cette période par ailleurs exaltante. De quoi faire le vide, prendre du recul et me donner une envie : celle de reprendre le contrôle de cette vie qui m'échappe.

... J'ai enfin compris que je n'avais pas fait le deuil de mon projet. L'échec m'effraie, plus que jamais. Mais justement, je ne dois pas prendre mon parcours comme un échec ; plutôt comme un but, une expérience. Aujourd'hui, je range la cuisine dans un coin de ma tête, et basta. Le journalisme, ça me semble compromis aussi. Alors, pourquoi ne pas reprendre mon idée première, celle de devenir écrivain public? Et pourquoi ne pas coucher mon vécu sur le papier, pour de bon?

Et si ces épreuves, ces rencontres, ces joies et ces désillusions n'avaient existé que pour mieux les raconter?

Vous voyez, rien n'a changé. Et tout, pourtant. C'est une simple question de perspective. Demain, peut-être vais-je me réveiller, morose et découragée. Mais je ne veux même pas y penser. Car j'ai un projet, un projet de vie, dont je vous parlerai ultérieurement, qui m'anime et qui remplit mon verre.

L'équilibre est fragile, mais il est là.

mercredi 28 avril 2010

Madame jarticulpa et les gâteaux isolés

"Bonjour, madame jarticulpa du plan de la ville du Mans. Vous avez ouvert récemment quelque chose, c'est ça?"

Entre méfiance et parano, je réponds prudemment. La DSV viendrait-elle déjà me chercher des poux? J'imagine déjà les inspecteurs débarquer dans ma cuisine et me saisir mes moules à cannelés. Avec, en outre, ce petit air vicieux des gens toujours avides de sacrifier de pauvres innocents. Qui m'a dénoncée? Mais au fait, je ne fais rien de mal! Bon, soyons lucide, moins j'en dirai, mieux ce sera.

"De quoi voulez-vous parler?" fais-je de mon air le plus niais possible (ce qui ne me pose pas trop de problème).

" Ben, de votre commerce."

"Ah, vous voulez parler de mon auto-entreprise? Oh, vous savez, c'est juste de la livraison de gâteaux."

Un blanc.

"Des gâteaux?" Son immense déception s'entend. "C'est tout?"

"Bah oui, c'est tout."

"Bon, alors oubliez, bonne journée..."

Je l'interromps. "C'était pour quoi, au fait?"

"Je voulais vous offrir un espace publicitaire sur le plan de la ville. Mais là, c'est pas la peine."

Elle a tout compris, madame jarticulpa. C'est pas la peine.

lundi 26 avril 2010

Un zeste kafkaïen ne meurt jamais

Au fond, j'ai toujours pensé que l'on caricaturait les administrations en général et Pôle Emploi en particulier. C'est vrai, je connais des personnes qui y gagnaient - ou qui y gagnent -honorablement leur vie, des gens normaux, pas fainéants, loin de tous les clichés véhiculés.

Mais je comprends maintenant pourquoi les préjugés ont la vie dure.

Hier soir, en rentrant, je jette un coup d'oeil sur mon compte. Avant de partir, souvenez-vous, une dame de Pôle Emploi m'avait assurée que ma situation allait être régularisée dans la semaine, que je ne devais pas m'inquiéter, blablabla. Et là, dix jours après, l'évidence: pas de nouveau virement.

Bon, Pôle Emploi le lundi matin, ça devient une habitude. Une petite balade me fera le plus grand bien, n'est-ce pas? C'est pas comme si j'avais d'autre chose à faire - chercher un job, faire ma fournée hebdomadaire, ce genre de choses. Avant de filer, je cherche sur le net le calcul réel de mes indemnités, histoire d'arriver avec des billes. Un ami me donne l'adresse d'un site, je parcours rapidement les forums, réalisant à quel point ce qui me semblait kafkaïen s'avère très banal. Des tas de gens se retrouvent englués dans des situations impossibles.

Je ne suis pas la seule auto-entrepreneur à galérer. C'est marrant, ça pourrait me rassurer, mais non.

Un conseiller fort aimable et a priori compétent me reçoit. Je lui explique: nouvellement auto-entrepreneur, chiffre d'affaires et zéro bénéfice, alloc réduite, blablabla, régularisation promise, rien après dix jours...

"Ah mais c'est normal, votre allocation est provisoire, elle sera régularisée lorsque nous aurons vos justificatifs."

Ceux que j'ai envoyés initialement à Evreux - sur le conseil d'un premier employé - puis déposés à l'agence où je me trouve, justement, voilà plus de dix jours?

Ceux-là, oui.

"Ah ben oui, on n'a rien eu, hein."

Prévoyante, je lui sors le document requis. Comme il est sérieux, il finit par m'annoncer la bonne nouvelle: je recevrai le 28 avril le complément promis. Alléluia.

Puisque je suis là, je lui demande quelques autres précisions. Par exemple, comment cela se passe-t-il si un auto-entrepreneur ne déclare aucun chiffre d'affaires? " Si c'est le cas, nous avons estimé un forfait de 583 euros que l'on retranche de l'allocation." Donc, j'ai tout intérêt à déclarer un minimum.

"Ah ben oui", qu'il me répond.

Ce statut d'auto-entrepreneur commence à me courir, tant il engendre précarité et flou artistique. Et ça se gâte carrément lorsque j'évoque le CDD que je viens d'effectuer.

"Vous devez déclarer avoir travaillé 78 heures dès lors que vous êtes auto-entrepreneur, avec maintien des allocations de retour à l'emploi. Là, vous me dites avoir travaillé, en plus (malheureuse que je suis!) 35 heures. Or, 78+35 = 113.

Oui, d'accord... Et donc?

"113 heures, c'est trop, au delà de 110 heures travaillées par mois, vous perdez votre allocation."

En gros, j'ai trop bossé ce mois-ci (avec un chiffre d'affaires riquiqui, dois-je préciser, sur ma minuscule affaire). Tout est normal. Lui, franco, me suggère de me radier de mon statut d'auto-entrepreneur. Comme ça, le problème sera réglé. "Allez voir l'URSSAF", me dit-il, tout sourire.

De façon impulsive, je suis son conseil. Il a l'air sûr de son fait, après tout - ma naïveté me perdra. En chemin, je ressens néanmoins un petit pincement à l'idée de renoncer à "Ma p'tite Madeleine" qui n'aura donc vécu qu'un mois. Les doutes me submergent, je me demande s'il n'y a pas une autre solution. Pendant ce temps, en salle d'attente, nous commençons à trépigner. La vieille dame blonde trop maquillée reçoit un homme un rien lourd. "Je vous ennuie peut-être, vous allez peut-être déjeuner", lui sussure-t-il, au bout de longues, très longues minutes. Meuh non, meuh non, lui répond-elle, visiblement sous le charme.

En face de moi, une femme ne peut plus cacher son impatience. "Sinon, il y a des personnes qui attendent. Et puis, nous aussi, on aimerait bien aller déjeuner." Je la regarde: "Je crois qu'il va falloir oublier cette idée." Mon voisin se marre.

Finalement, comme d'habitude, j'ai poireauté pour rien. Lorsque j'évoque la radiation à cette mégère mal embouchée, elle me répond, toujours aussi sèche et sans même daigner poser un regard sur moi : "Vous vous êtes inscrite où? Sur Internet? Eh ben allez sur Internet!"

Sinon, si ton métier te saoule, ça se voit pas du tout, madame.

"Ah oui, sachez que vous allez perdre tout le bénéfice de l'ACCRE (les exonérations sociales allouées aux jeunes créateurs). "

Je la déteste et pourtant, je pourrais l'embrasser de s'être montrée aussi désinvolte.

Car en rentrant, je tarde à me radier. Il doit bien y avoir une solution. Petit retour sur le forum. Un petit malin a dégoté un lien bien caché du site Pôle Emploi. Espoir. Allez, comme je suis d'humeur guillerette, je me tente le 3949. Facturé 11 centimes la minute, parce que, quand même, faut bien que ça serve à payer quelque chose, les allocs, c'est vrai quoi, vous les chômeurs avez plein de gratuité et tellement d'avantages en nature.

Dix minutes plus tard (une paille), une dame me répond. Puis me passe un collègue, "parce que là, c'est une question d'indemnisation et je ne sais pas". Le monsieur est au fait, lui, il se montre même catégorique. En gros, il prend le conseiller du matin pour une grosse buse et m'explique le processus.

78+35 font bien 113 mais mon cher employeur va faire la distinction entre mes deux activités. Ensuite, il m'indique la procédure à suivre, chaque mois, avec une attestation sur l'honneur, etc, en déclarant, le cas échéant, que je n'ai pu me dégager de salaire, en fonction de mes frais. Un détail que personne, jusque-là, ne m'avait précisé.

Il me suggère de conserver mon statut d'auto-entrepreneur. Avant de raccrocher, réprimant mal son rire: j'ai tellement voulu blinder l'affaire que je lui ai fait répéter deux fois la procédure. Je l'imagine raconter à ses collègues quelle quiche il venait d'avoir en ligne.

Pas grave, j'ai l'habitude.

Je n'ose plus compter le nombre d'interlocuteurs que j'ai pu avoir depuis un mois mais une chose est sûre: cela représente autant de sons de cloche différents. Personne n'aurait-il donc la chance de bénéficier d'une formation, à Pôle Emploi ? Je ne peux le croire.

Peut-être ces remises à niveau sont-elles réalisées en serbo-croate. Ou bien les élèves s'endorment-ils - parce que le matin, c'est chaud et l'après-midi, après la digestion, c'est lourd - soit... Non, je ne veux envisager qu'il y ait une telle somme d'incompétence. Je note juste que, sans cette balade désormais hebdomadaire, je n'aurais jamais perçu ce à quoi j'avais droit.

Il y a des jours où je me passerais bien de ce genre de matière pour remplir ce blog. Cela dit, je l'avoue: c'est tellement burlesque que j'aurais eu du mal à l'imaginer.

dimanche 25 avril 2010

Retour sur terre

Voilà. Je viens de rentrer de Rennes et de son Café Clochette. La dernière fois, la chute avait été rude, avec le message - sur répondeur - m'annonçant un refus bancaire. Aujourd'hui, j'ai été accueillie par une lettre de Ouest-France, à qui j'avais adressé une candidature spontanée. "Malgré notre désir de vous être utile", écrit le DRH, "il ne nous est pas possible de vous répondre favorablement."

Bien. Même joueur joue encore.

Tout cela ne fait qu'attiser mes regrets. Oh, je sais bien, les regrets sont vains, mieux vaut regarder devant, blablabla. Sauf qu'après une nouvelle semaine en tant que "chef improvisée" (ah ah), j'ai définitivement le sentiment de ne pas être passée loin. Je n'ai jamais eu la prétention de devenir une cuisinière étoilée, bien sûr, mais, aux fourneaux, je me suis sentie dans mon élément. Les choses se faisaient naturellement.

C'est là toute l'ambivalence. Puisque je me sens bien en cuisine et que les portes du journalisme semblent rester closes, pourquoi alors ne pas continuer de creuser la piste? Eh bien, parce que je ne suis pas sûre d'en avoir l'énergie. Et il en faut pour tenir son affaire de main de maître!

Telles les figures dessinées sur les gros ballons gonflables des foires, j'ai l'impression de voir surgir, et fondre sur moi, tous ces sachants qui, tout au long de mon parcours, n'ont cessé de me répéter que c'était dur, la restauration. Ils seraient contents de voir que j'abdique, qu'ils avaient raison et qu'un peu d'expérience m'a cloué le bec.

J'ai adoré élaborer les menus, aller faire les courses (d'autant qu'une surprise vous attend parfois au rayon crémerie...), cuisiner seule, avec un fond musical folk et la compagnie des chats. J'ai adoré cette adrénaline qui monte, au moment du coup de feu, lorsque TOUS les clients arrivent au même moment et TOUTES les tables commandent au même moment. J'ai adoré dresser les assiettes, y ajoutant ma touche perso. J'ai adoré ces conversations à bâtons rompus. J'ai adoré...

Alors, quoi? Eh bien, derrière tout ça, il y a la compta, la paperasse, le ménage, ne pas oublier telle ou telle tâche, s'asseoir cinq minutes en fin de service avant de réaliser qu'on a oublié LE truc à faire, se relever, sentir ses pieds qui poussent... Tout ça, j'en avais conscience. Mais j'ai réalisé que la routine harassante qu'un tel rythme suppose peut devenir gênante, à long terme.

Car il n'y a pas de secret, si vous voulez attirer le chaland, pas question de suggérer un éventuel coup de mou. Il faut rester frais, dispo, souriant, avenant. La Palisse, sors de ce corps? Oui, bien sûr, n'empêche que la débauche d'énergie, pour accomplir les tâches ingrates et invisibles, finit inévitablement par détériorer le lien que l'on a créé avec la clientèle. On finit par s'épuiser. Et lorsque l'on est seul, tout prend des proportions démesurées.

La solitude, justement, parlons-en. Ma plus grosse difficulté aura été de gérer l'attente. De taire l'angoisse devant la salle vide, comme c'est arrivé à deux reprises. Et notamment le samedi soir, où j'ai fini par me préparer une assiette, puis me lancer dans un grand ménage, en attendant le retour de la cafelière.

Tout ça est excitant et aléatoire. Très aléatoire. Actuellement, j'ai seulement besoin d'être rassurée. Je ne veux plus être réveillée en pleine nuit en me disant que, dans quelques jours, c'est de nouveau le grand trou noir qui m'attend et qui peut m'avaler, si je n'y prends pas garde.

Sincèrement, je suis très fière d'avoir remplacé la cafelière une semaine durant. J'ai eu l'illusion de tenir mon affaire, toute seule, enfin. Il n'y a aucun exploit là-dedans, juste la concrétisation d'un vieux rêve et une satisfaction personnelle, qui fait du bien à mon ego malmené. Ceci étant dit, lorsque Pascale m'a demandé, avant de partir, ce que je voulais faire maintenant, si je voulais vraiment abandonner, j'ai senti mes yeux s'embuer, sans que je puisse réellement retenir l'émotion que cette interrogation a suscitée chez moi. Je lui ai évoqué ce regret, je lui ai dit que je trouvais tout ça dommage. Mais le plus délicat, désormais, va être de me relancer dans la vraie vie. Celle où l'on cherche du travail. Où les places sont chères.

Oui, je range la cuisine, non pas au rayon des souvenirs, mais à celui des projets - un jour, peut-être. Mais avec mes deux pieds désormais bien ancrés sur la terre ferme, où vais-je? Je n'ai pas encore trouvé le chemin, et cette nouvelle lettre de refus me confirme que rien n'est acquis, même en "revenant à la raison".

vendredi 23 avril 2010

Entre vide et plein

"Bonjour, c'est possible de réserver une table pour ce soir?"

"Oui, bien sûr."

"Ah oui, et même si vous êtes un café pour les bébés, vous servez du vin, de la bière?"

"Oui, avec les repas, sans problème."

"Super, alors, on sera là pour 20h30."

Après une après-midi passée à me demander si je devais vraiment cuisiner de nouveaux plats ou pas, j'ai donc été rassurée par cet appel: ce soir, il y aurait du monde, pour sûr.

Et vas-y que je me lance dans les cannelloni ricotta-épinards, après les aubergines farcies finalement cuisinées plus tôt. Limite si je n'ai pas stressé qu'il n'y en ait pas pour tout le monde.

Vers 20 heures, j'ai bien vu trois personnes et j'ai songé qu'elles avaient juste un peu d'avance sur l'horaire. Ça m'allait bien, vu que personne, j'ai bien dit personne, n'avait franchi la porte depuis 13h (enfin, si, un fournisseur ma foi physiquement intelligent, je ne sais pas ce qu'ils ont dans la région, mais ils produisent du beau brun ténébreux en masse). Finalement, les silhouettes se sont éloignées. Fausse alerte.

Ensuite, le temps m'a semblé terriblement long. Les minutes se sont égrenées, les unes après les autres, jusqu'à 20h30. Et puis encore après. Ils m'avaient fait faux-bond. J'étais donc là avec des plats à ne plus savoir qu'en faire et je m'insurgeais déjà de l'incivilité de ces faux clients lorsque...

La sonnette a retenti. Ils étaient bien là, avec un léger retard, mais enfin, comment les blâmer? Et comme à chaque fois, la magie opère, on discute autour des recettes, on accroche et le sourire ne nous quitte plus. Oui, drôle de métier, décidément. Entre vide et plein.

jeudi 22 avril 2010

Vides... Les assiettes!

Du monde, un joli tourbillon, avec des familles, de jeunes mamans et leurs rejetons, plus ou moins directs ("J'aime pas les boulettes de jambon!" "Mais t'as pas goûté!" "Mais j'aime pas, c'est sûr"), des jeunes qui profitent de la terrasse, des copines, et surtout, surtout, des assiettes qui reviennent vides, satisfaisant mon ego culinaire et mon ego tout court; la journée a été pleine.

Résultat, à cette heure-ci, je jongle entre trois recettes pour demain, et je m'octroie ce break, ici, rapidement, très rapidement, histoire d'éviter de me coucher à 5 heures du mat.

Oui, Café Clochette était bien vivant aujourd'hui. Le comble dans tout ça, c'est qu'il n'a pas plu. Non, il y avait même un grand soleil sur Rennes. Comme quoi, la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain...

mercredi 21 avril 2010

Le vide et l'hypothèse de la cendre

J'étais fin prête, vous pensez bien, à l'heure du déjeuner. Aude, qui aide la cafelière au service, était là, elle aussi et nous avons donc fait connaissance. J'imaginais déjà la frustration de ne pas savoir qui elle était, consciente du ballet incessant des plats durant le coup de feu.

Tu parles.

La sonnette a retenti. C'était le facteur. Ah. Bon, c'est pas grave, c'est les vacances, les gens mangent plus tard, ils vont venir... Après, jusqu'à 13h30, plus rien. Avec Aude, on a donc pu disserter à loisir autour d'un makloubet et d'un coulant au chocolat, c'était sympa, certes, mais, comment dire, j'aurais imaginé ce premier midi un rien plus animé. Avec des clients, tout ça.

Je sais, je suis une grande rêveuse.

La sonnette a de nouveau retenti. C'était la livreuse de crêpes. Oh. Aude m'a donc laissée, pendant que je renonçais à me lancer dans de nouvelles recettes salées, me contentant d'enfourner les p'tits bonheurs sucrés.

La sonnette a une nouvelle fois retenti. C'était un type de la MJC, qui venait déposer des flyers. Oooooooh. Très physiquement intelligent, tu veux pas rester, monsieur, je te nourrirai de jolies choses... Il est reparti aussi vite qu'il est arrivé, sans entendre le fond de ma pensée.

Voilà, la journée a passé, sans client.

La sonnette a alors retenti. A 17h58, pour une fermeture à 18h. "Vous êtes fermés, c'est ça?" qu'elle me demande, la dame avec une poussette. Petite hésitation. "Oui, enfin, si vous voulez quelque chose, c'est toujours possible (allais-je ouvrir le compteur ? De toute façon, j'avais des madeleines au four, alors quitte à être présente, autant accueillir la cliente).

"Oh, tant pis, je repasserai en fin de semaine. Juste, j'ai un service à vous demander. Puis-je changer ma fille?"

Faites donc, madame, faites donc.

Autant vous dire que moi aussi, j'ai fait retentir la sonnette. Pour aller faire un tour et vérifier qu'aucune cendre volcanique n'était tombée sur la ville rennaise. Vous savez quoi? Les rues étaient bondées. Les rues ensoleillées, dois-je préciser.

Pourvu qu'il pleuve, demain.

mardi 20 avril 2010

J'ai rencontré Joe Pesci au Promocash ( ou comment un ancien infiltré est devenu pizzaiolo)

Ce matin, à peine arrivée au Café Clochette, je devais repartir. Juste le temps de jeter un oeil dans les placards, véritables cavernes d'Ali Baba recelant de mille trésors, et hop, direction Promocash.

OK, c'est pas super glamour. Mais parfois, on y fait les plus folles rencontres...

Il y a un truc auquel je ne me ferais jamais, dans ces grands magasins, ce sont ces &@#scrogneugneu de chariots lourds,forcément conçus par un homme (pour un homme donc, et pour montrer aux femmes, si besoin était, qu'elles ne sont pas issues du sexe faible pour rien. Bref). C'est un effort sans nom de le pousser correctement et surtout de rester digne dans l'épreuve. De fait, j'attirais rapidement les regards de cuistots mal lunés. Repérée, la débutante. Aucune chance de passer pour une restauratrice aguerrie.

Ce n'est pas ça qui allait m'arrêter. J'étais venue avec ma liste, je repartirai avec tout ce que j'avais noté, qu'importe les regards condescendants. J'en étais à ces réflexions pleines d'intelligence (et d'intérêt tout court, évidemment), le nez dans ma liste, à me geler au rayon crémerie lorsque j'entends un "hum". Ah, un ennemi se racle la gorge. Que me vaut cet honneur?

Je suis en plein milieu de l'allée, avec mon scrogneugneu de chariot et le monsieur veut passer. Je bafouille une excuse de fille qui vient d'atterrir de Mars (j'étais dans la Lune, c'est assez voisin) et le monsieur semble surpris.

"Ah, c'est marrant, vous souriez."

Le type, visiblement, n'a plus vu des canines depuis un moment.

"Non, j'dis ça parce que d'habitude, quand je demande à quelqu'un de se ranger, il me crie dessus en me disant de ne SURTOUT pas sourire."

Ça y est, le flash: c'est le sosie de Joe Pesci. Sa façon d'imiter les méchants s'avère convaincante, j'en frissonne (à moins que ce ne soit la température glaciale de la crémerie. Je comprends mieux pourquoi ils se baladent tous avec de grosses doudounes moches, maintenant. Cela dit, ça ne justifie pas les poches, cousues sur tous les côtés).

Content de son effet, il se lâche: "Ici, les gens sont agressifs. Ils croient quoi, eux? Que je viens ici pour le plaisir? En tout cas, j'aime bien faire les courses parce que j'adore mon métier."

Il dit ça en hurlant, un peu à la De Niro dans Raging Bull. J'ai peur. Je veux m'enfuir, mais il me barre la porte de sortie de la crémerie. Et en plus, j'ai pas fini mon plein.

"Hum, tant mieux, hein. C'est vrai que certains restaurateurs finissent par être blasés". J'ai osé. Je vais m'en manger une, de sa grosse paluche - amputée de deux phalanges, la Famille a pas dû apprécié quelques trahisons de sa part.

Pourtant, il me regarde et là, comme ébloui (je sais, je fais souvent cet effet... aux bêtes sauvages), se rapproche de moi. Je crois qu'il a envie de me serrer dans ses bras.

Je me colle direct contre le rayonnage du lait. C'est froid.

"C'est exactement ça! Plus personne n'a la flamme, ils croient que le client va arriver tout cuit, mais c'est fini, ça!

En fait, c'est ça, il ressemble à Joe Pesci mais parle comme De Niro.

S'ensuit alors une conversation surréaliste entre ce cuistot - 35 ans de métier, d'où l'inévitable-vous-savez-c'est-dur-la-restauration - et moi, jeune égarée dans ce monde définitivement pas fait pour moi, trop masculin, trop intimidant. A moins que sa carrure de déménageur ne m'influence un rien. Étrange homme, qui me raconte ses ennuis judiciaires, son ancien restaurant, sa nouvelle activité - il est pizzaiolo ambulant.

Avant de planter ses yeux bleus dans les miens pour me raconter que son frère est le préféré de sa maman, alors que c'est lui qui était au chevet de son père malade. Ou qu'il n'a jamais levé la main sur ses enfants - enfin, si, une fois, "ma fille avait trois ans, elle ne s'est jamais avisée à recommencer." Il mime le geste. Je ne me serais pas aventurée non plus.

Dans mon esprit, j'alterne entre "c'est un gros beauf" et "il est moins con qu'il en a l'air. Serait même touchant, cet idiot." Je suis décontenancée, j'avoue, par ce drôle de personnage, et pas seulement parce que j'ai l'impression de côtoyer Joe Pesci.

Je le laisse parler, et puis, d'un coup, il me demande ce que je fais là. Ce que je fais là, dans la crémerie, à frôler l'hypothermie? Ou ce que je fais là, à Promocash, et donc dans la vie? Je lui résume la situation, envie de créer un lieu de vie convivial, blablabla, formations et stages, compromis de vente, blablabla et les refus bancaires.

"Vous vous êtes pris une sacrée claque, hein?"

En tout cas, j'aimerais pas en prendre une de toi, monsieur, là.

"Non, parce que ça se voit. Je suis psychologue, vous savez, et lorsque je vous ai vue dans le rayon, j'ai bien compris que vous n'étiez pas à votre place ici. Vous êtes trop intellectuelle."

Alors celle-là, on ne me l'avait jamais faite.

"En fait, si personne ne vous a suivie dans votre projet, c'est qu'ils n'ont pas eu confiance en vous. C'est vous, le problème."

Le pire, c'est qu'il assène cela sans méchanceté aucune. Il poursuit alors sur son expérience, lui le cuistot de métier, ayant tout connu, les hauts dans son établissement, les bas ensuite, et puis la chute, le changement de manoeuvre. Comme un ancien infiltré de ce milieu qu'il semble détester - mais à qui il appartient bel et bien, ne serait-ce que par certains tics ou sa tenue et son langage - il s'est repenti, a connu mille et une misères et, de guerre lasse, a pris un camion et s'est transformé en pizzaiolo.

Il se rapproche de moi, puis s'éloigne et ne cesse pas ce troublant va et vient. A vrai dire, j'ai rarement rencontré une personne aussi directe et cash. Il se met à insulter Sarkozy, les pontes du Conseil Général et autres collectivités, avant de s'en prendre aux banquiers, chuchote puis crie "ENC..." comme s'il avait envie que l'ensemble du magasin l'entende (mais les voies de la crémerie, sans être impénétrables, sont closes).

Il raconte comment, lui, définit ses règles, en mimant une fantaisiste scène avec la DSV. J'imagine déjà les inspecteurs ligotés dans le coffre, en attendant qu'une âme charitable les délivre de leur terrrible sort. Trêve de fumisterie, il revient sur mon projet, me donne des conseils et son numéro de téléphone.

Je suis gelée. Lui repart avec le sourire, après un dernier avertissement sur "la pègre" qui règne dans certaines villes. Je précise que je ne me suis pas fait draguer par le clone de Joe Pesci. Non, je crois qu'il a simplement trouvé la seule personne, dans ce magasin, à ne pas faire la gueule, naïve que je suis.

La prochaine fois que je vais chez Promocash, je mets mon masque. Question de crédibilité.

lundi 19 avril 2010

Trois chats, des poissons et un Café Clochette

J'avais un rêve, fut un temps, celui d'ouvrir un restaurant. De mitonner des p'tits plats et d'accueillir du grand, du petit, du joyeux, du stressé, du bobo, du babos, des clients lambda et des originaux...

Enfin, vous voyez le genre.

J'avais donc un rêve, ajourné, va-t-on dire, parce que la crise, le diplôme manquant, les sachants, tout ça, je ne vais vous refaire la génèse de ce plan avorté (vous avez vu, je n'ai pas parlé d'échec? Je mûris, je mûris, non?), si vous lisez ce blog depuis un moment, vous saurez de quoi je parle.

Et pourtant, dès demain, attention, roulement de tambour, j'investis une cuisine - une vraie -pour mitonner des p'tits plats dans un restaurant - un vrai.

Et toute seule, en plus.

Comme une grande.

Parce que, voyez-vous, j'ai trouvé une personne encore plus tordue que moi qui, non contente de m'avoir accueillie une semaine avec quelques commages collatéraux au passage (RIP, la plaque de cuisson), m'a offert un contrat de travail - un vrai, c'est dingue - d'une semaine, pour la remplacer aux fourneaux pendant qu'elle va passer quelques jours de repos bien mérité, loin de la Bretagne.

Et en plus, j'ai eu carte blanche pour établir les menus. Elle est tordue, je vous dis, la cafelière. Attention, je ne me plains pas, perso, ça m'arrange, une telle confiance. Elle m'a même confié ses trois adorables chats et ses poissons.

Comme la cafelière l'a déjà annoncé ici, je pars demain au Café Clochette, avec en poche ma liste de recettes (et de courses à faire) pour éviter la panne sèche, une fois sur place. Avec mon sens de la mesure habituel, j'avais prévu une bonne quinzaine d'entrées, de plats et de desserts.

Euh, Steph, tu y vas une semaine, pas un mois (plus ça va et plus je me parle toute seule, ça me donne l'illusion de converser avec quelqu'un de plus dingue que moi).

Donc, il y aura de la kefta, de l'osso bucco, du poulet coco-vanille, du crumble tomates-oignons, de la tarte à la menthe-feta et des verrines tomates-kiwi, du moelleux au chocolat, du tiramisu aux framboises et pistache, des fraises poêlées au basilic et sa brioche perdue etc etc. Ah, pardon, peut-être avez-vous déjà mangé et je ne voudrais pas vous écoeurer. Mais en tout cas, j'ai de nouveau perdu la notion du temps pendant que je notais cette sélection de recettes et j'avoue, ça ne me déplaît pas.

Pour la suite, ça devrait être sur ce blog, mais si vous avez envie de me suivre, vous pouvez aussi tenter votre chance ici. Bah oui, j'aime bien me dédoubler (l'impression de côtoyer quelqu'un de plus dingue que moi, tout ça). Allez, cauchemar en cuisine, c'est parti!

dimanche 18 avril 2010

Eloge aux beaufs anonymes

Du gogo en short, de la grosse dame en T-shirt moulant, du monsieur qu'a pris du rab' à la cantine, il y avait de tout, aujourd'hui, au bord de la route. Une dame en rose, poitrine en évidence, y allait de son salut, un môme présentait sa main, les mamies, prévoyantes, avaient songé au fauteuil de camping et même les jeunes du coin s'étaient réunis, assis sur leur mob'.

Oui, un p'tit air des Bidochon avait envahi les trottoirs. C'était même carrément la fête au village, avec une excitation palpable et les regards tournés vers le bitume.

Nous avons donc traversé cette voie, entre Sarthe et Orne, un rien étonnés de cette haie d'honneur. Mais qu'attendaient donc tous ces badauds, petits bouts de chou ou grands dadais, rougis par les premiers rayons du soleil? Pourquoi étaient-ils tous là, à faire le pied de grue, au lieu d'aller se dorer la pilule dans le jardin?

Un coup de klaxon. Nous avons regardé derrière nous. Une meute de motards est arrivée à notre hauteur, sous les hourras du public en transe.

C'était bien ça. Les gens, là, en plein revival du Tour de France, étaient venus voir et saluer des motards. Pas des motards de compet', hein, non, des... anonymes, qui quittaient simplement Le Mans et ses 24heures moto, à la fin de la compétition. Devaient bien rigoler dans leur moustache, de se voir ainsi salués.

Autant vous le dire, le spectacle était sur les trottoirs, bien plus que sur la route. Comme disent les djeunes, MDR.

vendredi 16 avril 2010

La routine

J'étais de mauvais poil, hier, un truc de malade. Du genre à rabattre le caquet d'une télé-opératrice un peu trop zélée ("ok, je vous rappellerai quand vous serez moins speed", a-t-elle osé. Non mais je vous jure), insulter le lit qui m'avait abîmé l'orteil ou mon vélo qui, en tombant, m'a écrasé le pied (vous remarquerez que c'est toujours quand l'humeur est maussade qu'il nous arrive des misères. Comme quoi, Lorie avait raison - Raffarin, aussi, d'ailleurs, mais ça me tue de l'écrire -, la positive attitude, c'est vachement plus sain).

Je ne vous explique même pas la collision avec Loulou sur son vélo, sinon que je l'ai vécue comme le coup de grâce.

Grrrrrrrrrrrr.

Un énooooorme hématome - et un ultime coup de gueule de môman énervée - plus tard, j'essayais de faire le vide. C'était d'autant plus facile que loulou choisit ce moment pour me balancer un ballon de foot, récemment regonflé, en plein visage.

Ça remet les idées en place.

Là, je me suis dit que les vacances at home, ça allait bien cinq minutes mais qu'il était temps de voir de nouveaux horizons. Puisque la République Dominicaine n'est pas dans mes cordes, actuellement - une histoire de priorités, tout ça - et que l'heure n'est pas plus à la procrastination, je me suis rassurée en pensant à ce qui m'attendait dans quelques jours.

Il est question de travail, d'autonomie, de casser la routine, aussi.

Allez, je vous laisse imaginer ce que je vais bien pouvoir faire de ma peau la semaine prochaine. Pendant laquelle j'espère juste ne rien casser.

Sinon la routine, vous disais-je.

jeudi 15 avril 2010

Zeste kafkaïen, suite (et fin ?)

"Bonjour, je suis auto-entrepreneur, blablabla, alloc squizzée, blablabla, chiffre d'affaires et bénéfices, blablabla, erreur de calcul, blablabla..."

"Ah, mais ne vous inquiétez pas, dès que l'on aura reçu votre attestation (que j'ai déjà envoyée il y a une dizaine de jours, mais visiblement au mauvais endroit - suivant la consigne de mon conseiller), on pourra régulariser votre situation."

Un quatrième son de cloche, ça fait plaisir. Ils sont sur la même longueur d'ondes, à Pôle Emploi, on sent une forme d'osmose assez incroyable, y'a pas à dire (pas taper, Mumu, pas taper. Je sais qu'il existe des conseillers émérites, reste iciiiiii!).

"Et sinon, deux choix s'offrent à vous: soit vous continuez de percevoir vos allocations, soit vous touchez le capital restant (le fameux coup de pouce)."

" Dans mon cas, je préfère garder les allocations, car je suis en fin de droits."

Un blanc.

"Ah mais non, vous n'êtes pas en fin de droits, vous êtes indemnisée jusqu'en novembre!"

" Ben oui, c'est bien ce que je dis, pour moi, je suis en fin de droits."

" Ah, mais non, on parle de fin de droits pour les gens dont les paiements vont cesser en avril, par exemple. Vous, vous avez le temps!"

Me voilà plus sereine, d'un coup. Ça va alors, pourquoi je m'inquiète, aussi?

mercredi 14 avril 2010

En dilettante

Le dimanche soir, lorsque je prépare la pâte à cannelés, je songe à la semaine qui s'annonce, tout en fouettant les ingrédients. Je songe à ce qui se passerait si je faisais ça, pour de vrai. Ça me fait sourire.

Le lundi, lorsque j'attaque la confection des madeleines et les macarons, postée derrière ma fenêtre (Tété, sors de ce corps), j'observe les pas saccadés des piétons, traversant la rue d'en face. Contraste saisissant avec l'ambiance paisible qui règne chez moi. Impression d'être dans ma bulle, pendant que les autres vivent, travaillent, s'activent.

Ah, c'est vrai, moi aussi, je m'active. J'ai même un beau tablier enfariné qui l'atteste.

L'après-midi, lorsque les cannelés sont au four et que je garde le téléphone près de moi, prête à composer le 18, je peste contre l'odeur qui envahit l'appartement et j'allume des bougies à tout va. Mais le soir, lorsque tous ces petits gâteaux sont dans leur boîte, rangés dans la housse isotherme, et que la cuisine est propre et rangée, je savoure cette sensation du devoir accompli.

Le mardi matin, lorsque je vais livrer ma fournée hebdomadaire à mon unique cliente, j'aime enfourcher mon vélo (moins remonter le boulevard, saleté celui-là, on n'a pas idée d'inventer des côtes pareilles), puis rentrer dans le restaurant, discuter avec la boss, quelques minutes, pendant qu'elle range les gâteaux dans les bocaux. La crise, les enfants, l'école, le restau, les solutions, les petites contrariétés et bonheurs quotidiens, on aborde tout et rien, entre légèreté de ces conversations sans calcul et gravité de certains sujets.

Le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi, je reviens invariablement dans ma cuisine, pour y mitonner les plats du quotidien, bien sûr, mais aussi pour imaginer ce que je pourrais concocter et vendre. J'ai rangé mes classeurs de recettes, et puis je les ai ressortis. Je continue de découper de nouvelles promesses culinaires dans les magazines. Non, je ne me lasse pas de hanter les rayons cuisine des librairies et d'acheter, encore, des moules en silicone... Tout en ayant l'esprit tourné vers un "vrai" travail. Du genre stable et rassurant.

Le dimanche matin, je vais au marché et, parfois, je croise de nouveaux étals. Il y a des traiteurs -chinois, marocains, que sais-je encore - et puis, la semaine passée, une nouvelle fleuriste. Quelques cagettes placées, ça et là, un escabeau, du joli papier et de chouettes compositions, j'ai été séduite. Nous avons un peu discuté. C'était sa première fois sur ce marché et, pleine de doutes, elle était contente d'avoir un retour positif.

Là, je me suis dit que, quand même, c'était dommage de sacrifier "Ma p'tite madeleine", ma micro-entreprise. Peut-être, finalement, y avait-il moyen de creuser un peu. Pourquoi ne pas persévérer dans la voie des "douceurs maison"?

Mais oui, pourquoi?

Ah oui, j'oubliais. Je ne suis pas censée vendre aux particuliers, à moins d'investir dans un labo. Or, j'ai zéro bénéfice financier, pour l'instant, à poursuivre l'aventure et je suis limitée dans son développement, car non diplômée toque +12.

Je me mets des freins? Euh, là, je vous assure qu'à force de me prendre des claques de tous les côtés, de passer par la fenêtre, voire la cheminée, pour tenter d'entrer, coûte que coûte, dans la grande maison du commerce culinaire, je navigue aujourd'hui entre lassitude, découragement et résignation.

Et pourtant. A chaque fois qu'une personne croque dans l'un de mes p'tits gâteaux, j'ai comme la sensation de ne pas être passée loin (je serais pas un poil prétentieuse, moi, d'un coup? Ah non, c'est vrai, il faut croire en ce que l'on fait).

Lorsque la restauratrice me demande si je vais cesser l'activité, au vu du bénéfice nul, je ne parviens pas à trancher.

Lorsque mon interlocutrice de Pôle Emploi me conseille de me radier du statut d'auto-entrepreneur, je n'en fais rien.

A la place, de façon impulsive, je vais distribuer des cartes aux couleurs de ma p'tite "boîte", me promettant intérieurement de gérer l'activité en dilettante.

Allez comprendre.

mardi 13 avril 2010

Un zeste de Kafka, la suite

Téléphone, ce matin (je sais, j'ai une vie palpitante)

"Bonjour, madame bip de l'agence bip de Pôle Emploi."

Mince, elle a lu mon blog (séquence mégalo), elle veut me faire la peau (séquence parano).

"Je vous appelle suite à votre courrier (rédigé après ma visite de la veille à l'autre agence -l'agence A, va-t-on l'appeler - vous suivez?)"

"Première question, nous avez-vous envoyé votre déclaration d'auto-entrepreneur?"

"Je l'ai envoyée à Evreux (centre d'indemnisation, il me semble), comme m'avait indiqué de le faire le conseiller de l'agence A."

"Ah mais non, mais c'est pas possible, ils feraient mieux de se taire, ceux-là. Ils n'y connaissent rien en indemnisation!"

"Euh, c'est aussi ce qu'il m'a fait savoir."

" Donc, pourquoi vous donnent-ils des informations erronées? Ils feraient mieux de ne rien dire!"

Tu l'as déjà dit, madame. Je sens un rien de frustration dans ta voix, cordiale au demeurant.

"Donc, il faut nous envoyer à nous (agence B, vous suivez toujours?) le récépissé de l'INSEE, comme quoi vous êtes bien auto-entrepreneur."

C'est marrant, je sens le coup de semonce.

...

Je sens bien.

" Sinon, vous n'avez pas fait d'erreur, il fallait bien déclarer votre chiffre d'affaires."

" Même si mon chiffre d'affaires n'est pas mon bénéfice et que, donc...

"Oui, je sais", qu'elle m'interrompt.

"J'ai bien perdu de l'argent à travailler, c'est ça?!"

"Oui, je sais", qu'elle répète, compatissante. "C'est absurde mais le règlement est le même pour tout le monde. Les auto-entrepreneurs déclarent leur chiffre d'affaires, peu importe qu'ils ne tirent pas de salaire. On considère qu'on leur donne un coup de pouce, pour lancer leur affaire, en continuant de leur verser une partie de leur allocation."

Ah, c'est ça. Un coup de pouce. C'est marrant, je n'envisageais pas la chose ainsi.

lundi 12 avril 2010

Toujours ce zeste de Kafka...

En préambule, ne voyez en ce post aucun règlement de comptes envers l'administration française. Je n'ai rien contre Pôle Emploi, j'ai conscience de la difficulté de la tâche et de l'imbécillité de généraliser. Donc, on ne sort pas les kalachnikov, right?

Vendredi, j'avais envoyé une lettre de motivation à un quotidien et j'étais aux aguets. Il était évident que ce journal, en proie à un plan social, allait m'accueillir les bras ouverts. Il ne faisait aucun doute qu'ils n'attendaient qu'un mot de ma part pour me dérouler le tapis rouge. Donc lettre le matin = coup de fil l'après-midi.

Comment ça, c'est pas réaliste?

En tout cas, lorsque le téléphone a sonné, quelques heures seulement après l'envoi de mon mail-"engagez-moi, engagez-moi", je n'ai pu réprimer un sursaut et j'ai senti mon coeur s'emballer.

Ou peut-être étais-je victime d'un début de tachycardie?

Quoi qu'il en soit, j'ai répondu. C'était une voix d'homme et il ne voulait ni me refourguer un abonnement, ni me vendre une cuisine. Bien. Mais il n'appelait pas non plus pour répondre à ma candidature spontanée. Oooooh, la déception.

Et pour cause, c'était le conseiller de Pôle Emploi (peut-être devrais-je dire "MON" conseiller mais avec un portefeuille individuel de 200 demandeurs d'emploi, ou peu s'en faut, ça me fait rentrer illico au sein d'une famille nombreuse, et un rien de la loose, quand même, alors je vais conserver cette neutralité). Cet employé gentil, un rien dépassé, aussi, issu de feu l'ANPE et qui ne sait plus où il habite dès que l'on évoque les chiffres.

Le conseiller, donc, m'a expliqué la situation:

"Nous avons besoin de clôturer votre dossier concernant votre EMT de novembre dernier au Café Clochette. Il manque une pièce, que la restauratrice aurait dû envoyer."

"Et?"

" Eh bien, il faudrait qu'elle renvoie ce document."

Jusque-là, ça se tient. Y'a juste un truc qui me chiffonne. Pourquoi il n'appelle pas la personne concernée? Je lui ai donc répondu :

"Peut-être le mieux serait-il de lui demander directement?"

Un blanc.

"Ah, bah oui"

La connexion a été établie.

"Enfin, je sais pas, ça me semble plus logique ainsi, non?"

Re-blanc. On a reperdu des neurones.

"Bah, c'est que j'ai pas son numéro."

Il dispose du nom de la gérante, de son adresse exacte, mais il n'a pas son numéro. J'oubliais que Café Clochette est ravitaillé par les corbeaux (pensez donc, les lignes téléphoniques ne vont pas jusque dans le centre de Rennes) et qu'il n'existe aucun service de renseignements dans notre pays. J'aurais pu prendre pitié de ses efforts désespérés, lui qui n'a visiblement aucune envie d'appeler une dame qu'il ne connaît pas, dans un département voisin, qui plus est. Mais non. Dans ma grande mansuétude, je lui ai néanmoins donné les coordonnées exactes.

"Bon, bah, merci", qu'il m'a dit, penaud...

" Attendez, je profite de vous avoir pour vous demander une précision... Auto-entrepreneur, blablabla, déclaration d'un chiffre d'affaires, blablabla, qui n'est pas mon bénéfice, blablabla, alloc réduite ce mois-ci alors que j'ai travaillé, blablabla, ça vaut le coup de se remuer, on perd de l'argent, blablabla, je suis un rien dégoûtée, blablabla..."

Assommé, le conseiller réagit néanmoins:

"Il ne faut pas être dégoûtée, ça coûte toujours de l'argent de...

"Travailler?"

J'ai un mauvais esprit, décidément.

"Oui, enfin non, enfin, les premiers mois, forcément..." Il bafouille, s'emmêle les pinceaux. "Venez à l'agence, on vous expliquera comment faire à l'avenir."

" Mais vous ne pouvez pas me le dire, maintenant?"

"Ah bah non, je suis pas de l'indemnisation, moi, je peux pas vous dire."

C'est quand même lui qui m'avait indiqué de surtout bien déclarer mon chiffre d'affaires, le mois dernier. Je crois que le pauvre ne se fera jamais à l'idée que sa société a fusionné avec les ASSEDIC et qu'il doit maintenant tenter de comprendre de quoi ça cause.

"Venez lundi, d'accord?"

Un coup d'oeil à ma montre. Il était 14h30. Ah, oui, je comprends, le week-end, tout ça.

Ce matin, je suis allée à l'agence. On m'a indiqué que je devais écrire un courrier résumant ma situation - mais je suis sur place, là, c'est pas possible de traiter tout ça directement? Non, c'est pas possible. Je devais donc rentrer chez moi, rédiger une lettre et l'envoyer ici même, donc.

Ah non, plutôt à une autre agence, me précise finalement la dame, contredisant ainsi les propos du conseiller.

Bah oui, ce serait trop simple, sinon.

Vivement que je change d'employeur, tiens. Ça devient épuisant.

dimanche 11 avril 2010

Loulou est un autre

A l'entrée de la médiathèque, j'appelle mon fils - qui patine, tel le Loup de Tex Avery, devant le distributeur de friandises - pour qu'il me rejoigne.

"Tu viens, Loulou?"

Surpris, il affiche un grand sourire. "C'est à moi que vous parlez?"

"..."

" J'adore lorsqu'on m'appelle Loulou."

Il est un monsieur d'une bonne soixantaine d'années. Avenant, certes, mais comment dire, ça va pas être possible.

Je me suis sentie seule, d'un coup, mais seule...

vendredi 9 avril 2010

Un an

C'était un jeudi. Le même soleil illuminait la journée. Simplement, le printemps avait pointé le bout de son nez plus tôt. Peut-être, aussi, étais-je d'humeur primesautière. En tout cas, j'étais à la fois excitée et un rien inquiète de remplir le cadre.

Aujourd'hui, "lamouettecuisine" a un an.

L'idée de créer un blog m'avait séduite, pour avoir participé de façon très, très furtive, à un autre et avoir alimenté tout aussi brièvement le site de "Bip Bip magazine". Fallait-il pour autant raconter des pans entiers de sa vie, se rendre vulnérable en contant ses hauts et ses bas, en partageant des émotions somme toute très personnelles? Je n'ai pensé à rien de tout cela en cliquant sur "publier le message". J'avais juste envie.

Les premiers commentaires venaient de personnes que j'avais pu côtoyer dans ma vie d'avant, qui restaient des proches, pour la plupart, ou bien quelques âmes qui ne connaissaient de moi que ma signature à la fin des articles, m'encourageant à donner plus de moi-même.

Puis, à ma grande surprise, sont venus, régulièrement, très régulièrement, de nouveaux lecteurs dont les plus assidus, Anne et L'oiseau, continuent d'alimenter les commentaires - un immense merci pour leur soutien sans faille et leur fidélité, j'en reste bluffée.

En ouvrant ce blog le matin, j'ai parfois regretté de ne pas avoir plus d'échos extérieurs, mais je comprends aujourd'hui, à la lecture des posts, que les sujets ne donnent pas forcément matière à intervenir. Que tout ceci est très personnel. Que les lecteurs préfèrent en parler de vive voix, lorsque l'on se croise dans la vraie vie, plutôt que de laisser un p'tit mot ici. C'est comme ça.

Je l'ai déjà écrit mais je le répète: ce blog m'a permis de prêter plus d'attention à mon environnement. L'envie de partager la moindre anecdote, le petit hic du jour ou le grand bonheur d'un instant, tout ça m'a ouvert les yeux. Et l'appétit. Au fur et à mesure que les mois passaient, j'envisageais de plus en plus d'utiliser la matière de ce blog pour la mixer et écrire une nouvelle histoire, celle d'une création d'entreprise avortée.

C'est dans cette optique que j'avais entamé, depuis hier, la lecture complète de ce blog. J'avoue, je ne suis pas parvenue à tout reprendre - 298 posts, parfois décousus en outre, la tâche s'avérait trop lourde, à croire que je me fatigue moi-même - mais je suis heureuse, aujourd'hui, d'avoir gardé une trace de tous mes espoirs et désillusions. De ce parcours qui me semble si lointain, et pourtant si proche de ce que j'avais envisagé.

En relisant les lignes, je revoyais le dormeur, le maori, ma copine Blandine qui a réussi à ouvrir son commerce, la cafelière, Yvonic, Florence et les autres, la fronceuse de sourcils, le cuistot physiquement intelligent, le forçat toqué et tous ces personnages qui ont émaillé cette année.

J'ai repensé à toutes ces rencontres, aux opportunités incroyables que j'avais connues. J'ai pu passer du temps en cuisine, avec de vrais pros (oui, Pascale, je parle de toi, notamment), vivre grandeur nature mon rêve - de façon infime mais incroyable - au Café Clochette. Je me suis coupée, brûlée, j'ai ri, j'ai pleuré, j'ai été envahie par la colère et la joie. J'ai rêvé, je me suis effondrée, suis repartie au combat, j'ai trébuché de nouveau, j'ai découvert un univers qui m'était totalement étranger.

Je me suis parfois sentie une autre.

Oui, j'ai vécu la vie d'une autre et je bénis ce jour où je me suis enfin lancée dans l'écriture de ce blog, si modeste soit-il. Car si je me demande avec quelle matière je vais bien pouvoir l'alimenter, désormais, maintenant que tout ça est derrière moi (ou presque, j'en ai une dernière pour la route, je vous raconterai), au moins mon bébé témoigne-t-il de ce que j'ai vécu.

C'était pour de vrai.

Sincèrement, en le parcourant, j'y ai perçu pas mal de naïveté, notamment dans les premiers mois. Des tas de croyances se sont écroulées, depuis, mais je ne veux pas être blasée. Je vais tracer ma route, je ne sais comment, mais j'entends bien garder cette envie d'apprendre, d'observer.

Et de raconter.

jeudi 8 avril 2010

L'autruche a-t-elle les yeux plus gros que le cerveau?

Désespéré devant l'assiette à moitié remplie, mon papi me disait toujours, en soupirant : "tu as les yeux plus gros que le ventre".

Il n'avait pas tort. Et je ne parle pas là uniquement de gourmandise culinaire. Pleine d'entrain, j'entreprends toujours dix mille choses mais je finis par m'essouffler. Et je me demande si parfois, je ne me vois pas plus capable que je ne le suis (esprit masochiste, sors de ce corps).

Prenez aujourd'hui, par exemple. J'avais prévu d'aller courir. Et puis d'écrire quelques lettres de motivation, mais aussi d'écrire tout court. Bon, les lettres sont bel et bien rédigées, mais de là à les envoyer, voyez, j'ai d'autres choses sur le feu, je peux pas tout faire. Quant à courir, cette histoire de me mettre derrière l'ordi m'en a ôté l'envie (mais pas le besoin, allez comprendre).

Écrire tout court? Oui, d'autant que j'avais une idée derrière la tête, dans l'optique du post de demain (vous comprendrez pourquoi en le lisant). Sauf que j'ai songé que, bêtement, à ce rythme, je n'aurais toujours pas actualisé ce blog aujourd'hui si je ne m'y attelais pas rapidement. Vous me direz, rien ne m'oblige à écrire un laïus quotidien. Certes. Mais comme j'ai les yeux plus gros...

Donc, n'ayant rien d'extraordinaire à vous raconter (les journées à la maison, l'ordi sur les genoux et les quinze litres de thé ingurgités, ce n'est pas franchement inspirant), je suis allée piocher dans les requêtes des internautes, un désormais classique de cet espace.

Autant vous le dire, y'a du maniaque sur la toile. Beaucoup cherchent en effet "l'éponge magique" (serait-ce pour effacer les "taches au cerveau de la mouette"?) et s'interrogent sur le "métier de poubellier", sachant que "le poubellier du Havre" réalise une belle progression dans les requêtes mensuelles, cités à trois reprises, tandis que celui de Paris enregistre son entrée.

Sans doute est-ce la recrudescence de sales bêtes dans les rues ; certains en font même des cauchemars. "Signification d'un rêve où il y a beaucoup de cafards", demande une personne, sans doute influencée par l'odeur nauséabonde qui envahit imperceptiblement notre beau pays, ces derniers temps.

Si cela la perturbe trop, j'aurais envie de lui suggérer de prendre du Lexomyl, requête redondante. "Le lexomyl m'a fait du bien", témoigne d'ailleurs un ancien angoissé. Même ordonnance pour cette femme face à l'épreuve du temps, qui a tapé: "ride du lion et pleurs." A moins que ce ne soit le mari, cherchant à rassurer sa tendre et chère, qui ait cherché une réponse sur la toile. Un romantique qui, loin d'espérer que sa douce lui fasse un "stritise" ou lui raconte une "istoir débil", l'assure: "en français, je saurai toujours attendre cette belle nuit à deux." "Tu manques à ma peau", poursuit-il.

D'autres s'avèrent moins... poétiques et réclament toujours de la "fille gothique nue", voire de la "femme a poil a linsep" (toujours plus savoureux avec les fautes). Est-ce du "bonhomme rouge méchant rond" qui souhaiterait, à corps et à cris, de la "soupe de veau" - ça existe donc, ce truc? Et qui peut bien s'enquérir des "fesses de Cosette"? D'ailleurs, s'interroge un autre, "comment est-elle, Cosette, physiquement?"

Physiquement intelligente?

Devant tant de questions n'ayant aucun rapport avec la choucroute, je serais tentée de rire, simplement, et d'ignorer que la majorité de mes nouveaux lecteurs (de passage, j'ose supposer) sont un rien détraqués. Oui, je pourrais faire l'autruche. Mais, même ça, ça risque de me jouer des tours. En témoigne cette question hautement existentielle: "L'autruche a-t-elle les yeux plus gros que le cerveau?"

S'il parle de moi, celui-là, j'aimerais autant pouvoir affirmer que non. Après tout, mon papi le disait bien : J'ai les yeux plus gros que le ventre. Point.

mercredi 7 avril 2010

Dangereux pour les adultes

Je parlais hier de ma stupeur devant le spectacle de ces trois enfants sortant d'une séance de "Tête de Turc". Je dois vous avouer un truc: j'ai peut-être outrepassé leur capacité d'imagination. Peut-être que tout ça va glisser sur eux instantanément. Peut-être ont-ils la chance de ne pas laisser leur cerveau se troubler pour "si peu".

Eux.

Non, parce qu'après avoir vu "Dragons" avec loulou, la semaine passée, où l'un des protagonistes perd une jambe, j'ai rêvé que mon loulou avait été... amputé. Des deux jambes.

Affreux.

Faut que j'arrête de regarder les dessins animés, moi.

mardi 6 avril 2010

Têtes blondes pour une tête de Turc

La femme se bat, vaille que vaille, pour sauver sa peau et celle de sa famille.

Le garçon, qui a quand même fait une sacrée boulette, se laisse envahir par la culpabilité mais ne parvient pas à se dénoncer.

La victime, douce et circonspecte (ah, Pascal Elbé, un acteur/réalisateur plutôt physiquement intelligent, tiens), n'arrive pas à en vouloir à son bourreau.

Le flic, teigneux, n'en finit plus de courir après le même bourreau, sentant là qu'il tient l'occasion de prendre une revanche sur le passé.

"Tête de turc" est un film cash, sans concession. C'est un choc. Au début, j'en ai eu la tête qui tournait- la caméra à l'épaule, je suppose. Et puis, je me suis sentie oppressée, n'osant envisager le final. Oui, c'était violent, prenant, réaliste, dur.

C'est là que j'ai entendu une toux. Enfantine, la toux.

Mon imagination, bien sûr.

Quand la lumière est revenue dans la salle, nous avons vu, au premier rang, trois têtes blondes. Entre six et neuf ans, tout au plus.

J'ai regardé les parents. Le pire, c'est qu'ils semblaient tout ce qu'il y a de plus "normal". Ils ont juste eu l'idée d'amener leur progéniture voir une oeuvre noire, une tragédie banlieusarde, sans doute parce que... c'était mardi soir et que demain, y'a pas école ? Qu'ils avaient déjà vu tous les dessins animés à l'affiche? Qu'ils voulaient les empêcher de voir la Nouvelle Star?

Pff, je suis à cours d'idées, pour le coup.

Je sais, c'est pas beau de juger. N'empêche. Je me dis qu'il y a des gens vraiment dingues, parfois.

Comme si l'absurdité n'épargnait personne...

lundi 5 avril 2010

Retour aux affaires

Bon, c'est bien beau de déprimer, de se sentir noyée et de perdre pied, mais il faut bien remonter, un moment donné, histoire de respirer, vivre, tout ça.

J'ai donc donné un grand coup de pied au fond - parce que là, je le sentais bien, que j'avais atteint une sorte de fond - et tout naturellement, je suis remontée.

Comment j'ai fait? Ben, j'ai pas fait, justement. J'ai seulement procédé à une sorte de black-out total sur ma situation actuelle, limite l'autruche-qui-finit-par-y-croire-que-le-trou-c'est-vraiment-THE-solution.

Je me suis laissée vivre et dorloter.

J'ai essayé de ne pas trop réfléchir, d'anesthésier ma voix interne à coup de retour sur les lieux de l'enfance, lorsque les souvenirs d'antan, soudain idéalisés, vous font oublier temporairement la cruauté de l'existence et les questions à trois balles sur l'intérêt de vivre, justement.

Appelez ça comme vous voulez: une envie puérile de régression, ou la faiblesse de croire qu'en retournant dans les jupes de môman, on va retrouver cette sérénité qui manque tant.

Autant vous le dire: ça marche. Rien n'a changé et pourtant, comme ressourcée, je sens cette bouffée en moi, cette envie de repartir au combat. Je ne me suis pas réveillée l'optimisme chevillé au corps, ce matin, mais enfin, les lourds nuages s'estompent doucement et laissent entrevoir une discrète éclaircie.

Cyclothymique, moi ? Naaaaan, pensez donc.

jeudi 1 avril 2010

Un drôle d'encouragement

Je savais combien la politique du retour à l'emploi pouvait s'avérer un rien particulière en France, parcourant des chemins parfois tortueux. Lorsque je me suis déclarée auto-entrepreneur, je me doutais bien que je ne mettrais pas vraiment de beurre dans les épinards, mais enfin, je pensais au moins maintenir le même "pouvoir d'achat" (un terme très tendance, il y a encore peu). En général, travail = un peu de sous.

Sauf que mon chiffre d'affaires n'est pas mon bénéfice. Et la totalité de ma facture, qui n'a pas couvert mes frais généraux (quand on démarre une entreprise, si petite soit-elle, il y a toujours l'obligation d'investir avant d'envisager un retour) - à laquelle je devrais également déduire quelques menues charges - la totalité de ma facture, disais-je, a donc constitué un "salaire". Lequel s'ajoute au complément ASSEDIC.

Je vous épargne les chiffres mais en gros, non seulement je n'ai touché aucun centime supplémentaire pour avoir travaillé - et pas qu'un peu - mais ça m'a juste coûté de l'argent.

Si j'étais restée avachie sur mon canapé, mon compte serait plus florissant. Et ma facture de gaz, à venir, moins douloureuse.

Vous me direz, j'ai repoussé de trois jours la fin de mes droits. Et, surtout, je n'ose imaginer l'état de mon moral si je m'étais abaissée à tant de procrastination. Au moins, j'aurais essayé.

Mais enfin, quand même. Il y a là quelque chose d'absurde.