lundi 30 novembre 2009

Petit aparté

J'interromps le cours de cette histoire new-yorkaise, le temps de vous raconter ma légère stupeur, ce soir.

Le vendeur du local, avec qui j'ai signé un compromis de vente, s'impatiente et s'inquiète. Il sent déjà que nous ne signerons, a priori, pas le 15 décembre, comme promis. Mais il doit évidemment attendre cette date pour rendre caduc la promesse de vente - à moins qu'il accepte de reculer la date de signature.

Ce soir donc, je ne sais pas pourquoi, je retourne sur le site d'annonces où j'avais dégoté l'affaire.

Bingo.

Il propose de nouveau le local à la vente. Genre, comme si on n'avait rien signé.

Euh, comment dire, c'est pas très légal, ça, non?

Croire en ses rêves, part one

Un jour, j'ai évoqué l'un de mes rêves passés, ici. Un rêve pour lequel j'ai consacré beaucoup d'énergie, de temps. Un rêve qui a échoué.

Après ma découverte de l'Amérique, dans mes jeunes et naïves années, j'ai caressé l'espoir de travailler aux Etats-Unis. Ne doutant de rien, je souhaitais écrire dans un magazine, à New York.

Pourquoi New York? C'était l'évidence. C'est tellement cliché, et pourtant cette ville a quelque chose de so unique que cela ne pouvait être que là-bas. New York vous booste, vous donne ce sentiment de liberté inouï. Vous laisse l'impression que tout est possible.

Je savais que derrière l'apparence, rien n'allait être si simple, bien sûr. Mais j'avais quoi, 23 ans. Insouciante et sans attaches. La volonté de vivre autrement. Je me suis engouffrée dans la brèche.

Je me suis renseignée sur les modalités, la "green card", la fiscalité, le statut d'expatrié... Tout cela me semblait d'autant plus lointain que je travaillais encore. Pourtant, l'idée me séduisait chaque jour un peu plus. Je me disais juste que ça mettrait du temps, que je devais simplement être patiente et peaufiner le projet.

J'ai rédigé mon CV en anglais. Je ne l'ai pas déposé immédiatement. J'avais besoin de passer du temps dans la Grosse Pomme, sentir la ville, analyser froidement si tout ceci n'était que fantasme ou si mon rêve pouvait se concrétiser.

Voir si j'étais folle ou seulement fofolle.

Profitant d'une invitation pour un camp de basket, en Pennsylvanie, j'ai profité d'un été pour prolonger mon séjour.

Au début, ça allait. Je supportais le cagnard, déambulant dans Manhattan, une bouteille d'eau à la main, découvrant chaque jour un peu plus les recoins de Big Apple. On prend très vite ses repères, là-bas, et j'avais mon p'tit café, ma librairie et même le magasin trouve-tout, où j'étais allée déposer mes photos à développer (nous étions en 1998, je n'avais pas de numérique).

Bon, il y avait aussi le shopping, évidemment. Un matin, j'étais allée retirer de l'argent, en me disant que New York coûtait quand même horriblement cher et que c'était la dernière fois que je passais derrière le guichet. Il me restait dix jours, avant de rentrer en France et reprendre le cours de ma vie normale.

L'après-midi, je rencontre un couple de Français, charmant, avec qui je finis par dîner. En rentrant, je repasse devant mon magasin trouve-tout, tellement génial qu'il est ouvert 24h/24. Mes photos doivent être prêtes, je prends deux bouteilles d'eau et du shampooing en passant. Je me dirige vers la caisse. Et là, je m'aperçois que la poche de mon sac est ouverte. Tiens, bizarre.

Plus de portefeuille. Plus de carte. Plus de dollars, y compris la centaine retirée le matin.

Comme je le disais, il me restait dix jours.

A suivre...

dimanche 29 novembre 2009

Tout va bien, je vais bieeeeeennn (air connu)

J'ai reçu un mail sympa cette nuit. Enfin, l'intitulé était prometteur:

"Événement"

En fait, c'était Pôle Emploi qui m'informait de la réunion de ses deux services -indemnisation et placement (ou feu-ASSEDIC et ANPE si vous préférez) - sur son tout nouveau, tout beau site.

Ça m'a fait penser que je ne m'étais pas encore actualisée ce mois-ci. Lorsque je l'ai fait, fin octobre, j'avais le doux espoir que ce soit la dernière fois, pensant que, peut-être, d'ici là, j'aurais ma petite entreprise immatriculée, et tout et tout.

Mais non. J'ai rempli les petites cases, comme d'habitude. Non, je n'ai pas travaillé ce mois-ci, oui, je cherche toujours un emploi. Je connais même mon numéro "de membre privilégié" (ah ah) par coeur, ce qui n'est pas un bon signe, si je m'en réfère à la réflexion de mon ancienne conseillère.

Je suis juste une chômeuse comme les autres. Toujours (enfin, pas éternellement, bien sûr. Y'a le RMI après). Mais enfin, là, ça commence à durer un peu plus que de raison.

Pff.

Mais à part ça, ça va. C'est pas comme si j'avais des projets au sort très incertain.

samedi 28 novembre 2009

Besoin de douceur

Les dés ne sont pas (encore) jetés mais là, j'avoue: c'est dur.


J'ai les nerfs à fleur de peau. Les larmes jamais très loin.

Je devrais relativiser, tellement de choses ont plus d'importance que cela. Mais je n'y parviens pas. J'ai trop mis de moi-même dans cette aventure pour regarder objectivement les choses.

Je ne veux pas jouer les victimes. M'apitoyer sur mon sort. J'ai simplement l'impression que nous ne sommes que des jouets, des bons-à-payer, pour ces décideurs. Cette colère et ce sentiment d'injustice me permettent de tenir, de garder la tête haute. N'empêche qu'une grande tristesse m'envahit et que je ne trouve pas grand-chose pour la chasser de mon esprit.

Rien n'est plus frustrant que de ne pas avoir sa chance.

Je n'ai pas fait ça pour rien. Ce n'est pas vain et j'en tirerai toujours une leçon. Mais je ne peux pas me contenter de cette issue.

Je suis une obstinée. Avec le vague à l'âme, certes, mais une obstinée.

Au début de cette aventure, j'ai vécu avec beaucoup de légèreté ma situation. Je pensais tellement qu'en travaillant correctement, en écoutant, en me formant, le financement ne serait, non pas une formalité - faut pas pousser, quand même - mais du moins pas le frein majeur.

Je prenais parfois des notes sur la crise, le chômage, l'état de notre pays. Un jour, j'ai posé le stylo et j'ai foncé. La morosité ambiante, les chômeurs à moins de 1000 euros mensuels, l'idée de réduire peu à peu les dépenses et de s'inquiéter des fins de mois, tout ça, j'en ai pris véritablement conscience, progressivement. Je ne me suis jamais sentie épargnée, protégée, bien sûr, mais j'avais le sentiment (l'affront?) de penser que j'allais surpasser tout ça.

Aujourd'hui, je ne sais plus. Je n'ai pas de plan B. Et je ne veux même pas y réfléchir.

vendredi 27 novembre 2009

Et de trois!

Elle était très gênée, au téléphone.

"Malheureusement, nous avons eu un refus du comité et j'en suis désolée, car j'espérais vraiment que cela marche."

Ah, cette dame-de-la-banque-là apporte une touche d'humanité dont je finissais par croire que le monde bancaire était dépourvu.

En plus, elle ne m'a pas sorti le classique "pas issue de la profession."

Non, cette fois, c'était la "faisabilité" (en gros, le fait que je ne me rétribue pas assez, à leur goût) et... le contexte économique actuel.

La crise, quoi.

Ah, c'est certain, je ne vais pas rouler sur l'or avec ma petite entreprise, mais enfin, je m'en étais accommodée. Mais au comité, les gens, ils ont dit NON.

Au moins cette banquière a-t-elle eu la décence d'en discuter et de me montrer à quel point elle en était "attristée" (si si, je l'ai senti à sa voix). "On ne peut pas vous reprocher d'avoir mal monté votre dossier. Celui-ci était béton."

Je n'ose imaginer le sort de ceux en carton-pâte, alors.

Elle espère que ma banque va suivre, elle. Et elle viendra me voir là-bas, dans mon établissement. Elle veut y croire.

Mardi, j'ai la réponse de l'ultime banque, ma personnelle, donc. J'ai pris rendez-vous avec un autre établissement, ce jour-là. J'ai peur de devoir intituler mon post "et de quatre".

Comme m'a dit la banquière, "enfin, bon week-end quand même."

Oui, quand même.

Miracle à échelle familiale

Parfois, au moment où l'on s'y attend le moins, un signe apparaît. Un p'tit truc, qui ne change pas la face du monde, mais qui veut dire beaucoup, à titre personnel.

Vous vous souvenez à quel point j'étais soutenue par mon papa, notamment, depuis le début de mon projet. Je le revois encore à se gratter la tête, le visage encore endormi, le front plissé, me racontant son cauchemar nocturne, celui de m'avoir vue en cuisine, dans mon restau. Ou s'énerver, estimant que je ne faisais pas beaucoup d'efforts pour rester dans ma profession initiale, le journalisme.

J'en riais, parfois jaune, certes. Mine de rien, je m'étais forgé ma petite carapace, montrant de la défiance à chaque fois qu'il dénigrait un peu plus mes intentions.

Eh bien, un petit miracle s'est produit. Oh non, aucune banque ne m'a appelée aujourd'hui pour me confirmer qu'elle allait me financer. Simplement, mon papa si réticent s'est pris au jeu.

La semaine passée, mes parents sont venus à Rennes pour déjeuner au Café Clochette. Je l'ai vécu comme un signe d'encouragement. Bon, mon père a suggéré, devant la cafelière amusée, que je pourrais toujours tenter ma chance en tant que journaliste culinaire, comme une dernière allusion à ma vie d'avant. Mais il a compris, il me semble.

Lorsque, quelques jours plus tard, j'ai informé mes parents du message sur le répondeur, ils ont compati, sincèrement. Et ont réfléchi tout haut à toutes les hypothèses imaginables, pour que je puisse réaliser mon rêve et contrer les avis bancaires.

A vrai dire, je n'étais pas mécontente d'être assise. Parce que là, il y avait de quoi tomber à la renverse.

Pour qui ne connaît pas mon père, cette réaction semblera simplement naturelle. Un parent encourage son enfant, lui vient en aide comme il le peut, parce que c'est, paraît-il, dans l'ordre des choses. Ce revirement paternel est en réalité beaucoup plus complexe et inattendu, et je savoure la chose à sa juste mesure.

Je n'ai pas attendu son aval pour foncer. J'avais rapidement cessé de me justifier. J'en étais arrivée à éviter le sujet, jusqu'à taire la signature du compromis.

Mais voilà qu'il m'offre son oreille compatissante...

.. Sans toutefois réprimer, de temps à autre, une petite moue ou un "pff" un peu circonspect, parce que c'est mon père, parce qu'il s'inquiète, parce qu'il a peur.

Aujourd'hui, mes parents ont rejoint "mon camp", celui de mes proches et moins proches qui me font confiance et qui espèrent une issue heureuse. Cela ne va pas changer le schmilblick, comme je vous le disais. Mais, parce que sommeille en moi - comme en chacun de nous - l'esprit de l'enfant que nous avons tous été, ça me fait simplement du bien.

Et en ce moment, c'est déjà beaucoup.

jeudi 26 novembre 2009

On ne prête qu'aux riches

La redescente, disais-je...

Ah oui, les images de la semaine passée sont déjà loin. Miniloup qui épluche des carottes ou qui découvre, avec de grands yeux tout mutins, Speedy Gonzales... Les matous que l'on craint de réveiller, en plein service, alors qu'ils sont tranquillement installés sur le manteau -noir- d'une cliente allergique. Le calme et la chaleur de la cafelière. L'énergie et la douceur de Christine. Toutes ces familles qui se posent et qui prennent juste le temps de respirer. Ces bouilles de mômes à la démarche non assurée, qui vacillent et se rattrapent comme ils peuvent. Et puis, ce soudain silence en fin de service.

Cette certitude que l'on a trouvé la réponse à nos questions, que les doutes s'envolent et qu'il fait jour, quelque part sur cette terre.

Tout ça, envolé, en moins de deux.

Mardi, c'était une nouvelle journée des non. A force, je devrais être habituée mais l'éternelle optimiste que je suis ne peut s'y résoudre. Non, a dit la dame de Mariage Frères, maison de thés avec laquelle je souhaitais travailler. Déjà des clients en ville, pas la peine de rêver, vous n'êtes pas de taille, qu'elle ajoutait en substance.

L'autre refus, je le connaissais puisqu'il provenait de la dame de la banque. J'avais demandé une explication - et d'ailleurs, elle me l'avait proposé sur son message - pourquoi se priver, hein? Mais quand même, tant de mauvaise foi, je ne m'y habituerai jamais.

"Nous avons refusé le financement de votre projet du fait de l'emplacement (c'est vrai, c'est dans le centre ville, beaucoup trop évident, j'imagine...) mais surtout, surtout (notez l'insistance) du fait de votre parcours."

Ah, mon parcours. Pas facile pour une ancienne taularde de se réinsérer dans la vie active, pas vrai?

Ah non, c'est vrai, je n'ai commis aucun délit, sinon de choisir une première voie visiblement incompatible avec celle de la restauration.

Suis-je bête.

Je lui répète mes arguments, lui rappelant que je ne me lance pas dans un restaurant gastronomique, mais dans une cuisine familiale, simple et chaleureuse. Que les établissements en France ne sont pas tous tenus par des Charlotte + 12. Qu'un cuistot, aussi bon soit-il, n'est pas plus assuré de gérer au mieux un restaurant, juste parce qu'il maîtrise la technique culinaire. Que, que, que...

Je respire. Je sens que je vais m'énerver. Elle, elle a ce petit rire gêné, insupportable.

"Oui, mais je ne veux pas avoir à ouvrir un contentieux plus tard. C'est trop risqué." Avant d'ajouter la phrase qui va finir par me donner des envies de meurtre:

"Car vous n'êtes pas issue de la profession."

Peu importe les premières expériences en cuisine. Peu importe les associés, les apports personnels, le travail en amont, l'envie, la demande de financement pas si conséquente. C'est N.O.N.

Je devrais me taire, d'autant que je n'ai ni l'envie, ni l'espoir de la convaincre. Mais c'est plus fort que moi. Je lui demande donc:

"En gros, ça veut dire que si je reviens vous voir dans quelques mois avec un CAP cuisine, ce sera différent?"

Elle va rire, balayer l'idée d'un revers et raccrocher. Mais non.

"Ah oui, tout à fait, je pourrais soumettre cela au comité et ça changerait tout."

Effectivement, ça changerait tout. Je n'aurai plus le local à disposition - un détail, j'en ai tout un tas à 300.000 euros le pas de porte qui n'attendent que moi - presque plus de droits ASSEDIC, l'incapacité de vivre dessus pour démarrer.

Mais je pourrais rajouter une jolie ligne à mon CV: une chouette toque de CAPISTE cuisine.

Bon là, je me suis un peu emportée. Bien sûr que je peux toujours apprendre. Bien sûr que je peux continuer à enchaîner les formations. Mais enfin, à quoi bon, maintenant que le temps est compté? Que j'ai tout à portée de main?

Je vois beaucoup d'hypocrisie dans ces discours, beaucoup de frilosité, de peurs, aussi, celles que nous - inconscients créateurs d'entreprise - faisons naître chez ces sachants. J'ai l'impression de me répéter, mais la réalité est là. En France, seul le diplôme valide un savoir. Pas le travail et la volonté que l'on peut déployer.

Je ne veux pas passer pour une victime. Je crois que je ne suis malheureusement pas la seule dans ce cas, à buter au pied du mur. Pour avoir une longue conversation avec une personne de l'AFPA, directement concernée par la création d'entreprise, j'ai conscience que le malaise est général et qu'il va aller en empirant.

On ne prête qu'aux riches.

Penser que je vais m'arrêter là serait mal me connaître. Les images de la semaine passée ne sont pas envolées, finalement. Elles me donnent au contraire l'envie et l'énergie d'y croire.

D'ailleurs, certains petits miracles se produisent même lorsque l'on s'y attend le moins...

A suivre...

mercredi 25 novembre 2009

Un gros shoot

Je vous le disais hier, il y a eu quelques ratés, durant cette semaine. La confirmation, aussi, que ce métier était physique, bien sûr, et que l'on ne pouvait l'exercer en dilettante. Rien de surprenant, donc.

Mais ce qui m'a frappée le plus, c'est, une nouvelle fois, cette sensation de miracle permanent, lorsque le service est fini, que les plats ont été vidés, les clients satisfaits et que vous rangez les dernières assiettes qui traînent encore sur le plan de travail. Samedi soir, d'ailleurs, j'avais bien l'intention d'écrire un post à ce sujet.

Avant un imprévu.

A l'issue du service, j'avais en effet fermé la grille, baissé le store, appelé les chats, avant de m'installer cinq minutes, pour grignoter un morceau, avec ce sentiment jouissif du devoir accompli. J'avais enlevé mes chaussures, tellement mes pieds me faisaient mal, endoloris par les allers-retours permanents de la salle à la cuisine (j'imagine que l'on s'habitue). Et je souriais intérieurement, tant la journée s'était passée au delà de mes espérances.

Le Café Clochette n'avait pas désempli et les sourires en disaient long sur le plaisir que les uns et les autres avaient ressenti à venir se calfeutrer ici, fuyant la météo grise. Je n'avais pas fait de bourde à proprement parler - sinon celle de préparer des aiguillettes de poulet à l'orange en plein coup de feu, le midi, la sauce ne supportant pas d'être réchauffée plus de quelques minutes. Christine, la serveuse chic et choc (sympa, super efficace), n'avait pas montré de signe d'impatience et même toute seule, pour le service du soir, tout avait roulé.

C'était trop beau.

Après mon mini-break, j'étais donc repartie dans le ménage quotidien de la cuisine. Je mets une cocotte sur une étagère. Et là, c'est le drame. Un couvercle en verre glisse et tombe dans un vacarme similaire à un crash de voiture (j'exagère à peine, sérieusement), sortant l'une des chattes de sa torpeur. Je suis donc là, en chaussettes sur le tabouret, avec des morceaux de verre jonchant le sol et je descends doucement pour éviter les éclats. Je nettoie, et puis, d'un coup, je réalise que le verre sur la plaque vitro-céramique n'est pas celui du couvercle.

La plaque est explosée.

Comment dire? On peut évoquer sans excès un grand moment de solitude. Je ne sais pas si c'était le métier qui rentrait, pour le coup, mais plutôt de la maladresse et une malchance qui me poursuit un peu en ce moment.

Je ne peux pas dire que j'ai été très sereine ensuite et, d'ailleurs, j'ai à peine dormi cette nuit-là. Mais aujourd'hui, je veux retenir tout le positif de cette expérience: oui, je me sens capable de tenir ce nouveau rôle, oui, j'ai franchi un nouveau pas dans ce sens. Jusque-là, l'envie me guidait vers ce chemin mais mon parcours me bordurait à mon "statut" de journaliste. Là, j'ai eu la sensation de franchir un cap - le premier, bien sûr, tant il me reste à apprendre. Mais d'entamer de façon concrète ma nouvelle vie.

Même si c'était temporaire, pas dans mon restaurant et que rien n'est acquis.

C'est donc redynamisée que je suis rentrée dimanche soir et que j'ai appuyé sur le bouton du répondeur.

Depuis, c'est un peu la redescente.

A suivre...

mardi 24 novembre 2009

Question d'alchimie

La cafelière, voyez-vous, n'est pas issue de la profession. Érudite, elle a de multiples cordes à son arc et jongle aussi bien avec les mots qu'avec les ingrédients. Et je n'écris pas ça parce qu'elle lit ce blog. Comme quoi, on peut avoir eu une autre vie et réussir sa nouvelle aventure, traduire des recueils, avoir une bibliothèque pleine de bouquins que l'on a vraiment lus... et mitonner des plats aux petits oignons.

Ce supplément d'âme dont je vous parlais hier, il vient de cette personnalité-là. Le Café Clochette est bien davantage qu'un restaurant/salon de thé de plus. Il crée le lien social entre les gens, souvent, et j'ai rarement senti une telle atmosphère, baignée de sérénité et de bienséance.

Non, je ne suis pas tombée dans un grand bol de guimauve.

Je pense seulement aux sourires, aux discussions feutrées, aux rires des enfants dont j'ai été témoin. Combien de clients sont simplement restés assis, suspendant le temps, avant de repartir presque à regret? Combien ont commencé à discuter entre eux, entamant naturellement la discussion là où ils se seraient ignorés ailleurs?

Casser les barrières, c'est ce qui m'anime. Utopique? Je l'ai souvent pensé. A vrai dire, je pense que rien n'est calculé. Cela arrive, ou pas, selon l'endroit, l'ambiance et la personne qui régit le tout. C'est tout sauf une fabrique de sentiments. Plutôt une question d'alchimie.

Il serait vain pour moi de copier ce modèle, tant tout cela est personnel et subjectif. Durant cette semaine, j'ai eu à coeur d'observer, d'écouter, de maîtriser mon stress, aussi - et j'avoue qu'il était bien plus bas que ce que je craignais, tant je me sentais bien. C'était d'autant plus facile qu'ici, l'apparence ne compte pas (enfin, presque, puisque je me suis fait un peu chambrer avec mon tablier multicolore piqué aux enfants). Pas besoin de jouer un rôle.

C'est reposant.

Vous me direz, nous sommes toujours en représentation, en société. Oui, mais non. On se tient plus droit, certes, on évite de bâiller devant le client ou de lui taper dans le dos, bien sûr. Mais combien ont fini par me tutoyer très vite?

Ou alors, c'est que je fais jeune. Mais là, j'ai un peu de mal à y croire, rides à l'appui.

Où en étais-je? Ah oui, jouer un rôle, tout ça. En fait, j'ai dû me glisser dans la peau d'une chéfière (il n'y a qu'une cafelière, c'est comme ça) et oublier mes vieux automatismes. Savoir rester discrète alors que je mourais parfois d'envie d'entamer la discussion avec quelques personnes. Sourire et acquiescer aux autres, patiemment, alors qu'en cuisine, une tonne de vaisselle attendait d'être sagement rangée dans le lave-vaisselle. Rester zen, en somme.

Au début, on observe, donc, et puis très vite, les choses s'enchaînent. Les gestes deviennent plus rapides. Les gens qui viennent ne sont pas (forcément) là pour te taper la causette, mais pour boire, manger, passer du temps tranquillement. Donc, en salle, tu sors ton plus gros sourire - rien d'hypocrite, attention, ne vous méprenez pas. Il faut juste éviter de tirer une tête de dix mètres de long, pas vrai?

Dès que tu retournes dans la cuisine, tu te mets en vitesse 10 et tu carbures pour préparer la théière, le jus de fruit avec la paille pour la petite, le chocolat chaud pour la dame et les assiettes de douceurs pour tous. Sans oublier la crêpe au beurre du cadet, qui aimerait manger rapidement pour aller jouer ensuite.

Tu as douze secondes pour remplir le plateau et l'amener sans encombres. Le plus drôle, c'est que tu l'amènes, limite détachée, même-pas-que-je-me-suis-speedée pour vous servir, messieurs-dames. Comme si c'était naturel. Alors qu'au fond de toi, tu sens ton coeur palpiter, la sueur t'envahir et le désordre te gagner.

Au moment du service du midi, même topo, tu dois préparer les assiettes des petits, sans oublier l'Osso Bucco et la salade de lentilles au saumon, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire. Ne pas oublier la salade, ni sa (divine, hummmm) sauce. Penser aux carafes d'eau et à la corbeille à pain.

Bon, forcément, parfois, y'a des ratés.

Comme cette bouteille de Chardonnay, prise sous le comptoir, que j'ai ouverte alors que sa petite soeur attendait sagement dans le frigo, à bonne température, elle. Comme ce macchiato transformé en caffe latte à l'insu de mon plein gré. Ou comme ce thé noir fumé que j'ai amené à ce charmant monsieur, dimanche.

"Laissez-le infuser encore deux minutes, je viens de le mettre", que je lui dis, sûre de moi. Dix minutes plus tard, il vient vers moi avec sa théière dans la main. "Je veux bien l'infuser, mais il n'y a pas d'eau dedans."

Une quiche, je vous dis.

A suivre...

lundi 23 novembre 2009

Un supplément d'âme

22 h sur le parvis de la gare mancelle. Il fait froid, je dois attendre le tram près de 20 minutes et j'ai les pieds en compote. Et pourtant, j'ai envie de sautiller, et pas seulement parce que le "Break up", de Pete Yorn et Scarlett Johansson, égaie mes oreilles.

Deux heures plus tôt, j'ai ressenti un petit coup de blues au moment de fermer la porte du Café Clochette, et pas seulement parce que je quittais les trois adorables chats qui vivent là. En quelques jours seulement, je me suis habituée à ce nouveau quotidien, loin de toutes mes addictions habituelles - internet, shopping et disgressions en tout genre (ou presque).

A vrai dire, je n'avais pas une minute à moi et ça m'allait bien.

Alors quitter ce lieu si chaleureux et revenir à ma vie, bah oui, ça m'a fait bizarre.

Depuis mon arrivée à Rennes mardi matin, la semaine s'est apparentée à un tourbillon. J'ai vécu de façon concrète ce qui fait le quotidien (et le sel!) de la cafelière, de l'élaboration des menus à la popotte. C'était à la fois rigoureux et excitant, nous avons respecté le programme à la lettre, tout en laissant paradoxalement pas mal de place à l'improvisation.

J'ai une chance incroyable, la cafelière m'a laissé, dès le début, mitonner quelques plats, l'inconsciente! Et nous avons donc proposé cela à la carte. Au fond de moi, je m'en réjouissais, mais j'avais logiquement une appréhension. Et si ça ne plaisait pas? Et si j'empoisonnais quelqu'un ? Et si je faisais fuir ses clients? Ce test que j'avais tant attendu (et redouté), je pouvais le passer, enfin, grandeur nature. Un véritable cadeau.

Au menu, minestrone et makloubet. Fondant au chocolat et tarte citron meringuée. Personne n'est tombé, raide mort, sur le sol.

Ouf.

Au début, je scrutais discrètement les visages, cherchant les moues éventuelles. Je craignais le retour des assiettes, les plaintes de clients. J'oubliais un peu vite qu'ici, ces derniers sont d'une gentillesse à toute épreuve. Au delà du repas, ils viennent chercher un coin apaisant, un lieu de détente où ils peuvent profiter de leur assiette pendant que leur(s) enfant(s) s'amuse(nt) dans l'espace qui leur est réservé.

On appelle cela un concept et voyez-vous, celui-ci est fort réussi.

Car, vous l'ai-je dit ? Le Café Clochette se situe dans la maison de sa chef, ce qui confère au lieu une atmosphère unique. Je l'avais déjà constaté lors de ma première venue, et cette semaine me l'a confirmé. Ici, pas de chichi, on s'installe et on déjeune comme chez soi. Pas de déco outrancière, pas d'assiettes carrées trendy ou de verrines à tire-larigot. C'est la simplicité qui prime.

Mais attention, c'est quand même un délice pour les papilles. Et d'ailleurs, le matériel utilisé me laisse rêveuse. Du grand plan de travail en inox comme il faut, des rangements partout, une épicerie dantesque, des cachettes secrètes parfumant l'espace dès qu'on les ouvre, des épices, des herbes, des ingrédients magiques... la cuisine de la cafelière est un outil génial.

Et, surtout, il y a ce supplément d'âme.

A suivre...

dimanche 22 novembre 2009

Et de deux!

Je rentre tout juste et je m'apprêtais à vous raconter mes impressions à l'issue d'une semaine exceptionnelle, riche et unique. Un message sur le répondeur.

"Bonjour, madame Bip de la banque bip. Cela m'ennuie de vous donner cette information sur le répondeur mais je ne veux pas vous faire attendre plus longtemps. Notre comité s'est réuni et nous avons décidé de ne pas donner suite à votre demande. La raison principale, c'est que vous n'êtes pas issue de la profession."

Ah bon?

Et moi qui, encore aujourd'hui au Café Clochette, croyais avoir trouvé ma voie.

Je dois rire? Pleurer? Je n'ose plus rien penser là, d'autant que j'étais plutôt confiante avec cette banque-là. Si, souvenez-vous, c'était celle qui avait lu le blog... Allez, comme la première, on la raye de la liste. Suivante!

Allez, dès demain, je vous raconte tout, et vous verrez, malgré tout, je garde le sourire.

jeudi 19 novembre 2009

Oups!

J'avais bien commencé à poster un message, hier après-midi, pendant que Clochette se lovait contre moi, mais l'irruption de deux clientes a interrompu ce répit. Alors, je ne vous oublie pas, d'autant qu'il y a plein de choses à raconter ici. Mais que voulez-vous, nous n'avons pas une minute au Café Clochette...

Une chose est sûre, j'adore ça et la cafelière est extra!

A très vite...

lundi 16 novembre 2009

Une quiche au café Clochette

23h39 et je prends enfin le temps d'écrire ces quelques lignes... Pourtant, cela me ronge depuis un petit moment de vous parler de cette nouvelle expérience, mais que voulez-vous, la fronceuse de sourcils, qui devient de plus en plus avenante (!), m'a donné quelques devoirs supplémentaires ce soir.

Peu importe, je vous dis tout, maintenant.

Voilà quelques mois, alors que je furetais sur la toile, cherchant l'hypothétique existence, dans notre beau pays, de restaurants "familiaux" comme je souhaite en créer*, je suis tombée sur le "Poussette Café" à Paris. Le concept, bien que très intéressant - accueillir des jeunes mamans avec leur tout-petit- ne correspondait pas vraiment à mes envies profondes. Mais la créatrice évoquait son parcours et l'un des commentaires a éveillé ma curiosité. Le lien m'a alors guidé vers le Café Clochette. Un restaurant à Rennes, tout nouveau.

A vrai dire, j'ai eu un petit choc. Déjà, la cafelière écrivait drôlement bien, sur son blog. Et puis, ce qu'elle proposait en cuisine me parlait - Ce qu'elle avait vécu allait aussi me parler, d'ailleurs...

Au début, je suis restée lectrice silencieuse. Je n'en revenais pas qu'un tel lieu existe, tant il ressemblait, dans mon esprit, à ce que j'aime et ce que j'ai envie d'offrir. J'imaginais l'atmosphère qui pouvait y régner, au travers des lignes et des messages chaleureux laissés par les clients. Un jour, la cafelière a laissé entendre que son sort - et donc, celui de son restaurant - était en suspens. Il était temps pour moi de réagir. Tout naturellement, j'ai fini par aller la voir, avec une amie, et je vous avais déjà raconté toute la sérénité qu'elle dégageait. La force tranquille.

Depuis, elle a eu la générosité de me donner quelques tuyaux, via téléphone, et d'accepter de m'accueillir, dans le cadre de cette seconde EMT. Ce soir, sur son blog, elle a officialisé ma venue et j'avoue en avoir été toute émue. Ce qui m'attend? Je vous conseille vivement de lire son programme. De mon côté, j'ai hâte d'y être et de découvrir, enfin, le quotidien d'un restaurant tenu par UNE personne.

Et d'autant plus que la cafelière n'était "pas de la partie" non plus, et qu'elle prouve depuis bientôt un an que l'on peut régaler ses clients sans avoir le cursus Charlotte +12.

Après les cuistots qui se sont fait un malin plaisir de m'en mettre plein les mirettes, je me réjouis d'autant plus de pouvoir échanger et apprendre auprès d'une chef qui ne cherche nullement à m'impressionner. Au moins, si je me coupe un doigt, je n'essaierais pas vainement de planquer les flaques de sang sous mon tablier...

Attention, ça va saigner!

* Je reviendrai ultérieurement là-dessus...

dimanche 15 novembre 2009

Je rêve, ou ça bouge?

Non, non, je ne parle pas de ma réflexion au moment de me coucher, hier soir, un abus de Monbazillac perturbant un rien mon équilibre.

Je ne parle pas non plus des endroits bondés où nous sommes allées, entre trentenaires en goguette, un samedi soir dans une grande ville française - contredisant un rien l'idée que notre pays, en crise, ne consomme plus ni ne s'amuse.

Non, simplement, quelques signes me laissent quelques raisons d'y croire.

Jeudi - une personne chargée de la communication - et collègue de la fronceuse de sourcils - me laisse un message. Une journaliste de M6 fait un reportage sur les quadras qui changent de vie. Elle veut savoir si j'accepte d'être interviewée. "Bon, je sais que vous êtes plus jeune, mais enfin, j'ai tout de suite pensé à vous."

Moi, vous voulez dire, la journaliste à qui l'on répète qu'elle doit rester scribouillarde toute sa vie?

Vendredi - l'une des dames-des-banques m'appelle, elle a oublié de me demander quelques pièces lors de notre entrevue. Elle me confirme qu'elle monte le dossier. Me parle normalement, et pas comme si j'étais une rêveuse dingo qui s'imagine dans son restaurant imaginaire. Elle se montre courtoise, sans chercher à me dissuader une dernière fois.

La même qui m'a reproché d'être journaliste?

La même.

Samedi - devant les rayons surchargés d'une librairie, où les livres semblent tenir comme par miracle sur des piles aléatoires, j'évoque avec ma mère mes envies d'écriture, si jamais le projet n'aboutissait pas (après tout, n'importe qui écrit sur tout et n'importe quoi, aujourd'hui, alors pourquoi pas ?) Un peu interloquée, elle me regarde: "mais enfin, y'a pas de raisons que ça ne marche pas, maintenant."

La maman qui ne cherchait pas à masquer sa perplexité, ni à tempérer l'opération dissuasion paternelle, au début de ma création ?

La même maman.

Dimanche - Avec mes parents, on se donne rendez-vous la semaine prochaine dans un restaurant - où je vais, yeux grand ouverts- travailler. Ils semblent séduits par l'idée que je les serve.

Tout bouge, et ça n'a rien à voir avec le Monbazillac, tiens.

vendredi 13 novembre 2009

Nouveau sésame

Pas d'expérience, pas d'expérience, pas d'expérience... Combien de fois l'ai-je entendue, cette réflexion? Je sais très bien que, hormis passer mon CAP de cuisine ou tout autre diplôme dans le domaine, je ne serai jamais crédible aux yeux des sachants, dès lors que je souhaite bosser dans la restauration.

Pourtant, j'ai suivi une EMT, vous vous souvenez?

Alors, j'ai renoncé à gagner des points auprès de tous ces gens bien assis dans leur fauteuil. J'ai envie d'apprendre encore, d'en prendre plein les mirettes, et de passer du temps en cuisine. Donc, je m'offre une seconde EMT. Evaluation en milieu du travail, pour ceux qui ne suivent pas.

Je suis donc passée à Pôle Emploi pour remplir le précieux formulaire. J'ai un peu perdu mes repères chez mon employeur, car, fusion ASSEDIC/ANPE oblige, c'est le grand bazar et chacun doit y mettre du sien pour se mettre à niveau.

Le monsieur qui m'a reçue était touchant de maladresse, on aurait dit un collégien qui faisait sa rentrée en seconde, tout penaud, n'osant trop déranger la prof à côté.

Bon, là, il l'a dérangée, la dame. Sa collègue, en l'occurrence. Qui venait du camp d'en face. Les ASSEDIC.

La pauvre est restée stoïque. Lui écoutait, de façon studieuse. A vrai dire, j'avais l'impression d'être un jouet au milieu de la scène, du genre "vas-y, mets-lui ses piles. Alors, ça marche?"

Au bout d'un moment, il s'est souvenu que j'étais là. Que tous ces papiers que l'imprimante débitait, c'était à cause de moi. A vrai dire, il a été charmant et tout s'est passé comme dans un rêve: je suis repartie avec le sésame, que j'ai envoyé dans la foulée à mon employeur temporaire... Dont je vous dévoilerai l'identité lundi prochain, à la veille de partir pour une semaine folle, endiablée et réjouissante!

D'ici là, bon week-end et portez-vous bien.

jeudi 12 novembre 2009

...

Quelle pulsion nous pousse ainsi à regarder l'inconcevable? Quelle curiosité malsaine nous donne ainsi l'idée de nous approcher, de chercher à voir je ne sais quoi, en sachant pertinemment qu'on va le regretter dans la seconde?

L'envie de voir la mort en face ? Imaginer à quoi la Faucheuse peut bien ressembler?

Oh, je n'ai pas d'envies morbides. Simplement, un événement a rendu cette journée un peu bizarre et plombante. A vrai dire, l'image me hante et j'ai du mal à la chasser de mon esprit.

Nous devions nous retrouver, avec deux amies, chez l'une d'entre elles. A l'un des carrefours qui fait la jonction entre la ville, la place du marché et la vieille cité, des voitures de police partout et plus une voiture sur la voie habituellement surchargée. Étrange.

Je croise l'une de mes amies au pied du bâtiment, elle me dit: "y'a une jeune fille qui vient de se jeter du tunnel." Ce tunnel qui surplombe cette fameuse voie. C'est son boss qui lui a appris, lui qui a entendu un cri.

Nous rentrons chez l'amie. Dont l'appartement donne sur ce tunnel. Le bon sens aurait voulu que l'on garde la fenêtre fermée. Mais non. Nous avons jeté un oeil. Les ambulanciers s'agitaient autour du corps inerte, tentant de ranimer la malheureuse.

Nous avons entendu les portes claquer, puis les sirènes. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. Je n'ose l'imaginer et pourtant, je n'ai cessé d'y penser. Je n'ai rien vu, au fond. Pas de sang, pas de visage. Mais, au delà de l'image funeste, c'est l'idée même de cette personne se jetant dans le vide, mue par le désespoir, qui ne m'a pas lâchée.

Quelle pulsion peut ainsi nous pousser à accomplir l'inconcevable? L'impression que tout cela ne vaut pas le coup ? Que notre vie n'a plus de sens ? Que, englué dans une situation infernale, il n'y a d'autre issue que celle-ci, fatale? Et que cette dernière mettra un point final à toutes les angoisses, où le dernier souffle s'apparentera à un râle de soulagement ?

Je ne vais pas jouer à l'éternelle optimiste et j'ai connu - il y a longtemps - des moments dans ma (parfois - chienne de) vie où tout semble si sombre, vain et sans espoir que l'on ne peut envisager une solution. Je sais aussi que le temps, la patience et l'obstination permettent de surpasser - à un degré tout relatif à chaque personne - ce qui nous paraît, à un moment M, insurmontable.

Je ne connaissais pas (a priori) cette personne, j'ignore les raisons qui l'ont poussée à commettre pareil acte et je me garderai bien de tout jugement. J'imagine seulement la souffrance qui a dû l'envahir, avant de commettre l'irréparable.

La solitude extrême qu'elle a dû ressentir, avant de gravir ces escaliers et passer les jambes au dessus du parapet.

EDIT: La jeune fille de 15 ans a survécu à sa chute et ses jours ne seraient pas en danger, malgré plusieurs fractures et un traumatisme crânien, si j'en crois la presse locale du jour.

mercredi 11 novembre 2009

Le cow-boy, le cuisinier tueur et la mouette

Vous commencez à me connaître, ma nature nonchalante me pousse parfois à brasser de l'air en attendant que ça passe. Cela dit, depuis le début de mon aventure (mon cauchemar? Ah ah), j'ai appris à ne plus remettre les choses au lendemain. Rapport que le lendemain, y'a toujours dix mille choses à faire.

En ce jour férié et déprimant, j'ai donc réfréné mon envie de reprendre, enfin, le visionnage des Six Feet Under (toujours pas vu la fin, vous imaginez? Il paraît que j'ai de la chance), de découvrir la sixième saison des Desperate ou de relire l'intégrale de ma collection de BD (enfin, là, ça me pousserait facile jusqu'à février, vu la tonne d'albums en ma possession), pour trier, reprendre mes notes, travailler sur mes coûts de revient, histoire d'être fin prête, le jour hypothétique où j'ouvrirai "....", ce restau dont je continue de taire le nom, vilaine que je suis.

A vrai dire, le fait de rester à mon bureau face à un ciel désespérément gris ne permet pas franchement à mon cerveau de s'évader. Et comme j'en ai un peu marre de ne vous montrer que mon côté sombre et râleur (quelqu'un a dit "désespéré"? Y'a de ça, cela dit), ces derniers jours, je ne vais pas vous saouler avec des chiffres, des ratios et des taux de marge commerciale. Je préfère partager avec vous les dernières expressions qui ont mené les internautes vers ce blog.

Perso, ça me donne le sourire.

Bon, pas de grosses perles comme j'ai pu en lire il n'y a pas si longtemps. Mais quelques interrogations qui méritent d'être rapportées.

Alors, comme d'habitude, nous avons les sempiternels "Femme qui fait stritise" (je ne suis pas responsable des fautes...) et "elle cuisine à poil", sachant que le tablier qu'une amie m'a récemment offert permettrait ce genre d'écart - mais je m'égare. "Comment avoir des envies", se demande un internaute, relayé par ce "comment faire quelque chose de sa vie" ou "double vie".

D'aucuns cherchent une "photo du rat dormeur", "un "tendre cow-boy", la "dame au cochon" ou "jojo la cochonne". D'autres aimeraient savoir si l'on peut "jouer au lancer de mouette" ou cherchent un "mini-requin à vendre".

Comme mon voisin de conférence, une personne fait le lien entre la "cuisine moléculaire et la chiasse" et j'imagine une blonde taper sur son ordi "la restauration un métier de fous", elle qui avait eu l'idée d'ouvrir un p'tit restau pas prétentieux, avant d'être dissuadée par un "cuisinier tueur".

Rien d'extravagant, vous le noterez, mais la requête d'un internaute me pousse néanmoins à me replonger dans mes coûts de revient, même si l'envie n'y est guère.

"Coupe-toi le poil dans la main."

Mais comment on fait, quand il est aussi résistant que le mien?

mardi 10 novembre 2009

Et de une!

Samedi, le message ne laissait rien présager de bon. La première dame-de-la-banque, la plus sceptique, à vrai dire, m'écrivait en substance que si je ne baissais pas le montant du prêt sollicité, elle ne présenterait (même) pas le dossier. Et que sinon, elle partait en vacances, mais surtout, que je n'hésite pas si j'avais besoin, hein.

Bon, après discussion avec l'experte-comptable, cette dernière - qui se démène comme un beau diable, tout n'est pas négatif - a appelé le chef d'agence de cette banque. Même discours bien sûr et le point sensible: pas d'expérience dans le domaine. L'experte-comptable a eu beau lui expliquer mon cheminement, mes apprentissages, les associés, l'enthousiasme que le projet pouvait (parfois) générer, rien, il n'a rien voulu savoir. Plus frileux, c'est pas possible.

"Vous comprenez, si peu d'expérience pour la restauration, un secteur en pleine crise... Nous ne pouvons pas prendre ce risque."

Quel risque? Je ne demande pas trois milliards de dollars et de toute façon, son prêt est garanti à hauteur de 70%. Au pire, il fait un nantissement sur le fonds (oui, je sais, c'est un terme barbare mais depuis que j'en connais la signification, je le mets à toutes les sauces. En gros, c'est une garantie pour la banque).

Visiblement, c'est toujours trop.

Ou pas assez, c'est selon.

Parfois, j'aimerais juste croire que j'exagère, que tout ça n'est pas si compliqué, que les portes sont plus ouvertes que je veux bien le dire. Que je fais du cinéma, en somme.

Mais non.

L'experte-comptable m'a demandé comment on faisait, avec cette banque. "Tu laisses tomber", que je lui ai répondu. "Moi non plus, je n'ai pas envie de travailler avec eux."

Ben quoi, on a sa fierté, non?

lundi 9 novembre 2009

Le miel de la fronceuse

Je ne vous ai pas tout dit, vendredi. Je suis passée également dans deux autres bureaux: celui de Pôle Emploi - je vous en reparlerai plus tard... - et un autre, celui de la fronceuse de sourcils.

Je voulais juste lui déposer des documents dont elle avait besoin. A l'accueil, on m'a priée de bien vouloir patienter, madame Fronceuse voulait me recevoir.

Hein?

J'ai été accueillie par un grand sourire.

Tout miel, elle m'a fait un rapide résumé de la situation: elle avait analysé mon dossier et c'était tout bien.

Hein??

"Juste une petite chose", m'a-t-elle précisé, "mais enfin, c'est juste mon avis personnel", a-t-elle ajouté en baissant la tête, avec l'air de dire "pas taper, pas taper".

Elle m'a expliqué le point en question. Nous en avons discuté normalement, elle a validé ma réponse, nous nous sommes saluées et puis voilà, je suis partie. Avec la nette impression d'avoir renversé la tendance.

Elle a dû se prendre une sacrée soufflante pour changer à ce point d'attitude.

Waouh, quelle jubilation.

Je sais, on ne dit pas "hein" mais "comment". Mais je fais qu'est-ce que je veux.

dimanche 8 novembre 2009

Ah, elle est belle, la France!

Je dis souvent, sous forme de boutade, "ah, elle est belle, la France!" Mais vendredi soir, je l'ai pensé avec un rien d'amertume. Parce que ce marathon bancaire n'aura fait que renforcer l'idée que la société évolue bien plus vite que nos moeurs. On nous demande d'être toujours plus réactifs, de bousculer nos petites vies, parce que la crise, messieurs-dames, elle va nous manger tout crus.

Moi, je vois surtout des immobilistes vissés sur leur chaise, qui s'enfoncent toujours un peu plus dans le moelleux de leur fauteuil lorsqu'une personne vient les solliciter en les invitant à remettre en question les idées préconçues. Ils tiennent trop à leur confort pour envisager que, peut-être, eux aussi devront un jour se lever et voir la vie autrement.

Je posais hier la question, "c'est quoi, être français?"

Être Français, c'est prendre l'assurance pour de l'arrogance.

C'est ne pas supporter que l'autre réussisse. Ou envisage de le faire.

C'est jouer les rabat-joie, effrayer les audacieux, prédire le pire à ceux qui ont le malheur d'être sortis de leur chaise.

Être Français, c'est ignorer sa chance. Ignorer qu'ici, la liberté d'agir existe encore. Ignorer que, à l'instar des autres pays dits "développés", on peut innover, avec des moyens similaires.

Être Français, c'est instaurer des freins humains, surpassant les obstacles financiers déjà importants.

Être Français, c'est chercher sa place dans la société, s'y installer et ne plus en bouger. C'est devenir intransigeant avec les autres tout en réduisant ses propres exigences envers soi-même.

Je généralise? Je véhicule des clichés? Bien sûr. J'ai eu la chance de rencontrer un tas de personnes qui contrediraient ce portrait. Des entrepreneurs, qui osent, mais aussi des amis, qui forcent mon admiration au quotidien. Parce qu'il en faut, de la force, du courage et de la conviction, pour aller à contre-courant de toutes les valeurs établies.

Pourquoi je parle de tout ça? Parce que, comme je vous le racontais dernièrement, j'ai beaucoup entendu ce terme: autodidacte. Sincèrement, je l'ai toujours bien aimée, cette attribution. Avant même d'envisager une reconversion, j'ai toujours imaginé les autodidactes comme des personnes qui se sont débrouillées par elles-mêmes, qui ont tracé leur propre voie, qui ont du caractère. Et qui sont sorties des sentiers battus.

Sauf que là, c'est différent. Ce terme s'applique cette fois à mon propre cas et cela devient un handicap. "Vous êtes autodidacte", m'a-t-on dit, avec une moue même pas déguisée. "Vous n'avez pas d'expérience".

Peu importe que vous cherchiez à "rattraper" votre retard. A apprendre de tous les côtés. Doit-on rester figé à ce point dans nos schémas? Journaliste un jour, journaliste toujours?

J'entendais à la télé un homme dire qu'il n'était pas particulièrement fier d'être Français, dans le sens où il n'avait rien fait de spécial pour l'être. Il était né là, point. Il n'a pas eu à se battre pour son "identité nationale". Je ne peux qu'approuver ces propos. Comme lui, j'ai eu la chance de naître dans un pays libre, riche de son histoire, de sa géographie et de ses arts multiples. Mais aujourd'hui, je n'en tire aucune fierté.

La seule fierté que je ressentirais, en toute honnêteté, c'est de m'être construite toute seule, si j'arrive au bout de mes objectifs. Le reste, c'est de la littérature.

samedi 7 novembre 2009

C'est quoi, être français?

Je suis née à Paris et nous avons emménagé, avec ma famille, à Tremblay-les-Gonesse (aujourd'hui rebaptisée Tremblay-en-France) alors que j'avais trois mois. Dans le 9-3, comme on dit maintenant. Issue de la classe moyenne, notre famille s'est installée au douzième étage d'une tour de 24. En banlieue, donc, dans ces immenses ensembles tant décriés, où il est dit que l'on ne peut pas grandir sans séquelles.

Je serais incapable de dire si, aujourd'hui, c'est encore le cas. Je n'y vis plus, ayant troqué ma vie de banlieusarde contre celle de provinciale. Mais à la fin des années 70, on y vivait bien, si je m'en réfère à mes souvenirs d'enfance. C'était pas le luxe, bien sûr. Mais ce n'était pas traumatisant.

Alors, oui, c'est vrai, le niveau scolaire n'était certainement pas aussi bon qu'on aurait pu l'espérer - lorsque je suis arrivée en CP à Nantes, ma maman a été convoquée par l'institutrice, catastrophée que je n'aie "aucune base". Pourtant, je garde de jolies images de cette époque.

Le seul choc est survenu en arrivant à l'école - à Nantes, donc. Je me suis demandé pourquoi il n'y avait que des blancs. J'avais 6 ans, et j'avais grandi dans la "mixité". Ce concept qui effraie aujourd'hui quelques politicards douteux, lesquels cherchent, à coups de débat national, de charters et de grands effets d'annonce, à chasser l'idée d'un mélange pluri-ethnique. A effacer ce qu'est la France aujourd'hui.

Pourquoi? Pour rendre à la race sa pureté? C'est marrant (enfin, façon de parler), c'est un discours que l'on a déjà entendu.

Je n'ai pas la prétention de faire de la politique, ni de dire aux autres ce qu'il faut faire - qui suis-je, pour cela ?- mais le devoir, simplement citoyen, de réagir. Certaines attitudes m'écoeurent au plus haut point et ce racisme latent est tellement banalisé, de nos jours, que si personne ne dit rien, arrivera un jour où tout le monde se taira en souriant quand quelqu'un dit un truc, comme:

"Pourtant, ils sont marocains, ben, je vous jure, hein, ils sont bien."

Ou : "Je ne veux pas aller dans le métro, j'ai peur des noirs."

Ou encore : "ah, moi, je ne pourrais jamais sortir avec un noir."

Ou enfin, devant l'arrestation d'un voleur, dans un supermarché : "évidemment, ça ne pouvait être qu'un Arabe."

Je n'en peux plus de voir des gens dits "normaux" acquiescer et parler dans la seconde de la météo, comme si la gravité des propos entendus ne les touchait pas. Je suis naïve? Oui. Utopique? Oui.

Ça m'a valu quelques sérieuses prises de bec, j'ai même entendu que "j'essayais de les défendre." "Les"? Qui ça? Les Arabes? Les Noirs? Les autres?

Non, je n'en peux plus de cette généralisation. Paradoxalement, ce n'est pas un acte raciste qui déclenche cette réflexion, aujourd'hui, même si la lecture d'un excellent édito - que je vous conseille vivement - m'incite à écrire le fond de ma pensée.

Hier soir, à l'issue de mon marathon bancaire, je suis passée voir Christiane, la "gentille". La semaine passée, je lui avais raconté, par mail, le couac avec le FONDES. Abasourdie, elle qui m'encourage depuis le début, elle avait alors pris son téléphone, appelant la personne en question. Qui lui a confirmé que "mon profil d'autodidacte" l'avait poussée à rejeter mon dossier.

Elle a levé les yeux vers le ciel. Un ange est passé. "Quand je pense à votre travail..."a-t-elle soupiré. Elle m'a alors raconté la conversation qu'elle avait eue avec l'une des quatre banquières rencontrées, au détour d'une entrevue professionnelle. "Elle trouvait que vous étiez très sûre de vous (ah, ah ah, quelle ironie, moi qui ai toujours manqué de confiance en moi), que vous aviez beaucoup d'assise, elle m'a même dit que ça se voyait que vous étiez journaliste."

Pardonnez-moi d'avoir eu une ancienne vie, pitié!

Avant de reprendre: "J'ai l'impression que tout ça lui a semblé trop." Christiane n'a pas caché son empathie. "Vous savez, c'est triste, mais un si gros dossier, ajouté à votre détermination et votre aplomb, cela a sans doute joué contre vous."

Le pire, c'est qu'elle a raison. Montrez-vous faible et on vous balaiera d'un geste, estimant que vous n'avez pas les épaules pour porter un projet. Soyez perfectionniste et on cherchera la petite bête. Foncez, prouvez vos ressources et l'on prendra votre assurance pour de l'arrogance.

Et le Français, il n'aime pas ça, l'arrogance. Rester dans le rang, c'est quand même tellement plus judicieux...

Voilà, c'est ça, être Français. Ce n'est pas tous les jours réjouissant.

To be continued...

vendredi 6 novembre 2009

P'tête ben que oui...

Intérieur nuit - l'héroïne est en proie à une terrible difficulté: pas moyen de décoller ses paupières. "Lève-toi, petite fainéasse, lève-toi" lui crie son petit instrument de torture - un ridicule réveil, pff- toutes les cinq minutes.

Intérieur jour - l'héroïne a surmonté son terrible handicap et semble prête à affronter les nouveaux affres quotidiens. Quelques signes, néanmoins, devraient l'inciter à la prudence. En témoigne cette tâche d'encre qui a recouvert le lino du salon, résidu d'une cartouche finalement pas si vide que l'héroïne a voulu secouer. Avant de renverser son thé brûlant sur la table. Pas réveillée, décidément.

Extérieur jour- L'héroïne a l'impression d'avoir enfin les idées en place, en témoigne sa forme qu'elle juge bonne, après un rapide coup d'oeil dans le miroir de l'ascenseur. D'un pas décidé, elle file vers la banque, troisième du nom dans ce marathon. Là, elle croise un copain. Qui la regarde, un rien affolé : "oh la la, la tête que t'as!"

Y'a des jours où on ferait mieux de rester au lit.

Bon, je vais arrêter de me prendre pour Alain Delon et tenter de poursuivre le récit là où il en était. Donc, aujourd'hui, je présentais mon projet aux deux banques a priori plus ouvertes que les autres.

Ça commence par la plus consciencieuse de toutes. Et j'écris pas ça parce qu'elle est susceptible de lire ce blog. Non. Elle a pris soin d'éplucher le dossier et, au vu des notes que j'aperçois, elle s'y est attardée. Elle a également pris le temps d'aller voir le local. Elle me parle comme si ça allait se faire. Et en même temps, elle pose les questions qui fâchent. En fait, il n'y a pas de pièges, elle attend simplement de voir si oui ou non, j'ai réfléchi à toutes les incidences que mon projet allait avoir sur ma vie future.

Elle est honnête. Elle me parle de ma motivation, du "pouvoir" que j'ai (ah ah), pour avoir mené le projet au bout, qui plus est en y adjoignant des associés (je ne vous en ai pas parlé? Je ne sais plus. Une autre fois, bien sûr). Mais aussi, éternel refrain, de mon manque d'expérience dans la restauration. Rien que du classique, mais elle ne me ferme pas la porte. Elle va monter le dossier. Je sors de là avec l'impression d'avoir été auscultée de partout, mais plutôt ragaillardie.

L'après-midi, la quatrième-dame-de-la-banque rentre en scène. En fait, c'est ma banque. Et je lui ai parlé de mon projet bien en amont. Du coup, elle a fait le nécessaire de son côté, en a parlé à son supérieur - "il était très enthousiaste!" ajoute-t-elle - et je la sens prête à me faire signer l'accord de prêt. Quoi, quoi, un miracle ?

Il y a un hic, évidemment. Elle n'a pas relu le dernier prévisionnel, restant sur une demande de financement inférieure à ce que je demande aujourd'hui. Gros blanc. Nous sommes aussi gênées l'une que l'autre, en témoignent nos jambes que nous croisons et qui s'entrechoquent sous le bureau.

Hum.

Je lui explique le pourquoi du schmilblick. Je la sens tellement motivée (!) que la confiance revient aussitôt. Elle prend tous les documents nécessaires au montage du dossier et m'évoque un "accord de principe". Dans dix jours, peut-être.

Rien n'est acquis, mais là-dessus, pas de surprise. Je n'ai entendu aucun "non" au bout de ce marathon. J'ai eu l'occasion de défendre mon projet, mes convictions. J'avoue que, désormais, je perds un peu le contrôle de la situation puisque ce sont des comités qui vont statuer.

J'ai l'impression d'être sur le quai de la gare et de voir s'éloigner le train. Sauf que je garde espoir: je pense qu'il va revenir me chercher. Dans dix jours, vingt, trente, je n'en sais rien et l'attente va être longue, bien sûr. Fructueuse, on verra. Pleine d'optimisme, j'espère.

Demain, si vous le voulez bien, je vous parlerai de ma conception de l'identité nationale.

Va y avoir du sport.

jeudi 5 novembre 2009

Décortiquage en règle

1h37 du matin, annonce le réveil. Je viens de me coucher, après avoir reculé l'heure d'affronter mes angoisses nocturnes - et rattrapé le retard après mon break. Allez, une page et je m'endors, hein? Une page. Deux. Trois.

Impossible de dormir.

Je sais que ce jeudi et ce vendredi vont être déterminants. Je rencontre les quatre banques que j'ai déjà sollicitées, cette fois pour monter, de façon définitive, le dossier. D'où l'insomnie.

D'où les spasmes.

Je me replonge, résignée, dans le recueil de nouvelles que j'ai entamé. "Je suis très à cheval sur les principes", raconte David Sedaris. Ben moi aussi. Et l'un de mes principes de base, c'est de dormir. Ça va pas du tout.

Pourquoi je flippe? Je les connais, ces quatre femmes. Elles ont toutes réagi de façon enthousiaste à mon projet. Il y en a deux qui me semblent néanmoins plus difficiles à convaincre. Celle que je vois le matin. Dans quelques heures, donc. Et l'autre, l'après-midi.

2h08 - Je suis déçue, je ne le trouve pas super drôle, ce Sedaris, lui qui est pourtant un humoriste new-yorkais reconnu, paraît-il. Mouais, on n'a pas le même humour. A moins que mes réflexions intérieures permanentes ne me perturbent quelque peu. Mince, j'ai oublié d'imprimer un document. Et pour la garantie, au fait? Et qu'est-ce qu'ils font tous, dans ma tête, ces neurones, là, peuvent pas dormir, comme tout le monde?

2h45- Un ami m'a supplié de "débrancher" la semaine passée, alors que j'étais trop énervée pour supporter la mollesse de Mlle Chambon. Je veux bien, moi, mais c'est où, la prise?

5h43 - J'ai réussi! J'ai réussi! J'ai dormi!!! Alleluia.

7h42 - Là, faut vraiment que je me lève.

C'est donc dans des conditions optimales - cerveau embrumé, cernes rehaussant magnifiquement mon teint pâlot - que je suis arrivée dans le bureau de la première dame-de-la-banque. C'est la plus jeune de toutes, pas la moins sévère.

La partie va être serrée.

Elle a lu le dossier que je lui avais remis. Et l'a décortiqué. Ça commence mal, elle me demande de tout résumer, "parce que là, je n'y comprends plus rien, c'est le fouillis dans ma tête." Elle tique sur le montant demandé. C'est trop, par rapport aux besoins réels et immédiats. Niveau emprunts, je vais douiller. Puis rentre les chiffres des charges, personnelles ET professionnelles. Me montre le logiciel de calcul qui indique, à la case verdict, "à rejeter".

En rouge.

Parce que le logiciel, là, il estime que quand tu as un enfant à charge, tu ne peux pas vivre avec moins de 1200 euros par mois. En dessous, interdit d'entreprendre, t'as pas les moyens. Se serrer la ceinture pour réaliser son rêve? Le logiciel, il dit niet.

Bon, la première-dame-de-la-banque, elle est quand même humaine. Elle me dit qu'elle ne peut pas présenter mon dossier "au-dessus", "parce que ça vous grillerait et que je ne peux ignorer votre motivation depuis le début." Alors, elle va demander l'avis de son directeur et elle me rappellera. Me précise de voir ce qu'en pensent les autres banques.

Je sens qu'elle aimerait bien, mais que la voix du logiciel résonne dans son esprit et que c'est compliqué de jongler entre coeur et raison. "Vous n'avez déjà pas d'expérience dans le domaine, alors le dossier doit être béton, sinon il va être rejeté. Je ne doute pas de vos compétences, je sais que vous pouvez le faire. Mais pas eux."

Je sors, un peu mitigée, forcément. Elle ne m'a pas dit non, c'est déjà ça. Puis, je récupère un téléphone (le mien avait rendu l'âme ce week-end) et j'écoute mes messages. Deux proviennent de la fronceuse de sourcils. Elle dit vouloir m'inscrire au comité pour obtenir les prêts d'honneur.

Alleluia.

Je la rappelle, son ton a radicalement changé par rapport à nos précédentes conversations. Tout va bien, elle ne parle plus avec des "si" mais avec des "quand". Je passe en décembre devant ce comité. D'un coup, la route s'ouvre. Je ne suis plus fatiguée.

En pleine euphorie, j'arrive dans le bureau de la deuxième dame-de-la-banque. Depuis le début, elle n'a pas caché sa perplexité quant à la rentabilité financière de mon entreprise.

La partie va être serrée.

Elle n'a pas lu le dossier que je lui avais remis. Ça commence bizarrement, elle le consulte devant moi. Montre son enthousiasme, ne tique pas sur le montant demandé. C'est normal, par rapport aux besoins réels et immédiats. Puis rentre les chiffres des charges personnelles. Je vois des cases sur son ordi.

Mais pas de rouge.

Elle trouve que je vais gagner peu. Mais comprend que mon envie de réaliser mon rêve me pousse à me serrer la ceinture. Elle prend tous les documents, sourit et m'annonce: "voilà, réponse dans trois semaines. Personnellement, votre projet me botte, depuis le début, et puis vous n'avez pas de concurrence proche, et puis avec les employés du coin, vous aurez votre clientèle, et puis..." Euh, madame, vous ne voudriez pas m'accompagner au comité?

Rien à dire, la deuxième-dame-de-la-banque, elle est quand même très humaine. Nous prenons même le temps de discuter d'un voyage en Inde d'où elle revient. Je lui proposerais bien d'en discuter devant une tasse de thé, mais il me semble que je pourrais le faire dans quelques semaines, d'un coup...

To be continued...

mercredi 4 novembre 2009

Entre deux

Je vous ai manqué? Non?

Pas de souci, je ne me vexerai pas. De mon côté, je vous avoue que j'ai retrouvé avec une certaine impatience mon ordi, et qu'il me tardait de lire commentaires et mails. D'autant plus qu'avant de partir (fuir?), j'avais balancé deux, trois bouteilles à la mer aux formateurs de l'AFPA, notamment, relatant ce refus que j'ai si mal pris, sans chercher à masquer ma colère.

La réponse n'a pas tardé, à vrai dire, et me laisse penser que tout n'est pas perdu.

D'ailleurs, je le pense aujourd'hui. Mais, ce qui est fou, c'est cette incertitude, née d'une porte fermée, quand j'étais si confiante, malgré tout, quelques heures plus tôt.

Je ne dis plus "quand", mais "si". J'ai arrêté le "quand je serai au restau", mais "si j'ouvre mon restau." Déchargée de cette sorte d'arrogance qui me faisait dire "quand je serai chefière", j'avance à pas de loup et j'observe les réactions. "Si j'ouvre en janvier" me remet les pieds sur terre.

Je fais comme si tout cela n'était pas si important. Comme si je savais déjà que, quoi qu'il arrive, j'allais trouver une solution. Comme si mon sort ne dépendait pas du bon vouloir des banques. Finalement, ça m'enlève un poids.

Mais, je me dois d'être honnête : j'aimerais autant sentir la pression, aussi vite que possible.

En fait, je me sens entre-deux. Dans une espèce de bulle où je me vois d'un côté m'activer, rassemblant les morceaux du puzzle au fur et à mesure, et de l'autre, rester là, pensive, attendant que les choses se décantent.

Parce que trop d'émotions me rongeaient, j'ai eu besoin de dire stop. De me concentrer sur des choses basiques. Tenter de dormir, prendre le temps de jouer avec loulou, discuter de tout et de rien avec la famille, voir des amies de longue date.

Apprendre que mon arrière grand-mère tenait un restaurant (avant de succomber à une tuberculose, mais enfin, c'est ce genre de détails qu'il est sage d'omettre, parfois), dans les Hauts de Seine.

Tester de nouvelles recettes et rire de la moue paternelle - "mouais, pas mal" - en songeant que le goûteur ne sait pas faire cuire un oeuf.

A force d'être la tête dans le guidon, j'avais un peu oublié certaines sensations. Vous l'aurez compris, le moral -qui n'a pas fini de jouer aux montagnes russes - est remonté. A la même heure demain, il sera peut-être de nouveau au plus bas: j'enchaîne deux rendez-vous avec les banques ce jeudi, deux le vendredi.

Apaisée, un peu, confiante, moyennement, mais toujours motivée.