samedi 31 octobre 2009

J'avais des rêves

Il y a un an, le 31 octobre 2008, je quittais mon bureau pour l'ultime fois. J'avais rangé les derniers papiers, vérifié que je n'avais rien oublié, ouvert les tiroirs, jeté un oeil sur le mur, que j'avais vidé de toute trace de mon passage. J'ai rangé la chaise et j'ai filé.

Dehors, il faisait un froid sec. Intérieurement, je jubilais. J'allais devenir demandeuse d'emploi mais je quittais un monde devenu trop hostile.

J'ai tourné la page. Regardé les feuilles voler au vent, au départ, passé du temps à buller, simplement, sans culpabilité. Fait du sport. Pris le temps pour tout. Savourer le plaisir d'exister, pour soi.

Rapidement, j'ai eu besoin de me projeter. Il y a eu le bilan de compétences, où Anne-Lise m'a encouragée à suivre mon inspiration, à concrétiser mon rêve. Il y a eu les premières réunions d'information sur la création d'entreprise, l'impression d'entrer dans un monde inconnu, mais attrayant.

Un monde où j'aurais ma place, à ma petite échelle.

Ensuite, tout s'est enchaîné. Les rencontres, les démarches, les formations, la découverte, les joies, l'euphorie, la difficulté, le découragement, le doute, l'angoisse. L'enthousiasme, la motivation, la volonté de se dépasser.

Il y a eu les déboires et les mauvaises surprises. La liberté d'assumer seule sa nouvelle vie et la réalité quotidienne. L'envie de s'évader et de s'ancrer durablement ici.

J'avais des rêves, voilà un an.

Aujourd'hui, ils sont plus vivants que jamais.

J'ai longtemps craint que mon pire ennemi - moi-même - me mette des bâtons dans les roues. Je m'aperçois que le manque d'ouverture de certains dépasse très largement ma propre intransigeance.

Oui, je suis évidemment en colère contre ces organismes qui ne donnent même pas la chance aux créateurs de présenter - au moins - leur projet. J'en ai marre que certains ne prennent pas le temps de consulter les dossiers, avant de décider de notre sort. On nous encourage à entreprendre, on nous présente certaines aides comme des sésames, on nous assure qu'on va être aidé, en tant que demandeur d'emploi... Là, je vois surtout tout mon investissement personnel depuis un an, les frais que j'ai pu engendrer dans ce sens, mine de rien, l'énergie dépensée et au bout, des gens qui décident de mon sort sans que j'aie mon mot à dire.

Je vais, comme me l'a suggéré la chargée de mission du FONDES, solliciter d'autres organismes. Qui auront tout loisir de m'assurer que la restauration étant en crise, nous sommes désolés, mademoiselle, de ne pouvoir donner suite à votre demande. Je me demande, surtout, à quoi bon former des gens vers la création d'entreprise si, au bout, c'est pour nier tous les efforts et nous renvoyer dans nos 36 mètres.

Peut-être le problème vient-il d'ailleurs. Sans doute mon profil d'autodidacte ne correspond-il pas à ce que l'on attend d'un chef d'entreprise. Peut-être suis-je trop fantaisiste, trop idéaliste pour convaincre ces sachants. Sans doute, oui, suis-je trop seule aussi, pour les rassurer.

On me l'a dit: "c'est sûr, si vous viviez avec quelqu'un, on pourrait vous financer sans souci."

Mais c'est paradoxalement ce contexte qui me pousse à me battre, avec cette énergie - que d'aucuns appelleraient - du désespoir. C'est cette envie de vivre autrement qui m'enjoint de créer, sans attendre que quelqu'un vienne me prendre la main.

Je ne baisse pas les bras, je continue de croire que mon projet va aboutir. Comment, je n'en sais rien, tant cette mauvaise nouvelle ne laisse rien augurer de bon, mais je ne perds pas espoir.

J'ai seulement conscience d'une chose, aujourd'hui; le 31 octobre 2008, j'avais cette incroyable chance de nager en pleine insouciance, persuadée que, lorsqu'on veut, on peut.

PS: Je file quelques jours, retour prévu mercredi, où je prendrai le temps de lire et de répondre à vos éventuels commentaires... Bon week-end à vous.

vendredi 30 octobre 2009

Ça va pas la tête?


Puisque je suis chez moi ici, j'en profite pour souhaiter un joyeux anniversaire à mon loulou. 6 ans. L'âge de raison, même s'il ignore qui est ce "raison" dont on lui parle...
Ça va pas la tête? Qu'il semble me dire. Et c'est en substance ce que je viens d'entendre. J'ai reçu à l'instant un coup de téléphone du FONDES, organisme de garantie à l'intention des femmes créatrices. Et à vrai dire, le ciel m'est un peu tombé sur la tête.
"J'ai bien réceptionné votre dossier. Vu le taux de sinistre enregistré dans la restauration, je vous propose de ne pas perdre votre temps. Hier, nous avons eu un comité, il y a eu 98% de refus sur ce secteur. Le seul qui est passé concernait une reprise, mais voilà, pour vous, ça ne passera pas."
Boum.
Boum.
Boum.
La personne, charmante au demeurant, m'annonce juste qu'avant même de tenter ma chance, je suis boulée. Je peux même pas jouer.
Je me suis rebellée. La pauvre, elle a dû subir ma colère. Enfin, pas contre elle, je sais bien qu'elle reste un peu impuissante dans l'histoire. Mais ce système est pourri, il n'y a pas d'autre mot. La crise, un taux de chômage qui ne cesse de grimper, des gens qui se retrouvent démunis?
Créez votre emploi! Créez votre entreprise!
Il y a tant d'aides pour les demandeurs d'emploi! Si!
Depuis début 2009 où j'ai entamé concrètement cette création d'entreprise, on ne cesse de m'évoquer le FONDES, cet organisme apparenté à un sésame. Ils aident les femmes en apportant une garantie bancaire à hauteur de 70%. Merveilleux, n'est-ce pas?
On nous laisse croire que tout est possible, qu'il existe en France suffisamment de compétences et d'écoute pour nous soutenir, vaille que vaille, dès lors que l'on a envie d'entreprendre, de se donner à fond, de changer de vie, de sacrifier quelques acquis.
La semaine prochaine, je rencontre les banques. Et je vais pouvoir leur dire que l'organisme-qui-soutient-ces-courageuses-folles-créatrices-d'entreprise ne me soutient pas, en l'occurrence. N'essaie même pas de le faire.
Je ne vais jouer les Caliméro. Je n'aime pas jouer les victimes. Mais là, j'ai les boules. Dans leur schéma,mon projet n'est rien d'autre qu'une nouvelle future faillite. Je ne pourrais même pas expliquer que son concept est alternatif, qu'il a pris en compte la sinistrose actuelle.
Qu'il va marcher.
Voilà. J'ai raccroché. Les larmes aux yeux, comprenant ainsi à quel point je suis accrochée à cette nouvelle vie que j'ai dessinée. Je vais aller rayer le rendez-vous que j'avais pris, initialement, avec le FONDES.
Les mots résonnent encore. "Pas la peine de perdre votre temps"
Ça ne fait jamais qu'un an que je suis là-dessus. Je suis parfaitement conscience que tout ceci, quelle que soit l'issue, ne sera pas vain. Si par malheur, le projet n'aboutissait pas, sans doute trouverais-je les ressources pour rebondir. Il faudra bien vivre, de toute façon.
Mais là, c'est la colère qui prend le dessus.

jeudi 29 octobre 2009

Pirouette, cacahouète

Voilà peu, je vous avais donné un indice, concernant le nom du restau. Je ne sais pas si l'heure est réellement venue de vous l'annoncer car, après tout, ce lieu n'est pour l'instant que dans ma caboche, pas vrai? Mais on va faire comme si.

Trouver un nom pour son commerce, c'est le même cirque que pour son môme. Un vrai casse-tête. Voilà six ans, mon loulou, que j'appelais tendrement Tanguy - il ne voulait pas sortir du ventre de sa môman désespérée et impatiente. Il est arrivé quatre jours après la date prévue -bref, Tanguy était encore ce petit être sans identité. Tom? Sacha? Cassandre? A vrai dire, nous avions arrêté notre choix, à cette date, mais le doute a longtemps plané.

Le parallèle est idiot mais réel. Ce restau, c'est aussi mon bébé. Sauf que, contrairement au prénom de mon fils - après tout, c'est tellement subjectif - j'ai besoin que son nom plaise. Disons que ça facilitera la venue des clients. Pour le reste, j'aime autant que l'on aime le prénom de loulou mais ce n'est pas ça qui l'empêchera d'exister, si vous voyez ce que je veux dire.

Non? Bref.

J'avais envie que ça me ressemble, évidemment. Qu'on identifie le lieu comme un joyeux bazar, une sorte de tourbillon, du tohu-bohu, un charivari... Finalement, c'est un jeu de mot avec le thé qui s'est imposé. Je l'ai apprivoisé, doucement et au moment où je pensais l'adopter, boum, changement de programme, tout ceci est apparu un peu guindé. Il me fallait quelque chose de plus ludique. D'où l'indice.

Oui, j'ai songé à l'appeler : "Va jouer, maman cuisine!"

Mais voilà. C'était trop long. Péjoratif, aux yeux des femmes qui entendaient dans le "va jouer", un "dégage" peu avenant. OK. Même joueur joue encore.

Après quelques séances de brainstorming improvisé, par mails interposés, les tendances se sont dégagées. J'aimais certaines expressions, hélas déposées. Du genre Carpe Diem, Sweet Home... Il en restait deux en course. Un p'tit nouveau avec une connotation sympa et pas prétentieuse. Et l'autre... Mon choix initial.

Mon loulou n'aime ni l'un ni l'autre. Lui veut qu'on l'appelle: "le restau des pirates". Oui, mon chéri, bien sûr. Ou "on n'a pas trouvé le nom du restaurant". Au moins, c'est dit. Mais pas très commercial...

Bon, vous l'aurez compris, j'ai écouté les suggestions des uns et des autres, me suis bien trituré l'esprit avec tout ça, avant de mettre la question en veilleuse, le temps que cela mûrisse.

Aujourd'hui, je suis allée relier mon nouveau macaron rose, dans sa centième version, au moins. Je souhaitais en effet en déposer un exemplaire à chaque banque avec qui j'ai rendez-vous la semaine prochaine. Et j'ai franchi le pas: j'ai modifié la couverture.

J'ai encore un peu de temps pour déterminer, de façon officielle, le nom du restau mais je crois que ça y est, je suis fixée.

Étant néanmoins de nature girouette, je vais me donner quelques jours encore pour vous le dévoiler...

mercredi 28 octobre 2009

L'âge de raison

Mon loulou trépigne. Dans deux jours, c'est son anniversaire.

Un ami lui fait remarquer : " 6 ans ? Tu vas bientôt avoir l'âge de raison."

Loulou le regarde:

"C'est qui, raison?"

mardi 27 octobre 2009

Zoé est partie

Elle avait son caractère, ses habitudes. Un appétit gargantuesque.

A l'aise partout, elle a paradoxalement pris de plus en plus peur des autres. Du bruit, du mouvement. Elle effrayait ses semblables et je n'étais pas toujours fière de ses entourloupes. Mais je l'aimais.

Depuis quatorze ans, elle était là, dans un p'tit coin de ma tête. Je lui ai lâchement donné une nouvelle maison, voilà trois ans, parce que je pouvais lui accorder moins de temps, moins d'espace. Mais j'avais toujours à l'esprit son petit manège lorsqu'elle venait se lover contre moi, au creux de mon ventre.

Parfois, elle me rendait folle. Je me souviendrais toujours de nos courses-poursuite, de son regard implorant lorsque je l'avais délivrée, après quatre jours passés dans une armoire. Quand j'étais malade, elle venait me réchauffer. De temps en temps, aussi, je lui parlais, comme à une confidente. Elle me fixait, clignait des yeux et, tournant sur elle-même, se posait là, droite. Sa présence seule suffisait à m'apaiser

Lorsque j'attendais mon fils, voilà six ans, je l'ai surprise à maintes reprises dans le petit lit, sentant instinctivement qu'elle allait perdre le monopole de la tendresse. Ce fut le cas, hélas. Moins présente pour elle, je savais aussi que c'était dans la logique de la vie.

La logique de la vie, comme le chante si bien Charlie Winston, c'est que l'on finit tous de la même façon.

We all kick the bucket in the end.

Zoé est partie ce matin. Ma p'tite boule de poils noirs et blancs. Ce n'était qu'un chat, certes. Mais c'est toujours une page qui se tourne, le sentiment qu'un être, quel qu'il soit, vient de nous quitter et que seuls les souvenirs pourront désormais ranimer notre mémoire.

lundi 26 octobre 2009

Le jour des non

Réveil en sursaut, ce matin, j'étais en plein cauchemar. Un oeil sur l'heure, 6 heures du mat', non, je ne vais pas me lever si tôt, après cinq petites heures de sommeil. Je me rendors. Enfin, j'essaie. Je me tourne, me retourne. Non, me susurre la petite voix, ça ne sert à rien, lève-toi plutôt...

Je finis par me résigner, et puis après tout, la journée est chargée, autant démarrer tôt. Sauf que mon corps dit non. La migraine me prend et ne va plus me quitter de la journée.

J'arrive chez l'experte-comptable. Qui m'a envoyé un message, hier dimanche, alors qu'elle était en route vers le déjeuner familial. "J'arrête pas de penser à toi, faut dire!" (je précise que c'est une amie, initialement...) Elle s'inquiète. A fait de jolis tableaux - j'avoue, ça me fait chaud au coeur.

On reprend le prévisionnel. Elle ne me dit pas non. Mais me laisse affiner mon jugement. On revoit ensemble les postes, un par un. Il y en a un qui coince sévèrement. Les charges patronales.

Car dans ma petite entreprise, que je devais initialement conduire seule, j'ai rajouté du personnel au fur et à mesure. Deux personnes qui ont montré beaucoup de coeur et de motivation à venir me rejoindre dans cette aventure. Cela m'a donné beaucoup d'énergie et l'impression d'une dimension nouvelle. Sauf qu'à un moment donné, ça coince au niveau des chiffres. L'experte-comptable me regarde, d'un air interrogateur. Elle comprend que j'ai compris.

"Finalement, on revient au projet de base", lui dis-je. Seule aux commandes. D'une TTPE (toute toute petite entreprise). Pas d'un établissement où les serveurs partagent les pourboires. Non, un truc tout minuscule avec une capitaine sans matelots.

Tiens, c'est marrant, on m'a reparlé du joli "Mangez-moi" d'Agnès Desarthe, ce week-end, où la tenancière monte son 'ti restau et dort dedans, en cachette, faute de moyens. Mon interlocuteur m'a dit que ça l'avait fait penser à ma propre situation... Pourvu que je puisse toujours rejoindre mon home sweet home le soir, ça me va bien. Surtout si le fournisseur de légumes est physiquement intelligent.

Bon, je m'égare mais j'entends déjà les "non" des tristes sires qui vont une nouvelle fois tenter de m'alerter. Non, tu n'y arriveras pas toute seule, en salle et en cuisine. Je les rassure, je ne les ai pas attendus pour réfléchir à la question et, pour tout dire, cela ne constitue pas ma plus grosse angoisse.

Bon, ensuite, il faut annoncer cela aux intéressées. Non, on ne pourra pas travailler ensemble, dans l'immédiat. Non, on ne peut pas rêver en grand, pour l'instant.

A vrai dire, une partie de moi s'en doutait, la petite voix de la raison qui m'oblige à me lever très tôt. L'autre voix, plus fantaisiste et rêveuse, imaginait un tel scénario possible. Elle s'est fait chasser d'un grand coup de balai.

Pourtant, ce soir, je ne suis pas lasse comme je l'étais ce week-end. Je prends cela avec (un peu de) philosophie. Si tout se passe comme je l'espère, les choses évolueront et je pourrais m'attacher les services de ces personnes. En attendant, je vais continuer de mener ma barque toute seule, sans m'écouter trop, encore une fois.

Pourquoi répéter ce que j'ai déjà écrit hier? Du fait de ce mail, reçu ce matin. Il provenait de Flore - et non pas Fleur, comme je l'avais nommée lors de notre première rencontre - qui souhaite également se lancer dans une aventure similaire. Elle m'écrivait :

"Je viens de rattraper mon retard sur le blog. Pas évident, tous ces états d'âme et cogitations qu'entraîne la mise en route d'un projet."

Là, j'ai un peu culpabilisé. Je ne suis pas sûre que tout le monde le vivrait ainsi. Je vis les événements avec sans doute trop d'émotions, de sensibilité mais, non, je ne regrette pas un instant de m'être lancée là-dedans, malgré mes doutes (!). Je relativise. J'ai des personnes autour de moi que la vie n'épargne pas, actuellement. Alors, sans minimiser les entraves que j'ai pu rencontrer, j'ai conscience que tout cela est très positif. Et que cette difficulté que j'évoquais hier ne serait que dérisoire pour un tout autre "porteur de projet".

Genre, un homme. Ou même une femme, mais mariée ou en concubinage, une vie équilibrée, la tête sur les épaules... J'ai déjà entendu ce petit "ah, évidemment, si vous n'étiez pas toute seule, on se poserait moins de questions..."

J'envisage donc d'engager un escort boy - que je ne déclarerai pas, comme ça, pas de charges patronales, eh eh eh - ou bien de subir une lobotomie, afin d'éliminer toute trace de cerveau émotionnel. Comme ça, après, plus d'états d'âme à trois sous, je foncerai, comme un boeuf.

Problème. J'aime pas les gros lourds. Pas de raison que j'apprécie d'en devenir un. Anyone for a good solution?

Non, je n'ai pas fumé ce soir. Oui, j'ai simplement envie de finir la journée sur une note optimiste.

dimanche 25 octobre 2009

J'y vais mais j'ai peur

Faire le clown ou raconter les choses telles que je les ai vécues? La tentation de tout tourner à la dérision me guide régulièrement vers la première option, comme pour renforcer ma carapace.

Vis-à-vis des autres, bien sûr. Vis-à-vis de moi-même, aussi.

Je fais la maligne, je me défends bec et ongles et je crois dur comme fer à mon projet, mais parfois, je l'admets : c'est difficile. Compliqué. Lourd.

Malheureuse! Ne jamais avouer pareille vérité. Garder, coûte que coûte, ce masque de la fille entreprenante, qui ne doute pas. Je parle là de la vraie vie, bien sûr, puisqu'ici, je me suis déjà étalée (trop ?) sur mes coups de blues. Et globalement, comme je n'ai pas envie de devenir une pleureuse, je prends sur moi. Mais là, même si je ne devrais pas l'écrire, je le concède:

J'y vais, mais j'ai peur (Josiane, sors de ce corps).

Peur de ne pas être à la hauteur, bien sûr. Peur d'avoir trop rêvé, d'avoir imaginé un quotidien loin de la réalité. Oh, je sais, c'est normal de douter. Je ne regrette rien. J'avais besoin d'aller au bout du projet et je ne peux plus reculer, maintenant. Mais il suffit parfois d'un grain de sable pour que la carapace s'effrite et laisse place à une simple mortelle, qui ne peut réfréner une mélancolie envahissante au pire moment.

Je ne m'étendrai pas sur ce grain de sable, mais la façon qu'il a eu de me dévaster me conforte dans l'idée que je dois endosser de nouveau cette carapace. Cesser de m'écouter, foncer. Je n'ai aucune envie de revivre une semaine comme celle qui vient de s'écouler.

Petit rayon de soleil, néanmoins, une nouvelle copine, que j'avais rencontrée sur un stage de la Chambre de Commerce, ouvre sa boutique dans quelques jours. D'une grande sérénité, elle a tracé sa voie sans encombre et réalise son voeu simplement, sans cris, sans heurts. A côté, je me sens hystérique.

Elle aussi s'est forgé sa carapace, bien sûr, mais son calme et sa capacité à gérer plusieurs vies, comme elle vient de le faire, me réjouissent. Je ne serais jamais aussi zen, mais son exemple me laisse des raisons d'espérer que tout n'est pas si sombre.

Mouette 1, chef sachant 0

Quelque part en campagne, il est 19 heures passé, je devais arriver plus tôt pour préparer les feuilletés au chèvre mais la cuisson de mes 80 cannelés dans l'après-midi avait un peu perturbé mon planning. Mon amie, qui nous invite pour son anniversaire dans ce joli gîte, me rassure:

" R... a commencé tes feuilletés. Il a improvisé."

R... Le chef sachant.

Elle sourit. Moi aussi. Un peu jaune, j'admets, mais après tout, c'était à moi de ne pas être en retard.

J'arrive en cuisine. Son sourire à lui est triomphant. Vas-y que je te roule les feuilletés entre les doigts, pas du tout comme je le fais. Mais, c'est pas vrai, il est en train de foirer mon truc! Je lui dis bonjour, stoïque, il se frotte les mains, visiblement ravi de son effet. Et là, je sens que je vais me prendre une leçon de cuisine si je ne suis pas sortie dans les trente secondes.

"Tu vois, les feuilletés, mieux vaut les faire ainsi. Car pour l'apéro, c'est UNE bouchée. Pas deux." Il me l'a répété trois fois et j'ai pris la poudre d'escampette. Je n'étais pas venue pour ça. Ce que je ne savais pas, c'est que j'allais avoir ma petite revanche...

Vous allez me reprocher mon manque d'objectivité mais sincèrement, ses feuilletés n'avaient rien d'extraordinaire, trop secs et manquant du p'tit truc en plus. Normal, vu qu'il avait snobé ma recette d'apprentie-qui-doit-se-mettre-plus-bas-que-terre-devant-Môsieur-le-grand-chef.

Mais là où j'ai vraiment savouré, c'est au moment du dessert. Il avait préparé deux gâteaux, superbes. Des trucs de pâtissier, propres, jolis, clapclapclap. Sauf que plusieurs personnes ont décliné l'assiette qui leur était tendue. "Trop lourd", ont-elles justifié.

Les mêmes qui, quelques minutes plus tard, ont pris un de mes cannelés d'apprentie-qui-doit... (vous connaissez le refrain). Puis un autre.

Mouette 1 - Chef sachant 0

Oui, j'ai eu une réaction d'orgueil. Un peu puérile, même. Mais qu'est-ce que c'est bon...

vendredi 23 octobre 2009

Grosse fatigue

Trop énervée pour écrire sereinement - stop

L'impression de passer mon temps à avancer et reculer - stop

Je ne vous oublie pas - stop

Reviendrai rapidement par ici - stop

Cerveau non rangé - stop

Mais sinon, ça va- stop

si si, c'est vrai - stop

jeudi 22 octobre 2009

Je ne suis pas une superwoman

16 heures. Parfois, lorsque je jette un oeil au coin de l'ordi, et que s'affiche cette heure, je m'interroge quelques secondes sur l'intérêt de rester là, ou de profiter de mon fils, en allant le chercher à la sortie de l'école. Généralement, je réfrène mes envies maternelles, la raison l'emportant. Parfois, néanmoins, je me dis que cela nous ferait du bien, à l'un et l'autre, et patati, et patata.

Résultat, je me retrouve à la maison avec lui à 17 heures, en sachant pertinemment que, si je regarde mes mails ou l'avancée de mes travaux, j'aurais toujours autre chose à faire que de jouer ou discuter avec lui. Et donc, je me maudis d'avoir cédé à la tentation, en pensant qu'il aurait été plus judicieux de le laisser un peu avec ses copains, pendant que je finissais. Avant de le récupérer et de n'être là que pour lui.

Du qualitatif plutôt que du quantitatif, en somme.

Ces derniers temps, le nombre de tâches à accomplir ne m'a pas laissé trop le choix et je l'ai laissé à l'école plus longtemps. Depuis lundi, date de la signature, tout s'est accéléré et je ne sais plus trop où donner de la tête. Mon premier réflexe, je l'avoue, est d'avoir pensé le confier à son papa plus tôt que prévu, cette semaine. Et puis, j'ai réfléchi. A chaque fois que je fais cela, le manque n'en est que plus cruel car j'ai la sensation d'avoir provoqué la situation. D'avoir engendré, sinon mon malheur, au moins ma solitude.

Je savais aussi que la semaine allait être courte, puisqu'il partait ce jeudi chez son papa, pour tout le week-end. Et que, donc, j'aurais plus de temps pour bosser. Résultat, cette nuit, j'ai senti les premières courbatures, la fièvre et le mal de gorge. Moi qui pensais "profiter" de son absence pour avancer au maximum, me voilà, toute piteuse, l'oeil torve et le teint pâlot. Au moins, loulou a-t-il une chance de ne pas choper mon virus...

Je sais combien, pour les autres, cette attitude de s'en remettre systématiquement au papa, lorsque l'on est séparé, peut sembler facile et la preuve que l'on ne peut assumer tous les rôles au quotidien. Mais bon, comme mes congénères, je ne suis pas une superwoman. L'ex vous dirait également, je suppose, que ça a ses bons côtés, aussi.

Bref, cette semaine, j'ai accepté l'idée qu'il me faudrait bosser de nouveau, encore, le soir, tard, après le coucher du loulou - et l'histoire incontournable que l'on lit, bien pelotonnés sous la couette. Une habitude qui me donne invariablement envie d'aller moi-même me coller dans mon canapé douillet, ensuite. Bon, je lutte contre ma nature nonchalante et je finis toujours par retrouver de l'énergie. Mais je rêve du temps où ma seule question était de savoir quel film j'allais bien regarder ensuite.

J'ai accepté l'idée, aussi, de lâcher l'ordi quand nous sommes ensemble (enfin, j'essaie), d'aller plutôt se balader, pas forcément loin, mais juste le temps de se poser, savourer cette liberté et apprécier de vivre ce quotidien pas banal, au fond. Je n'ai pas envie qu'il grandisse avec le sentiment de deux êtres se côtoyant, mais qui ne partagent rien, sinon les trajets entre l'école et la maison, la sortie de bain et le coucher.

Parfois, il me dit que je passe trop de temps en cuisine. Il me fait payer les coups de fil, le soir venu, s'amusant à retourner l'appartement sens dessus-dessous pendant que je suis "ailleurs".

Alors, j'ai écouté son appel. En ce moment, on est sur un puzzle. 500 (toutes petites) pièces, c'est loulou qui a choisi. Autant vous dire que l'on en a pour un moment.

Cassandre est tout content. De mon côté, j'adore me concentrer là-dessus. J'imaginais cela pénible, cela me permet, au contraire, de me vider la tête.

Et au moins, lorsque vient l'heure du coucher, je n'ai plus l'impression d'être encore passée à côté de quelque chose.

mercredi 21 octobre 2009

Smile

Oui, je sais, je vous fais un peu faux-bond en ce moment (remarquez, vous aussi. Des commentaires au compte-goutte, c'est quoi ce bazar?), il faut dire que le planning est assez serré et les coups de fil nombreux. J'ai, je crois, réglé un problème qui me pesait beaucoup, celle de la fronceuse de sourcils, censée me soutenir mais trop perplexe pour ce faire. J'ai compris l'intérêt d'avoir le bras long, et c'est par ce réseau de gens-qui-connaissent-machin-qui connaît-truc que j'ai ce soir le sourire. Et l'espoir que ma demande de financement soit accepté.

J'avais également pris rendez-vous avec un fonds de garantie réservée aux femmes, mais aussi avec les quatre banques que j'avais déjà sollicitées. Je leur présente mon projet final début novembre, en espérant que tout soit calé d'ici là.

En raccrochant, je me suis fait la réflexion que les apparences sont trompeuses. Les banques, que l'on dit si frileuses, m'ont toutes accueillies avec enthousiasme (bon, sauf une, puisque la chargée de mission concernée était absente, mais ça compte pas). Alors que les fonds de garantie, ceux que l'on présente, en début de parcours de créa d'entreprise, comme des soutiens, s'avèrent les plus difficiles à convaincre.

Le FONDES, notamment, que l'on m'avait présenté comme LE sésame pour toute créatrice, a besoin d'un dossier en béton armé. "Vous comprenez", m'a expliqué la responsable - " très sympa au demeurant - nous avons fait nos stats pour 2009 et les plus gros sinistres concernent la restauration."

Ce midi, en allant déjeuner près de chez moi avec une amie, j'ai bien compris de quoi elle parlait. Cinq couverts à tout casser et une ambiance digne d'un ferry en pleine nuit de brouillard, waouh... Cet établissement n'est qu'un exemple, parmi tant d'autres, qui galère au quotidien. Alors, pourquoi suis-je si optimiste ce soir?

Parce que je suis plus forte que les autres? Naaaan.

Parce que je cuisine mieux que Darroze & Ducasse réunis ? Naaaaaaaaaaaan.

Parce que je suis la meilleure commerciale du monde ? Naaaaaaaaaaan.

Parce que je suis un peu dingue ? Ah... c'est mieux.

Parce que je ne suis pas la seule à y croire autour de moi et que toute cette énergie me stimule toujours davantage? Parce que je vais travailler avec des personnes motivées, pêchues et pas mollassonnes? Ouiiiiiiii.

Et puis, parce que c'est bon de voir le verre à moitié plein.

Tout simplement.

mardi 20 octobre 2009

Mini reptiles et grosse angoisse

"Je le savais, je le savais!"

La mine défaite, je regardais le sac en plastique. A l'intérieur, des mini-serpents, plein de bêbêtes et une grosse grenouille. Tout ce petit monde grossissait à vue d'oeil. Les laborantins cachaient mal leur dégoût.

Pour m'assurer de la bonne conformité des lieux, j'avais demandé à analyser l'air de la cuisine. Verdict: du microbe en pagaille. Ces saletés en témoignaient.

J'étais en sueur. Et pas mécontente de me réveiller.

Les conditions suspensives, concernant l'hygiène, du compromis, forcément, ça laisse des traces.

A moins que ce ne soit les poivrons cuits, que j'avais enfermés, la veille, dans un sac pour mieux les peler ensuite?

Demain, je reprends mes gouttes. Non, mais vraiment.

lundi 19 octobre 2009

Le jour où j'ai signé

"Vous voulez un café, un thé?"

Bientôt, c'est moi qui proposerai ce choix.

Lorsque l'assistante juridique m'a offert une boisson, je pensais qu'elle souhaitait juste me faire patienter. En fait, les vendeurs et l'avocate m'attendaient déjà.

Cette fois, on allait le signer, ce compromis.

Nous avions préféré laisser passer la semaine pour se réunir dans les conditions les plus sereines possibles, après les rebondissements passés. Je ne faisais pas trop la maligne, mine de rien, après avoir vu une nouvelle annonce du local: le prix avait été revu à la baisse, pour tenter d'attirer un éventuel repreneur, peut-être moins regardant que moi.

Il faisait chaud dans cette salle, j'avais les joues toutes rouges. Je mets ça sur le compte du chauffage mais, pourquoi m'en cacher, je crois que l'émotion que je ressentais n'y était pas étrangère. L'émotion d'avoir franchi un cap, bien sûr, même s'il reste beaucoup à accomplir. L'énervement, aussi, face à l'agressivité latente et l'empressement de vendeurs aux abois.

Nous avons discuté un bon moment de la date finale. J'avais demandé le premier janvier. Ils voulaient le 15 décembre. Ils ont eu gain de cause. Mais je leur ai expliqué que tout ne dépendait pas de moi, qu'au delà des banques, il y avait les diverses aides, dont celle représentée par la fronceuse de sourcils. Que ça allait être chaud pour la convaincre de me soutenir, elle qui tente encore de me décourager.

Et puis, mon business plan ne finit pas d'évoluer. Comme je vous le disais ce matin, je ne serai finalement pas toute seule à accueillir les gentils clients. Et ça, ça ne s'improvise pas, il faut rajouter des lignes, des détails, des charges, des chiffres...

Bon, OK, je flippe. Tout me tombe d'un coup sur le nez, même si je m'y étais préparée. Deux mois, ça leur semble une éternité, tandis que j'entends le "tic-tac" résonner en moi. C'est aussi pour cela que, paradoxalement, j'ai cédé, souhaitant faire taire mes angoisses, arrêter de reculer quand tout me dit de foncer.

L'avocate a fermé la fenêtre, elle avait froid. Je bouillais, à l'intérieur. En attendant que l'assistante revienne avec un compromis corrigé - des petites modifs de dernière minute- nous avons discuté. La gérante a refait son sketch sur le fait qu'elle n'était "pas faite pour la cuisine" (ce n'est pas comme si elle tenait un restau...), qu'elle allait retourner dans le salariat. Son compagnon s'acharnait sur son iphone, sans chercher à masquer sa nervosité. L'avocate me conseillait de mettre la pression sur la sapeuse de moral.

Dans ma tête, les images s'enchaînaient, j'essayais de visualiser le programme qui m'attendait à la sortie.

L'assistante est revenue, avec le compromis. Nous avons apposé nos signatures. Voilà.

Y'a plus qu'à.

Si tu es pouilleux, que tu as moins de 26 ans ou plus de 55, appelle-moi...

En poussant la porte, je crois comprendre mon erreur. Sept, huit personnes patientent devant le guichet. C'est pas gagné.

C'est bien fait, ces temps d'attente. Du coup, je jette un oeil autour de moi. Mais c'est qu'ils ont tout changé, chez mon employeur! On ne me dit rien, c'est dingue, ça! Espace plus moderne, plus clair, plus pénible - j'imagine - pour les conseillers, car sur un "plateau": MON bureau de chez Pôle Emploi a fière allure. Et toujours autant de "clients".

J'y regarde de plus près. Ce sont des gens normaux. Pas la tête cabossée ou une allure de pouilleux, non. Des personnes lambda. Avec juste un dossier sous le bras. Mince, j'en ai pas, moi, de paperasses. J'ai même pas de rendez-vous, en plus.

Non, je passais là, à la pêche aux infos vu que le 3949 me donne envie d'exploser mon téléphone. Du genre, tu poireautes dix minutes, facturés 11 cts - parce que, quand même, les chômeurs, faut bien qu'ils dépensent leurs indemnités journalières - avec une musique infâme, et au bout de cette éternité, on te dit qu'aucun conseiller n'est disponible.

Comme mon employeur pense à tout, il propose le rappel automatique. Sauf que je l'attends toujours, celui-là.

Donc, avec mes petites papattes (et ma voiture, parce que ça caille ce matin), je suis allée la fleur au fusil à Pôle Emploi. Vous connaissez la suite.

Enfin, pas tout à fait.

Je poireaute donc lorsque, soudain, je reconnais le visage de MA référente, caché derrière un paravent en plastique. "Madame machin ?", que je lui dis, "bonjour, je dois passer au guichet pour prendre rendez-vous ou...?"

Est-ce ma mine de cocker (je fais bien le cocker), ou le fait qu'elle en avait ras-la-casquette de ce qu'elle accomplissait, toujours est-il qu'elle m'a fait signe: "Venez", m'a-t-elle murmuré, "vous avez de la chance, j'ai cinq minutes pour vous."

Le gros coup de bol.

Donc, je lui explique que maintenant, non seulement je vais bientôt sortir des chiffres des demandeurs d'emploi (premier sourire), mais en outre, je vais passer dans l'autre bord, si tout va bien. Employeur (là, le sourire est carrément limite décent en cette période de crise, madame, mais enfin, passons).

Bon, elle me donne tous les formulaires à remplir, les p'tits trucs et astuces pour bénéficier des aides de l'Etat. En gros, si tu es borgne, que tu as moins de 26 ans ou plus de 55 ans, que tu n'as plus bossé depuis l'âge de 12 ans et que tu veux être exploité rapidement, écris-moi, j'ai peut-être un poste pour toi.

Je lui donne l'identité de mon employée potentielle. Elle part sur son profil. Hélas, ma future salariée-collègue n'est ni borgne, ni sous-qualifiée, mais bientôt trentenaire, jolie, intelligente avec en outre, la vicieuse, trop d'heures de travail au compteur pour m'exonérer de certaines charges. Mais bon, je sais pas pourquoi, je préfère. La conseillère rentre en un clic dans le détail de sa vie d'employée. Je suis sciée de voir à quel point le moindre de nos mouvements est répertorié. Je sais que nous sommes fichés, mais là, ça dépasse l'entendement.

Ensuite, elle va sur mon compte. Elle tape un courrier, qu'elle va me remettre, où l'on peut lire que je recherche un poste de... journaliste, à 100km à la ronde, précisant: "vous commencerez votre activité en janvier avec une SARL." Blablabla, je la vois s'emballer, elle part me chercher d'autres papiers, elle clique sur des boutons, rentre des codes. Retourne sur mon profil...

Je suis soufflée.

Il paraît que mon employeur manque de zèle, mais là, je ne peux pas me plaindre. D'ailleurs, lorsqu'elle m'annonce qu'elle mute dans une autre agence, je suis presque déçue. Avant de me rappeler que mon idée, c'est de ne pas remettre les pieds ici. Ouf.

Évidemment, les cinq minutes du départ deviennent trente, elle me raconte la nouvelle organisation de travail, les ex-ANPE qui vont se mélanger avec les ex-ASSEDIC et, à la façon qu'elle a de me détailler tout ça, je sens le carnage imminent. Elle fronce les yeux et baisse les épaules. Elle aussi, visiblement.

Avant de partir, elle me conseille deux, trois autres tuyaux. Me regarde et chuchote: "enfin, évidemment, je ne vous ai rien dit, hein."

Non, moi j'ai rien entendu. Sauf sa dernière phrase. "Ça m'a fait plaisir d'avoir des nouvelles de votre projet."

Ce n'était donc pas ma tête de cocker.

Au fait, comme la journée n'est pas finie, il se peut que j'en rajoute une couche ultérieurement. Stay tuned...

samedi 17 octobre 2009

Les enfants sont formidables*

"Maman, tu sais, t'es un cordon bleu!"

Il baisse les yeux et sourit, content de son effet.

"Merci mon chéri mais, euh, tu sais ce que ça veut dire?

"Oui, c'est quand quelqu'un, y cuisine bien" (il va avoir 6 ans, je vous le rappelle)

Un ange passe. Mon fils aime mon minestrone, mes lasagnes aux courgettes et mon riz au lait. Alleluia.

...

C'est louche.

"Mais, euh, t'as appris ça tout seul ou quelqu'un te l'a soufflé?"

"Ben, c'est la maîtresse, elle nous a conseillé de dire ça à nos parents, pour leur faire plaisir."

...

"Mais tu sais, maman, pour toi, c'est vrai, hein!"

Vas-y, rame.

* copyright Jacques Martin. On a les références que l'on peut.

vendredi 16 octobre 2009

C'est qu'est-ce que je veux!

A la maison, j'ai un gros cahier où je note, trie, classe la liste de tâches à accomplir. Ce qui m'éclate, c'est de barrer les lignes, au fur et à mesure. Parfois, je raye un thème entier. D'autres fois, un minuscule mot, qui m'a pourtant fait cauchemarder, du genre "extraction", "prévisionnel", "recettes"... ce genre de petits parasites qu'il faut éradiquer à grands coups d'huile de coude et de cerveau qui gratte.

En ce moment, j'en suis à la page "fournisseurs". J'appelle, je prends les renseignements, je demande des devis. Il y a la partie "com", aussi, qui est prévue, mais là-dessus, j'ai déjà mon idée.

Et puis, dernièrement, il y a eu : "Nom?????"

Oui, l'identité du commerce. Ce qui va interpeller les clients, guider leurs pas vers mon 'ti resto, une vraie marque, en somme! Voilà quelques mois, mon choix était déjà arrêté. Un jeu de mots, original, un peu classy. Je me le suis répété. M'y suis habituée. Et puis paf, de nouvelles activités sont venues se greffer aux autres, une chargée de mission bancaire a trouvé l'appellation trop guindée, j'ai perçu quelques grimaces ou un silence perplexe après l'avoir citée... Ce nom me posait question.

Bref, je l'ai abandonné, là, tout petiot, ne lui laissant même pas une chance de vivre.

Je suis repartie dans mes recherches, avec la volonté d'un nom qui serait joyeux, ludique et attractif. Un jour, j'ai trouvé l'expression qui me convenait. Je l'ai murmurée à mes futurs associés, au départ, et les réactions se sont avérées positives. Allez, on barre la page...

Mais comme Pierre, Paul, Jacques aiment toujours donner leur opinion, j'ai régulièrement droit à des "si j'étais à ta place...", "moi je trouve que...", "ce serait bien que..." Attention, hein, j'aime écouter les autres, en prendre ou en laisser. Sauf que j'ai besoin, à un moment donné, de statuer sur certains points et de ne pas avoir à y revenir. De décider, de mon propre chef. Sinon, je n'avance pas.

Alors, forcément, lorsqu'une amie m'a fait part de sa perplexité quant au nom choisi, ce midi, ça m'a un peu titillée. C'était un peu comme si l'on m'avait suggéré d'appeler mon fils Jean-Paul, au lieu de Cassandre. Un truc très, très personnel. L'impression d'être un peu dépossédée, aussi.

Elle avait touché le point sensible, m'a-t-elle dit en riant. Perso, j'avais perdu tout sens de l'humour. Devient-on trop borné dès lors que l'on doit remettre en question une tâche que l'on avait rayée de sa liste? Un peu, sans doute.

Je me creuse donc de nouveau la tête pour ce foutu nom, si primordial. Finalement, je vais peut-être me laisser tenter par une expression que j'affectionne particulièrement, moi qui aimerait n'en faire qu'à ma tête. Un truc tout bête. Du genre "C'est qu'est-ce que j'veux".

Comment ça, rien à voir avec un resto?

Oh, si on peut plus rigoler...

jeudi 15 octobre 2009

Jusqu'au boutiste

Ses yeux clairs se sont légèrement embués. Un frisson, un silence et elle m'a raconté.

Une première vie, un mariage, trois enfants. Une cassure. Une deuxième vie, l'amour, un autre mariage, les balades romantiques à Montmartre et des messages tendres à n'en plus finir. Une lune de miel paradisiaque. Et puis, du jour au lendemain, le mari qui pète un plomb, qui dit ne plus pouvoir rentrer au domicile conjugal, qui coupe son portable et toute relation avec cette femme qu'il a adulée. Un homme perdu, qui disparaît comme il est venu.

Elle m'a montré son poignet. Cette cicatrice si fine, cette marque de rasoir, geste impulsif de désespoir. Mais ce n'est pas tout. Deux semaines plus tard, l'inimaginable se produisait : elle perdait l'un de ses fils.

"Tu vois, parfois, je me dis que tout ça est digne d'un mauvais roman". Elle a baissé les yeux, les a relevés et m'a fixée. " J'étais morte à l'intérieur." Elle s'isole, dans un lieu vierge de toute trace affective, laissant la maison familiale et ses souvenirs aux bons soins de son cadet. Elle ne peut plus rien. Même pas sortir dans le jardin.

Un jour, neuf mois après la terrible tragédie qu'elle a vécue, elle a décidé qu'il était temps pour elle de mettre le nez dehors. Elle est revenue dans sa maison. Elle est tombée sur la peluche qu'affectionnait son fils disparu, quand il n'était qu'un bout de chou. Son frère, éploré, dormait avec.

Aujourd'hui, elle sourit, timidement. Avec son cadet, elle évite soigneusement le sujet. L'un et l'autre ne se sentent pas capables d'aborder la terrible disparition. Elle ne masque ni ses émotions, ni ses failles. Paradoxalement, sa fragilité va de pair avec une incroyable force intérieure, comme si les événements n'avaient pas de prise sur elle. Elle ne s'embarrasse plus du superflu, de l'apparence. Elle est vraie.

Elle m'avait déjà fait cet effet voilà quelques mois, lorsque je l'avais rencontrée au fil de mes pérégrinations dans la création d'entreprise. Car aujourd'hui, elle veut aussi lancer sa propre activité, renaître.

J'avais la chair de poule, à l'écouter. Subitement, ses yeux se sont illuminés. "Quand tu as vécu le pire, tu n'as qu'une façon de t'en sortir, c'est de te projeter. " Je ne pouvais que l'approuver. "Va au bout", m'a-t-elle asséné. "Ça vaut le coup."

Nous sommes sorties. J'étais un peu sonnée. Là, j'aperçois une amie à l'entrée d'une boutique. Je rentre, nous discutons, mon amie nous présente, avant de s'éclipser. La gérante est elle aussi une autodidacte et s'avère passionnante. La conversation s'éternise, elle me raconte les affres des commerçants, me prévient sur les horaires impossibles, l'exigence permanente des clients, la difficulté de la restauration... (tiens, tiens, j'ai déjà entendu ça...)

Et pourtant, elle m'encourage, elle aussi, à aller au bout de mon idée. Je lui évoque les bâtons dans les roues que les supposés soutiens me mettent, elle a sa théorie sur la question : "personne ne veut prendre la responsabilité, si ça ne marche pas."

Je sors de la boutique, la nuit est tombée. Je n'ai pas vu le temps passer mais je réalise à quel point il suffit parfois d'appuyer sur un tout petit bouton pour que les personnalités se révèlent.

Et j'adore cette idée.

mercredi 14 octobre 2009

Au secours, ils veulent tous m'aider!

J'en ai collé de telles tartines hier soir que je ne me voyais pas raconter TOUTE ma soirée. Ben oui, quand y'en a plus, y'en a encore!

J'avais en effet entouré la date du 13 octobre, car elle allait me donner l'occasion de tester, en live, l'une des animations prévues dans mon établissement. Comment ça, me direz-vous, ton truc, là, qui n'existe même pas?

Voilà quelques mois, j'ai eu l'occasion d'échanger longuement avec une jeune animatrice, pêchue et dynamique, créative et mûre - malgré ses 23 printemps - qui évoquait alors l'idée de créer une association, type loi 1901.

Ma petite entreprise sera finalement une SARL, mais l'idée de travailler avec elle ne m'avait pas quittée. La demoiselle, ludothécaire de son état, organise des soirées jeux, pour les adultes, permettant à un public de tout âge d'aller passer un moment autour d'une table, à jongler avec les dés, les règles et les mauvais joueurs (ou pas, d'ailleurs), dans trois bars de la ville. Et nous avons décidé qu'elle viendrait offrir ses prestations, les mardis et vendredis soirs, dans mon restau-qui-en-est-un-mais-pas-que.

J'avoue, je voulais en avoir le coeur net. Vous vous voyez, vous, jouer à "Pandémie" ou "Excape" le soir venu, plutôt que de rester au chaud chez vous? Eh bien, croyez-le ou non, il y a là un public d'habitués, des étudiants, des jeunes actifs, des quadras... Je me suis immiscée dans une partie et me suis prise au jeu (ah ah) d'emblée, entourée de trois fidèles. Lesquels m'ont dit combien ils étaient en attente de tels endroits.

C'est marrant, ça, la fronceuse de sourcils, elle dit que je m'éparpille. Que mon truc, là, ça va pas marcher. Que je la supplierais de me recevoir, dans quelques mois, lorsque je serais aux abois.

Je crois qui, maintenant?

J'aurais tendance à écouter les clients, mais dois-je faire confiance à des personnes qui m'ont donné, à vue d'oeil, "la petite trentaine"?

Je ne vais pas mentir, j'ai oublié un instant ma ride du lion. Ah, il en faut peu pour être heureux, comme le chantait Baloo. Mais je m'égare.

Bref, entre mon post défouloir d'hier soir et cette soirée ludique et joyeuse, je me suis réveillée avec le sourire, ce matin. Le coup de fil que j'ai reçu ensuite n'a fait que conforter ma bonne humeur. Il provenait de l'une des personnes qui m'a le plus soutenue, depuis le début de ce projet.

Je vous en ai déjà parlé, mais de façon succincte. Christiane travaille pour une asso locale, dénigrée de façon régulière par les grands pontes de la CCI, entre autres. Depuis notre première rencontre, je sens chez elle beaucoup d'enthousiasme et d'investissement personnel. A tel point qu'elle avait repris mon dossier, sachant que sa "mission", commandée par Pôle Emploi, était terminée depuis bien longtemps et qu'elle ne me devait rien. Elle m'a donc inscrite pour le dispositif NACRE, qui offre des prêts d'honneur (oui, à 0% d'intérêt, ça aide) et souhaitait faire de même pour un autre fonds.

Sauf que la chargée de mission perplexe m'a fait comprendre que si je ne présentais pas mon projet (qu'elle juge très froidement, je vous le rappelle) avec SON asso, je serais un peu saquée au moment de passer devant le comité. Christiane l'a eu un peu mauvaise, de devoir ainsi se résigner, mais elle a accepté, dans mon intérêt.

J'ai bien conscience que tout cela est politique et qu'il s'agit de considérations qui me dépassent complètement. On est là dans une lutte de pouvoir pour déterminer quel réseau, dans cette ville, s'avère le plus performant quand on évoque la création d'entreprise.

Cela a surtout renforcé mon idée que certains veulent absolument nous coller dans un moule, alors qu'il n'y a pas de vérité et qu'une entreprise est unique, quel qu'en soit le domaine. Formatés dans cet idéal de restaurant stéréotypé, ces bornés ne peuvent tout simplement pas adhérer à un projet qui se veut ouvert et polyvalent. J'entends déjà les alertes sur l'idée de ne pas trop se disperser. Que je ne me rends pas compte, blablabla.

J'ai eu le temps de structurer les différents pôles. Dont les soirées jeux, qui seront donc l'un des temps forts de ce restau-qui-n'en-est-pas-un.

A moins que... Oui, à moins que l'animatrice ne me lâche. C'est ce que m'a suggéré la chargée de mission, en avalant son tartare de saumon, hier soir. Je peux aussi me casser une jambe, mourir écrasée par le tram ou perdre mon chat.

Finalement, ce qu'elle propose n'est rien d'autre que le risque zéro. Et ça, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire.

mardi 13 octobre 2009

Le designer du miam miam et la dame aux sourcils froncés

Une asperge virevoltant sur une nage de chèvre? Un gaspacho de betteraves-gingembre côtoyant un verre tordu de lait-huile-sucre ? C'est cela, le design culinaire et la question du soir, c'était de savoir si ce nouvel art éveille nos sens. Loin de moi l'idée de vous présenter mes futurs plats, j'avoue que le dressage n'est pas mon premier atout - même s'il va bien falloir assurer le minimum, hum.

Non, des amis m'avaient offert une invitation pour une conférence sur le design culinaire et c'est ainsi que j'ai dû choisir entre m'asseoir dans un amphi ou les tribunes d'une salle de basket. Tout un symbole entre l'ancienne et la nouvelle vie ? Je n'en sais rien, mais enfin, ma curiosité a fait pencher la balance vers mes aspirations du moment.

En arrivant, premier choc. J'avais oublié de répondre de façon écrite à l'invitation et je n'étais donc pas sur la liste des invités. Je parviens, la bouche en coeur, devant la table de réception improvisée. Et là, je tombe nez à nez sur l'une de mes interlocutrices les plus perplexes, avec qui j'avais conversé le matin même au téléphone! Bon, on discute quelques minutes, avant que je parte, prendre place dans cet amphi tout en bois et béton ciré, antre de l'école supérieure des Géomètres, s'il vous plaît.

Moi qui n'ai jamais fréquenté la fac, ça m'a fait tout drôle. Mais enfin, mon voisin était plutôt sympathique, le siège confortable, alors je suis restée.

C'est Marc Brétillot qui a lancé les débats. Comment, vous ne connaissez pas cet enseignant de l'art et du design? Euh, moi non plus. Je voulais vous mettre son site en lien, mais mon ordi s'est mis à hurler qu'un cheval de Troie arrivait au galop, donc j'ai renoncé à la connexion et je vous conseille juste de lire cette chronique à la place.

Bref. Cet esthète nous a proposé un condensé de son travail et j'avoue qu'il m'a bluffée. En même temps, pour un type qui aime le beau, il aurait pu choisir autre chose qu'un pull camionneur vert et le polo rouge pour aller en dessous - mais tout ceci est très subjectif, je vous l'accorde.

Le monsieur, il fait des nuages dans des verres, il suspend du parmesan au plafond et s'amuse à faire des millefeuilles en chocolat verticaux, c'est drôlement chouette. Tel un architecte de la pasta ou du fruit de mer, il dresse aussi des tables mortuaires avec des aubergines un peu brûlées et des spaghetti noires étalées de tout leur long autour. Y'a des moules dessus. Mais cuites, les moules, hein, c'est important de le préciser.

Allez, je le concède : ça m'a semblé un peu bizarre. C'est conceptuel, j'imagine. J'ai un peu de mal avec l'art contemporain. Et d'autant plus lorsque l'auteur explique que le goût du cramé, c'est vachement intéressant, esthétiquement parlant. Surtout le pain carbonisé, a-t-il précisé.

J'étais assez loin de lui mais je crois pouvoir affirmer qu'il n'avait pris aucune drogue. Même pas un pet'. Non, le gars, il parlait normalement et je le trouvais plutôt brillant. Un peu barré, mais brillant.

Il était spirituel, aussi. Nature, surtout. A une personne l'interrogeant sur les dégâts supposés que la cuisine moléculaire pouvait engendrer sur nos petits organismes, il a simplement observé qu'on ne goûtait pas tous les jours à ce type de concept et qu'il fallait seulement envisager cela comme un événement. "Et tant pis si on a la chiasse en rentrant!"

Pas classe, certes. Spontané et inattendu, plutôt.

Après, les deux autres intervenants ont vendu leur soupe, et c'était un peu plus pénible. D'ailleurs, Marc Brétillot n'adhérait pas, lui. Surtout quand le chef de marketing d'une grande chaîne de cafétérias (j'ai souvent vomi dedans, à chaque départ de vacances, pour tout dire. Et pas parce que j'étais contente) a évoqué les grands concepts de sa chaîne, avec un joli décor, des serveuses souriantes, de bonnes chaises et plein de trucs avec des "ing" et des "flow" à la fin. Avec un "fast-good" - en référence au fast-food - cerise sur le gâteau d'un discours bien rôdé.

Marc, il l'a cassé, quand le marketeur en chef (ben quoi?), il a parlé de "naturalité". Comme quoi, tout ça c'était pipeau. Intérieurement, j'applaudissais.

La naturalité, c'est donc le retour à la nature. Oui, oui. Avec ses sandwiches emballés dans du plastique et son CA à 280 millions d'euros annuels, le monsieur en costard-cravate veut nous faire croire que sa boîte, elle a la green attitude.

Y'en a qui doutent de rien.

Enfin, presque. Parce que le Marc, là, plus il en rajoutait une couche, plus le marketeur, il baissait la tête, avec la sensation (légitime) de n'avoir rien à faire là. Entre les deux, il y avait le "globe-foodeur", un type qui a inventé une agence d'innovation culinaire, oui, rien que ça. Bon, je vais pas trop cracher sur lui, ses macarons à la rose étaient plutôt réussis.

Ah oui, parce que, comme à chaque fin de conférence, un cocktail nous attendait. Mon voisin semblait vouloir entamer la conversation mais là, mon regard a été arrêté par la vision d'une chemise pourpre, bariolée: le cuistot courageux!! Il était là, à se sacrifier, vérifiant que ses services traiteur étaient bien supérieurs à ceux proposés (et ils le sont, je confirme). Un peu pris en flagrant délit de pique-assiette, il s'est montré convivial.

Chic, j'allais pouvoir poser mon verre d'eau, pris timidement, et aller trinquer à la santé de tous les amoureux culinaires, naturalistes, designers, globe-foodeurs ou simples apprentis!

C'est là qu'intervient la chargée de mission perplexe. Qui connaît bien le cuistot, son asso d'entrepreneurs continuant de le parrainer. S'engage une conversation sur les dangers de monter son restau, les angoisses du chef, plus cerné que jamais, les façons de s'en sortir dans le marasme... Enfin, le refrain classique, hein, je ne vous fais pas un dessin. La dame, fronçant avec application ses sourcils, en profite pour me souligner la difficulté de la tâche, "parce qu'avec des gens comme vous, il faut bien expliquer le contexte. Que vous compreniez ce qui vous attend."

J'aime bien cette réflexion. "Des gens comme vous". Un vrai bonheur.

Sans me départir de mon sourire de faux-derche, je lui rappelle alors que ma réflexion m'a poussé à me poser déjà quelques questions, depuis le temps, que je ne suis certes pas "de la partie", mais que je me suis familiarisée avec des aspects qui m'étaient étrangers il y a encore peu, que j'engage avant tout ma responsabilité et pas la sienne, finalement. Bref, que je ne débarque pas dans le pays de Oui-Oui.

Là, ses yeux pétillent, elle regarde le cuistot, tourne son visage amusé vers moi et me dit: "ah oui, hein, quand j'ai lu votre premier projet, je me suis dit que c'était un conte de fées!"

Ah, ah.

N'ayant aucune accointance avec la Belle au bois Dormant ou Cendrillon (encore que, je serai amenée à faire le ménage), je ne m'étais pas projetée dans le monde merveilleux de Walt Disney. Je l'ai un peu mouchée, reprenant la méthode tout juste testée de Marc Brétillot - une petite réflexion de biais, balancée tranquillement - et je l'ai laissée penser ce qu'elle avait bien envie de penser.

Je peux comprendre ce discours alarmiste à la première rencontre. Je peux aussi accepter le fait qu'elle me donne le numéro d'un type qui s'est planté récemment (!), lui qui avait monté un salon de thé sur Le Mans. Mais bon, il arrive un moment où on a juste envie de prouver. Tout en restant enthousiaste, quoi qu'en pensent les oiseaux de mauvais augure.

Je suis d'accord avec Marc. La naturalité, je connais pas. Non, moi, j'ai juste envie de rester nature. Je ne vais pas commencer à dire amen à tous les perplexes, oh!

lundi 12 octobre 2009

Un indice se cache dans ce post idiot

"Maman, comment il est arrivé, le premier homme sur la Terre?"

" Euh..."

"Et pourquoi au début, y'avait que des poissons?"

"Bah, euh..."

Allez, va jouer aux billes mon chéri, maman cuisine...

dimanche 11 octobre 2009

De l'air

Week-end studieux? Ah, ah, laissez-moi rire. Bon, en fait, c'était bien parti mais j'ai pris quelques libertés avec mon programme.

L'idée d'improviser s'est avérée plus forte.

Alors je me suis laissée porter. J'ai donc traîné à la bibliothèque, feuilletant ça et là quelques nouvelles recettes, ai jeté un oeil sur le magazine pour lequel j'ai travaillé - sans nostalgie aucune, croyez-le ou non - et j'ai pris l'air, avec des amis.

Bon, c'était de l'air un peu alcoolisé, au bout d'un moment.

Du coup, ce matin, après avoir ingurgité dix litres d'eau (quelle merveilleuse invention...), je suis partie acheter de jolis tabliers (comment ça, on est dimanche ? Oui, je sais, c'est pas bien), ai cuisiné en prévision du soir, où des cobayes allaient tester quelques trucs. Finalement, c'était pour le bien de ma future entreprise, tout ça...

Bref, vous l'aurez déduit de vous-même, rien de croustillant à vous raconter, je l'avoue, même si j'ai passé un très bon week-end. Ah oui, j'ai commencé à ranger les posts de ce blog par rubriques mais, outre le fait que c'est très long, ça m'oblige à me relire. Et ce n'est pas toujours reluisant. Pour tout dire, j'ai résisté à l'envie de supprimer quelques passages.

Trop mélancoliques, trop personnels, parfois. Trop naïfs, aussi.

Mais c'est toujours plus facile de juger, a posteriori, et ça me permet d'observer le chemin parcouru depuis la création de ce journal de bord. Alors, désormais (enfin, dès que j'aurai fini ce tri), je pourrai aller cliquer sur les diverses rubriques pour voir si je ne radote pas trop et, en cas de blues, retourner sur mes premiers atermoiements.

Et je continuerai à raconter ma vie et à aller frénétiquement sur vos commentaires, certes peu nombreux (allez, mes six lecteurs, on se bouge!), mais précieux.

D'ailleurs, un petit sondage s'impose: qu'est-ce qui vous intéresse le plus, et le moins, ici? Le 3615mavie ? La création d'entreprise? Ma vie d'avant? Les portraits? Les tranches de vie? Ce serait marrant de connaître votre ressenti...

C'est dingue, cette histoire : je ne me savais pas aussi narcissique, finalement!

vendredi 9 octobre 2009

Faire comme si

Avant d'entamer un week-end studieux, je me voyais bien sortir un peu et souffler. Résultat, me voilà à 19h30 à grignoter des tomates cerise devant le Grand Journal. Super.

Je n'ai jamais été très patiente - doux euphémisme - et le fait de me trouver dans l'attente finit par me mettre du plomb dans l'aile. J'ai besoin de me trouver au pied du mur - c'était déjà le cas dans mon ancienne vie - et là j'ai presque trop de journées à peaufiner un business plan qui n'en peut plus d'être retouché, tailladé, embelli de tout plein de chiffres et enlaidi par un interlignage resserré.

J'ai envie d'aller chercher les fournisseurs, demander tous les devis nécessaires, partir chasser mes théières, assiettes, couverts, mon four supersonique et ma hotte super magique. J'ai envie de collectionner les tabliers, de définir mon plan de salle en vrai. De faire comme si. D'être sur le point de.

A la place, je passe mes journées au téléphone, avec une avocate de plus en plus énervée, un vendeur résigné qui a fait le nécessaire et qui tente de réfréner les pétages de plomb de sa compagne et, parfois, une amie désemparée qui cherche des réponses pour tout autre chose. En l'écoutant, je culpabilise. J'ai la sensation de laisser s'égrener quelques précieuses minutes et, dans le même temps, j'ai envie d'être là pour elle. Dilemme.

Pour ne rien vous cacher, la date de signature a de nouveau été fixée. A lundi prochain, vers 16h43. Au lundi suivant, à 17h02, après une nouvelle tractation. L'avocate a envie de nous étrangler, je crois.

En attendant, je m'affaire devant mon ordi à évoquer des réalités virtuelles, des assiettes tapas à tel prix, des smoothies moins chers que le bar d'à côté, un nombre de couverts et un panier moyens qui m'apparaissent aujourd'hui pessimistes, mais qu'importe... Je réalise de jolis tableaux de bord, pour conduire mon entreprise tout aussi virtuelle. Oui, je fais comme si, encore.

Je lis mes mails, qui m'apprennent que le collectif bio va probablement devenir voisin et, ironie du sort, c'est moi qui leur ai relayé l'annonce, via Scarlett! D'ailleurs, l'instigateur de ce projet m'a écrit pour me demander s'il était gênant que l'on se retrouve à quelques mètres l'un de l'autre, sachant que "ça lui faisait peur d'être à côté de moi".

Peur de moi? C'est drôle, non? Je ne me savais pas une menace, c'est plutôt flatteur, et trompeur, car je n'ai encore rien prouvé.

Je m'arrête là dans ma phase d'autoflagellation. Ah oui, sinon, j'ai rêvé que j'allais être publiée. Un ami (mais qui donc?) avait subtilisé mon manuscrit pour l'adresser à un éditeur, lequel avait dit banco.

J'aimerais juste savoir où il est, ce texte, parce que, personnellement, je n'ai pas le souvenir d'avoir écrit quoi que ce soit d'assez long (et d'assez bon! J'ai dit stop à l'autoflagellation, pas au réalisme...) pour réaliser un rêve pareil. Bah, la vie est pleine de surprises!

jeudi 8 octobre 2009

I'm a Bree girl

Je suis une mauvaise fille.

Si.

Je veux tout faire dans les règles. Tout contrôler. C'est mal.

Pourquoi donc aller réveiller le chat qui dort? Ben, je sais pas, mais maintenant que c'est fait, j'ai énervé l'autre gros lion qui veillait pas loin.

Ce matin, donc, c'était mission je-contrôle-tout et je vais faire ma Bree en veillant à ce que tout soit parfait. Avant de me déplacer, au risque de perdre quelques précieuses minutes, j'ai donc commencé par appeler le service hygiène - me permettant ainsi de finir tranquillement ma théière, je le concède.

"Bonjour madame, je souhaite reprendre un restaurant et j'aurais besoin de connaître les modalités de contrôle des normes..."

"C'est quel restaurant?" Mince. Une inquisitrice. "C'est où?", insiste-t-elle, devant mon silence.

S'ensuit une petite conversation sur l'emplacement, sur le fait "qu'il n'y a pas de restaurant à l'endroit que vous indiquez, madame", ce qui est normal puisque, en changeant l'activité de son commerce, le vendeur n'a pas pris la peine de remplir quelques formalités.

Je ne l'ai pas sous les yeux, l'inquisitrice, et je regrette presque à cet instant d'avoir préféré mon thé des Moines à sa jolie face de fouine. Je l'imagine, l'oeil vif, notant frénétiquement l'adresse pour aller vite fait envoyer un petit contrôle. Je me sens moyennement bien, d'un coup. Une boule à l'estomac. Et ce n'est pas le thé.

Bon, elle m'explique un peu le fonctionnement, m'envoie de jolis textes par mail, avec un intitulé assez formel, une petite note soulignée mais un "très cordialement" qui me laisse penser que peut-être, elle n'est pas vilaine, au fond. Ah, c'est vrai, c'est juste une formule de politesse. Je jette un oeil à la paperasse, ouh que c'est effrayant, m'en vais balancer le bébé au vendeur, moi. D'ailleurs, c'est à lui, normalement d'effectuer les démarches. Mais il a un métier, lui.

S'en suit un enchaînement auquel je m'habitue doucement, le bal du notaire qui freine-l'avocate qui enrobe-le vendeur qui presse et me voilà en train d'expliquer à ce trio les us et coutumes de la restauration. Genre, l'experte.

Ah, ah.

Le pire, c'est qu'ils m'écoutent. Bon, leurs réactions ne sont pas forcément toutes chaleureuses. L'avocate me parle d'un bureau de conseil, comme Dom me l'avait suggéré, précisant le coût. Quand même. J'en connais un qui ne va pas adorer : le vendeur. Lequel commence à prendre peur. Je le rassure: "Ne vous inquiétez pas, je me charge d'appeler le capitaine des pompiers pour la sécurité."

Judicieuse idée, finalement (oui, je me jette des fleurs, j'aime bien). Parce que ce dernier tombe des nues. Il découvre le restau. Me dit que c'est "carrément illégal", d'un ton un rien jouissif parce que, quand même, ça ne lui arrive pas tous les jours de débusquer un loup et que là, y'a matière à se faire plaisir.

Me voilà donc en train de faire de la délation, finalement. Tout ce que je voulais éviter.

Je suis mal. Mon estomac se serre davantage. Rien à voir avec les noix de St-Jacques de ce midi.

Au final, l'adresse que personne ne connaissait doit être entourée en rouge par plusieurs bureaucrates, à l'heure qu'il est. Si l'établissement n'est pas mis aux normes, forcément, il risque d'y avoir du grabuge. L'avocate ne répond plus. Le notaire me conseille de rester la plus patiente possible. Et le vendeur commence à péter les plombs, comme sa compagne de gérante. Découragé, il va se renseigner sur les prix d'une alarme, de l'éclairage de sécurité... ce genre de "détails" coûteux dont il aurait de toute façon dû s'acquitter à l'ouverture de son propre restau (c'est pour me soulager d'un poids que j'écris ça?). Sans quoi, m'a-t-il dit, il "laisse tomber". Ou va chercher un acquéreur moins chiant.

Il y a peu, lorsque j'étais en quête absolue d'un local, j'aurais sans doute imploré le vendeur de me laisser son fonds, quitte à payer la casse derrière. Et me voilà aujourd'hui, à imposer mes volontés. Moi, la bonne poire. Simplement parce que, ici ou ailleurs, je crois désormais que je parviendrai à lancer mon business.

Alors, mon côté Bree, je veux bien l'assumer. Mais je ne suis plus désespérée, allez savoir pourquoi...

PS perso : Quand tu liras ce message, Ouin-Ouin - lecteur du matin - nous serons le 9 octobre. L'occasion pour moi de te souhaiter un Joyeux Anniversaire, toi qui as horreur de ça...

mercredi 7 octobre 2009

De l'intérêt d'être rock'n'roll

Un instant, le soulagement. La seconde d'après, la boule au ventre. Voilà un peu mon quotidien, rythmé par des coups de fil contradictoires, de nouvelles infos qui me font sourire ou m'angoissent, l'envie d'être déjà à demain puis de s'interroger sur cette réalité virtuelle...

Hier, par exemple, je vous aurais dit que je signais le compromis de vente lundi prochain. Ce soir, je n'en suis plus si sûre. Le vendeur, si pressé, freine cette fois des quatre fers. Il angoisse, je le sens, ruisselant de sueur, à se demander si cette histoire va prendre fin un jour. Une histoire de fous, qu'il répète d'ailleurs constamment, cherchant des réponses là où il n'y en a pas. Il ne comprend pas mes clauses suspensives: pourquoi donc demander que les normes d'hygiène et de sécurité soient respectées ? Oui, pourquoi ?

Je sais, j'suis chiante, aussi...

Parce que je veux m'éviter la surprise de débusquer des cafards? Et de tout faire péter quand j'allumerai le gaz ? Y'a un peu de ça. Il y a aussi l'idée que la restauration, quelle que soit l'échelle de l'entreprise, exige deux-trois trucs, oh, pas méchants, hein. Mais si vous fermez les yeux dessus, l'hygiène peut débarquer à tout moment et fermer la boutique. Ça n'arrangerait pas mes affaires.

Ce n'est pas un boui-boui que je veux reprendre, bien au contraire. J'ai juste demandé des choses classiques. Mais le vendeur, lui, il doit être assez rock'n'roll, au fond, et tant de formalisme l'accable.

Moi aussi, à vrai dire. Je ne me croyais pas si rigide.

La bonne nouvelle, c'est que je file demain à la pêche aux infos: hygiène, sécurité (je vais voir les pompiers, ça se trouve, ils auront besoin de main d'oeuvre, qui sait?), ce qui me permet d'espérer quelques jolies rencontres en perspective. Oh, je serai peut-être déçue, on verra. De toute façon, ce n'est pas ça qui troublera davantage mon sommeil, déjà bien perturbé. Comme mon papa, moi aussi, je cauchemarde et les levers s'avèrent de plus en plus matinaux.

Cette nuit, vers 5 heures, cherchant en vain les bras de Morphée, j'ai cru à une solution-miracle: le guide officiel des restaurateurs, où l'on vous explique que ne pas respecter la chaîne de froid, c'est mal, et qu'oser préparer un jambon-mayo avant l'arrivée du premier client est un sacrilège: un vrai somnifère, digne du plus soporifique épisode de Chasse & Pêche, a priori.

Eh bien, rien à faire: ces pages pleines de sigles barbares et de termes techniques m'ont tenue en haleine. La prochaine fois, je me plonge dans les mémoires d'un chef-cuistot (100% lait entier only). Au moins, à défaut de dormir, j'aurai peut-être une chance d'apprendre les rudiments de la cuisine...

mardi 6 octobre 2009

Le chocolat du douanier et le chef sachant

Chaque rencontre n'est pas prétexte à un post mais là, j'avoue que je ne peux résister à la tentation, avec deux personnages assez truculents que j'ai croisés aujourd'hui.

D'abord, la douane. Lorsque l'on veut servir des boissons, alcoolisées ou non, on va demander une licence restauration aux douanes. J'arrive donc dans des bureaux gris, en contrebas de la rocade, lieu hautement chaleureux et la bonne nouvelle, c'est que personne n'attend. Personne n'est à l'accueil non plus, vous me direz. Finalement, un homme sortant visiblement d'une profonde sieste vient à mon secours:

"C'est à votre gauche, ma p'tite dame"

Ouf. Il peut aller pioncer de nouveau.

Les douanes ont visiblement peur que l'on s'attarde trop chez eux. Alors, ils ont installé des comptoirs, comme ça, les visiteurs ne restent pas trop longtemps, à causer avec le monsieur derrière la vitre. Celui-ci, justement, n'essaie même pas de contenir son soupir. Pff, qu'est-ce qu'elle veut, celle-là, encore, pense-t-il, si j'en crois son regard. Je fais comme si je n'avais rien vu, même pas le bâillement qui suit et je lui expose la situation:

"Alors, je reprends un salon de thé..."

"Ah là, c'est licence X", m'interrompt-il. "Café, thé, chocolat."

"... Un salon de thé, disais-je, qui fait de la petite restauration et je voulais savoir si la gérante pouvait me transférer sa licence ou si je dois en demander une nouvelle, sachant que je veux servir de l'alcool."

Il me regarde. Fait un effort pour garder ses paupières ouvertes. Il a une tête de cartoon, toute ronde, c'est marrant.

"Dans ce cas, c'est licence X. Café, thé, chocolat. Et puis la licence restaurant."

"La même que celle existante? Non, parce que la gérante ne peut pas servir d'alcool, elle est coréenne."

"Ah oui, on n'autorise pas les étrangers, issus de pays avec qui on n'a pas signé de convention, à vendre des boissons alcoolisées. Par contre, elle peut proposer du café..."

Thé, chocolat, j'ai bien compris. " Mais mes apéros, alors?"

Il se ressaisit, me fixe puis va chercher une feuille rose. "Oh, vous, c'est différent, vous êtes française. Vous pourrez servir de l'alcool avec un repas."

"Et pour des apéros, donc?"

"Un repas, c'est entrée, plat, dessert, normalement." Une pause. "Mais on vous laissera faire, ne vous inquiétez pas. "

D'un coup, sa tension est montée à 5-6, au bas mot. Waouh. D'ailleurs, il m'explique les démarches que je dois suivre. Et, triomphant, tape avec son crayon sur sa feuille: "Et avec cette licence X, vous pourrez servir du café, thé, chocolat, même en dehors des repas."

On n'arrête pas le progrès.

C'en était assez et, comme il était quand même très gentil, ce monsieur, je n'ai pas insisté, j'ai eu les infos que je souhaitais, je n'allais pas l'empêcher de s'octroyer son p'tit roupillon de 15h, non?

En plus, j'avais rendez-vous chez Métro, sorte de caverne d'Ali Baba d'une majorité de restaurateurs, pour aller faire quelques courses pour une copine, qui organise son anniversaire et à qui j'ai proposé de concocter quelques tapas et autres verrines. Elle m'avait prévenue qu'elle viendrait avec l'un de ses amis, chef cuistot dans une grosse administration mancelle et je m'attendais à passer un moment sympa.

C'était méconnaître le personnage. D'emblée, il a eu besoin d'affirmer sa suprématie. Lui, il savait. A quel rayon il fallait aller, quelle crème il fallait choisir, quels produits snober... Ma copine regardait rapidement les suggestions que je lui avais faites, pour mieux cerner ses achats et là, je l'ai vu, ce chef sachant, tomber des nues. Très sérieux, il m'a demandé:

"Où as-tu eu ta recette de cannelés?"

Je lui dis, lui précisant que j'en ai essayé plusieurs mais que celle-là, aussi simpliste puisse-t-elle paraître, s'était avérée la plus convaincante. Il me toise et me dit:

"Non, parce que, MOI, j'ai LA recette. Un spécialiste me l'a donnée. Et puis, attention, il faut un four aux capacités optimales."

Tant mieux pour toi, hein, moi, je vais rester avec mon p'tit four et mes moules, ma pauvre recette et mon niveau zéro en cuisine. Bon, on les fait, ces courses?

Mais là, tel un teckel, il ne me lâche plus. "Et puis, avec quel lait tu les fais, tes cannelés? Du demi-écrémé? Malheureuse, toujours du lait entier. Tu comprends, MOI, j'utilise systématiquement du lait entier pour la pâtisserie. J'ai appris toutes les bases auprès de Pierre Hermé."

J'ai failli oser la révérence. Non, quand même, un chef sachant pareil, ça force le respect. Avec le recul, je me demande s'il ne s'attendait pas à ce que je m'évanouisse.

Donc, ce bras droit de Pierre Hermé a continué tranquillement à remplir le chariot de ma copine, parce que LUI, il va réaliser deux pâtisseries de la mort-qui-tue pour son anniversaire, pendant que moi, je préparerai trois feuilletés au chèvre et de vagues cannelés au lait demi-écrémé. Il faisait le fier et avait envie, visiblement, de montrer à quel point, quand même c'est pas de la rigolade, son métier.

"Tu vas ouvrir un salon de thé, c'est ça?"

"Qui fera petit restaurant, oui."

"Et tu vas faire quoi, comme plats?"

Un peu de soupe d'orties, des lasagnes de cactus, un ragoût de ragondin, une salade de chardons pili-pili pour faire passer le tout? La suggestion d'Anne me semblait plus que jamais appropriée.

Je lui évoque ma carte, sans perdre mon calme. Au moment où je parle de "sucré-salé", de "m'amuser avec les associations de saveurs", il me stoppe net et me regarde comme si j'avais une patate sur le nez.

"Mais enfin, attention, tu as déjà goûté, ces plats sucrés-salés?"

Non, jamais. D'ailleurs, je n'ai jamais cuisiné de ma vie. C'était ça ou devenir pompier, j'ai hésité, tiré à pile ou face et puis voilà, c'est tombé sur "restauratrice". Pas de bol.

Je vous passe ensuite le topo sur sa leçon de macarons -" tu vois, MOI, je m'amuse avec, maintenant, la semaine dernière, j'ai fait un gâteau rempli de macarons à la framboise" -, les termes techniques qu'il a pris un malin plaisir à répéter - pensant me voir chaque minute supplémentaire m'enfoncer un peu plus sous terre - les passe-droits dont il bénéficiait en étant salarié de cette administration...

Une vraie calamité, ce sachant. Qui m'a rendu d'autant plus sympathique le chef que j'ai pu côtoyer quinze jours durant. Un restaurateur qui, lui, prend des risques et joue chaque jour son avenir professionnel, inventant de nouvelles recettes avec toujours cette obligation de plaire aux clients.

Le sachant, pour sa part, engraisse les notables de la région sans avoir à se soucier de la note. Alors, c'est vrai, j'imagine qu'il cuisine admirablement bien et qu'il n'est pas là par hasard. Est-ce une raison pour montrer tant de suffisance ? Je le vois venir gros comme une maison, le jour de l'anniversaire, à croquer d'un air dédaigneux dans mon cannelé. Je ne chercherai pas à le convaincre de quoi que ce soit. On ne joue pas dans la même cour. Et, pour tout dire, j'en suis bien heureuse.

Finalement, ça doit être chiant, d'être un sachant, et de ne plus avoir à apprendre...

lundi 5 octobre 2009

Le père Noël et l'orange magique

En préambule, je précise que je n'ai pris aucune substance illicite. Seul petit shoot, le gâteau à l'orange magique (c'était écrit dans le ELLE, cette semaine, et moi, je les crois) que j'ai testé ce midi, pour voir si je l'ajoutais à la carte, mais rien qui justifie la chute finale de ce post idiot. Bref. A vous de juger.

Bon, première bonne nouvelle, le vendeur qui (s'im)patiente ne lit pas ce blog. Et comme on ne lui dit rien, il ne savait donc pas que nous ne signions finalement pas le compromis aujourd'hui. Heureusement que je l'ai appelé, il se serait pointé cet après-midi chez l'avocate, laquelle aurait eu, je pense, quelques difficultés à maîtriser les nerfs du monsieur.

Oui, oui, il est un tout petit peu énervé. On recule chaque lundi l'échéance, ceci explique peut-être cela.

Là, quand je lui ai annoncé le retard de nos petits papiers, il s'est un peu emporté:

"Non mais, vous vous rendez compte, mon amie commence à péter les plombs, avec cette signature qui n'arrive pas!"

Ah oui, je ne vous ai pas précisé, mais l'amie en question, gérante actuelle du fonds de commerce que je dois acheter, n'est pas spécialement fan de cuisine. "C'est pas mon truc", qu'elle m'a dit. Sauf qu'elle tient un petit restaurant. Allez comprendre.

Comme je suis plutôt pour la paix des ménages, j'ai fait le nécessaire pour réactiver les moteurs. L'avocate, ok, le notaire, oui et puis l'experte-comptable m'avait devancée en me rappelant pour savoir qui que quoi où donc. Bref, j'ai passé ma journée au téléphone, ce qui ne facilite pas ma rédaction d'un business plan en friche, le pauvre.

Et ce soir, loulou m'a affirmé que lui aussi téléphonait. Au père Noël. Et pour mieux communiquer avec le gros barbu, il se sert de la... nourriture. Cherchez pas, il est un peu bizarre, parfois, je sais pas de qui il tient ça, vraiment.

Mais quand même, je me pose la question : Lorsque je dis que je veux servir de la nourriture à des gens, c'est parce que moi aussi, je crois au Père Noël?

dimanche 4 octobre 2009

Cerveau rangé

Réveil très, très matinal ce dimanche matin. Mais pourquoi, loulou, se lever aussi tôt alors que le jour pointe à peine son nez?

"C'est pas à cause de moi, c'est mon cerveau : il a fini de tout ranger."

Dans ces conditions...

vendredi 2 octobre 2009

La Rédemption d'un panier percé

Inutile de le cacher: tout me saoulait, aujourd'hui. Le réveil, qui a sonné beaucoup trop tôt, les milliers de feuilles volantes qui jonchent la table où je suis censée manger, les recettes qui s'accumulent au sol, le silence de mon téléphone, le ciel bas et gris... Un jour sans, indiscutablement.

Quitte à jongler avec cet état de déprime passagère, autant tenter de ne pas gâcher trop d'heures de travail. Comme je n'avais le coeur à rien, je me suis décidé à jeter, organiser, ranger, avec la nette impression que le Bronx était derrière moi. Ouf. Puis, j'ai trié mes recettes, celles que je veux concocter. Par thèmes. Végétarien, plats du jour, tapas, desserts tout chocolat ou plus light... Du coup, j'avais faim.

C'est malin.

Après un double expresso pour tromper l'ennemi, je me suis remise à ce tri que je remettais depuis trop longtemps. J'en ai profité pour allonger ma liste de plats, sur le business plan, retrouvant enfin ces fraises poêlées au basilic et à la brioche perdue, une douceur qui m'aurait presque fait retrouver le sourire.

Sauf que ce n'est pas la saison des fraises.

Rrrrrrr.

Une fois les classeurs pleins et rangés bien comme il faut, il me fallait trouver une autre occupation. Utile, je veux dire. J'ai bien pensé au yogging mais le timing allait être trop serré. Vu que j'avais deux-trois courses à faire, je suis donc partie dans les rues piétonnes. A vrai dire, cela faisait un moment que je n'avais pas mis les pieds dans le coin, si ce n'est pour aller chercher mon loulou à l'école. Un comble, car j'habite en centre-ville... et que je suis une fan de shopping.

Enfin, j'étais. Là, je ne sais plus.

Cela fait quelques semaines, voire quelques mois que je n'ai plus envie d'acheter un centième top ou un quinzième jean. Passant devant les vitrines, j'ai regardé les mannequins d'un oeil détaché. Moi, le panier percé, celle qui dépensait des sommes folles dans des fringues ? Non, rien à faire. Pas envie de rentrer. Longtemps acheteuse compulsive, je trouvais le moindre prétexte pour aller faire du shopping, pour compenser, j'imagine, et pas juste pour me plaire dans un miroir (amincissant, qui plus est, ce qui garantit une allure moins avantageuse sitôt sortie dans la rue. Hum).

Je suis passée d'acheteuse compulsive à simplement impulsive, parce que, quand même, j'ai grandi un peu mais que l'idée d'aller essayer dix milliards de fringues me plaisait encore. J'ai assouvi ce besoin par l'intermédiaire de blogs de filles, aussi, regardant un peu bêtement les tenues quotidiennes de certaines d'entre elles. Ces fashionistas pour qui acheter un sac à plus de 400 euros n'est qu'une petite folie passagère dont leur compte se remettra.

Et puis, je me suis lassée.

J'ai comblé le vide, aussi. J'ai d'autres choses à penser, bien sûr. Des priorités. L'idée de devenir raisonnable ne m'effraie plus - c'est juste un challenge, sans doute. D'autres facteurs m'ont ouvert les yeux. Lorsque j'ai additionné, un jour, mes achats mensuels de sape, j'ai réalisé que j'aurais pu m'offrir depuis longtemps un joli voyage. Au lieu de cela, j'ai accumulé tant de tissu dans mon armoire qu'il m'est arrivé de me prendre quinze pulls sur la tronche, un matin pénible. Ou de penser que je n'aurais pas assez d'une seule vie pour tout porter. De quoi réveiller la conscience.

Je ne suis pas la seule. Crise aidant, j'imagine, ces blogueuses mode qui inondent la toile en sont à se lancer des défis. 150 euros maximum, par mois, de fringues. Au lieu de 150 quotidiens, en gros. Elles osent aussi porter des choses qu'elles ont déjà mises, waouh, quel pragmatisme!

Je me moque gentiment mais je ne suis pas mieux. Je n'étais pas mieux, devrais-je écrire, tant j'ai eu ce déclic depuis mon voyage en République Dominicaine, où je me suis sentie heureuse et libérée, sans avoir à consommer systématiquement. Il m'aura fallu du temps pour me raisonner, mais je sens aujourd'hui ce détachement par rapport à ces futilités.

Bon, cela dit, je suis toujours une fille, je n'ai pas envie de ressembler à une souillon et je ne me prétends pas infaillible. C'est d'autant plus facile pour moi de jouer à la sage (radine?) de base que je ne traîne plus dans les rayons tentateurs. Une chose est sûre, en tout cas : s'il me semble impossible de se contenter de ce que l'on est (on peut toujours évoluer, non?), je crois aujourd'hui que l'on peut se contenter de ce que l'on a.

Soeur Emmanuelle, sors de ce corps...

jeudi 1 octobre 2009

Chaud-froid

Depuis quelques temps, je me balade en permanence avec un grand cahier noir, qui pèse un âne mort dans mon sac. Surtout, mon agenda ressemble à celui d'un ministre, avec des rendez-vous en veux-tu en voilà, des listes de tâches à n'en plus finir, des mémos et des numéros de téléphone comme s'il en pleuvait.

Sauf que là, d'un coup, plouf, plus rien. J'ai tout annulé.

Non, rassurez-vous, je n'abandonne rien. Je n'ai pas été prise d'un coup de folie, je ne vends pas mon gosse aux enchères ni ne pars aux Seychelles. C'est plus terre à terre.

J'avais déjà fixé la signature du compromis lundi, les rendez-vous bancaires, mardi, jeudi, vendredi, blablabla. Il a suffi d'un coup de fil pour bouleverser le planning et me voilà libre comme l'air (enfin, presque).

La cession de droit au bail devient une cession de fonds de commerce, finalement, qu'ils ont décidé, l'avocate et le notaire. Bien. Donc, on a reporté à une date non définie ce fameux compromis sans cesse remis à plus tard. A la limite, j'étais presque soulagée, tant j'avais de choses à peaufiner avant. Libérée d'un poids, j'ai repris tranquillement mon business plan là où je l'avais laissé.

Le second coup de fil a été autrement plus perturbant. L'experte-comptable. Je n'ai pas spécialement envie de raconter la teneur de la conversation, sorry, mais j'avoue que ça m'a un peu plombée, pour des raisons que je souhaite garder pour moi.

Et comme c'est toujours les montagnes russes inside me, il m'a suffi d'un entretien avec l'une des formatrices les plus investies que je connaisse pour me rebooster. Rien que de la routine, en somme...

J'ai l'habitude de passer par tous les états dans une même journée. J'avoue que ce chaud-froid permanent s'avère un rien fatigant, parfois, et pas que pour les autres. Mais enfin, je tiens la barre. Promis!