mercredi 30 septembre 2009

Tête à claques

Il m'a agacée, celui-là. A l'entraînement de foot de mon loulou, il y avait donc le papa qui aime les croque-perdus. Je le voyais rôder autour de moi, sans doute vexé que je renonce à son suivi pour lui préférer une autre association d'entrepreneurs. Il m'a parlé de licence du club à aller chercher et hop là, a dérivé sur mon projet, venant aux nouvelles, de son air le plus condescendant. J'étais presque étonnée qu'il s'en souvienne. Je lui annonce que le local est trouvé et que je prévois une ouverture pour janvier. Lorsque je lui précise, sous son empressement, l'emplacement et le tarif, il crache son venin:

"Pff, c'est toujours trop cher!"

Moi, remontée: "Parce que vous en connaissez beaucoup, vous, des locaux à ce prix-là, au Mans?"

Lui: "Bah, évidemment. Je connais tous les prix pratiqués et je peux vous dire que dans le Vieux Mans, qui est autrement plus animé, y'a des choses à 80000 euros."

Moi, inside : "et c'est donc pour ça que tu ne m'as absolument rien proposé depuis le début ? Alors que tu es censé le faire?"

Moi, triomphante: "Ah, vous voyez, c'est plus cher."

Lui, plus hautain que jamais : "Oui, mais ça bouge. Au moins."

Moi, inside: "Le Vieux Mans, oui, tellement joli et si peu animé malgré son potentiel. Un lobby de propriétaires coriace et conservateur, animé par quelques intégristes prêts à sortir le balai pour vous faire déguerpir des rues pavées au moindre faux-pas.

Moi, écoeurée : "Allez faire un tour sur la place, vous verrez."

C'est là qu'il m'a réservé sa petite moue du gars qui sait tout. En reprenant au passage son costume du papa souriant qui va chercher son fils, mais qui n'a pas que ça à faire, hein. Il a un métier, lui.

Comment dire... Une tête à claques, c'est ainsi que l'on appelle ce genre de personnage. J'aurais mieux fait de rester dans mon rôle de maman attentive qui se cogne deux heures sous le soleil, vaguement accroupie sur des cailloux, en attendant que son footeux de rejeton en ait fini avec l'entraînement.

Mais non, il a fallu que je me farcisse mister super rabat-joie, l'homme le plus détesté de tous les formateurs de l'Ouest.

S'il ose, je me ferais un plaisir de l'accueillir dans mon restau, celui-là. Avec l'assaisonnement qui va bien.

mardi 29 septembre 2009

Le cauchemar de papa

Là, c'est un peu la panique, j'ai dix mille choses à terminer et une nouvelle soirée de fun (ooooooooouuuuuuh, quelle honte, moi qui devrais travailler) mais ça compte pas, parce que c'est une invitation et que l'on ne peut pas refuser décemment un concert, pas vrai ?

Donc, je ne vous abandonne pas mais je n'ai pas les moyens techniques de vous coller des tartines. J'en profite donc juste pour vous raconter ce petit moment rigolo, samedi matin, alors que j'avais dormi chez mes parents.

Mon père, se grattant la tête, la mine fatiguée:

"Oh, j'ai mal dormi cette nuit. J'ai fait des cauchemars!"

Moi, qui lève la tête: "Ah oui ?"

Lui, reprenant, stoïque: "Oh, ouais, j'ai rêvé que t'avais ouvert ton restau. Le bordel, quoi."

Un moment, oui, qui m'a rappelée combien j'étais soutenue.

lundi 28 septembre 2009

Douce fiction et dure réalité

Je réalise à quel point les choses deviennent chaque jour plus concrètes. Le résultat, c'est que je mesure le chemin qu'il me reste à parcourir pour donner naissance, bientôt, à une personne morale.

Une SARL, si vous préférez.

Pour aller chercher des sous, l'idée, c'est de convaincre avec des bons mots, au départ, mais surtout de présenter de vrais chiffres avec un vrai charabia, ensuite, où les chimères perdent de leur saveur pour laisser place à la réalité du terrain. Fini d'enrober, personne n'est dupe. Des faits, rien que des faits. La littérature, c'est bon pour appâter.

Cela fait donc quelques jours (oui, je triche, j'oublie volontairement le break salutaire) que j'épure mon gros macaron rose. Que je reprends les points, les uns après les autres, en me projetant dans mon activité future. J'enlève le conditionnel, que je remplace par le futur. Les horaires ont changé, aussi. Les goûters d'anniversaire ont disparu, pas les ateliers pour enfants. Le restau, qui devait fermer ses portes chaque jour à 18 heures, assurera en fait plusieurs nocturnes.

J'ai également changé d'idée pour le nom de l'établissement. Un moins guindé pour un plus ludique.

Pourtant, malgré ces évolutions, je suis restée fidèle à mon idée du départ. Simplement, j'ai dû me montrer pragmatique face aux réalités du marché. En fermant à 18 heures chaque soir, je restais dans le créneau du "salon de thé" (je déteste cette appellation - d'ailleurs, j'ai aussi renommé l'activité de l'établissement) mais je me privais d'un public différent, d'un chiffre d'affaires conséquent aussi (ne nous leurrons pas, c'est le nerf de la guerre, paraît-il).

Évidemment, cela suppose une organisation différente. Un ami me demandait ce week-end comment j'allais faire avec mon fils, insistant sur le fait que sa garde allait s'assimiler à un système alterné. Je n'ai pas pu m'empêcher de réagir :

"Tiens, c'est marrant, on dirait le discours d'une banquière."

Ben oui, je ne vous ai pas raconté. L'une d'entre elles m'a rappelée que j'avais un fils, la semaine passée. Je la voyais venir, avec ses gros sabots :

"Mais comment allez-vous faire avec lui, les soirs d'ouverture ?"

Je comprends pas, j'avais déjà prévenu le chenil, c'est pas comme ça que ça se passe?

Non, sérieusement, lorsque l'on envisage depuis un an un virage à 360°, pensez-vous que l'on ne réfléchit pas aux bouleversements que cela engendre? Croyez-vous que l'on se réveille un matin en réalisant que notre idée, celle qui nous bouffe les neurones depuis si longtemps déjà, n'est en fait pas compatible avec une petite vie pépère où rien ne serait sacrifié ?

Même si, à vrai dire, je n'en ai même plus l'impression depuis quelques mois- tant je suis rivée au quotidien à mon ordi - cela fait bientôt un an que je suis chômeuse. J'ai envie d'aller au bout de mes convictions. De m'obstiner dans cette idée folle de reconversion. Pour retrouver une utilité sociale, sans doute, mais surtout parce qu'il ne faut pas vivre avec des regrets.

Parce qu'il est trop tard pour reculer.

Parce que je ne peux envisager ma vie autrement.

dimanche 27 septembre 2009

Avant de s'y remettre...

J'ai un peu fait cramer mes deux fondants.

Je me suis pris, je pense, un joli coup de soleil sur le visage. Et un petit coup de froid, aussi, paradoxalement.

J'ai les pieds en compote d'avoir sillonné le remblais pour suivre le triathlon de La Baule.

Après un week-end bien entourée, je suis toute seule.

A peine rentrée, je viens de surprendre mon voisin en train de me mater, tranquillement, depuis sa fenêtre.

Cela dit...

Les fondants étaient fondants, la séance de catamaran un moment formidable, je me suis baignée dans une mer d'une clarté rare - ça ne vaut pas la transparence de la République Dominicaine, certes, mais ne faisons pas la fine bouche.

J'ai été bluffée par le courage des triathlètes, et j'ai même eu les larmes aux yeux, à l'arrivée de certains d'entre-eux, grimaçant, crispés, victimes de crampes mais s'accrochant jusqu'au bout. Cette notion de dépassement de soi, ça me fait toujours le même effet.

Sinon, j'ai des amis extras. Et même certains, dont je suis très fière, qui luttent contre les crampes.

Et je suis en pyjama d'homme. Ah ah ah.

vendredi 25 septembre 2009

Ces petits riens qui font la vie

Dans ma tête, tout se bouscule. Les choses à lister, à penser, à faire en urgence pour hier. Celles qu'il ne faut surtout pas faire, aussi (les erreurs, les errances, l'hérésie de procrastiner).

Voilà pourquoi hier soir j'ai rattrapé tout mon retard de la journée. Initialement consacrée à un travail de fourmi, bien pelotonnée chez moi à réécrire mon business plan, revoir mon prévisionnel poste par poste, recenser toutes les tâches et les numéros de téléphone de mes interlocuteurs favoris (notaire, avocat, banques etc), la journée a été bouleversée par des petits riens.

Je ne devrais pas l'écrire mais, première incartade, je suis allée manger dehors. Avec des amis. Oups. Puis, séance ciné improvisée. Rien de personnel, un film qui m'a juste confirmé que le statut de TNS (travailleur non salarié) peut avoir ses avantages. Rapport à ce sournois monde du travail où les PDG aiguisent leurs couteaux pour les enfoncer profondément dans le dos de leurs plus serviables et vils employés.

On ne quitte pas une salle de ciné sans un petit debriefing. Donc, nouveau sursis. On parle du film, du projet, d'une copine commune... La raison l'emporte, mille tâches nous attendent chacun et c'est donc bien décidée que je file d'un pas pressant vers mon ordi qui se languit de moi. Et là, je rencontre la copine dont nous venons de parler. C'est parti pour un papotage de cinq minutes sur le trottoir.

Qui se sont transformées en... trois heures. Je suis rentrée à plus de 19h30 à la maison.

Un drame? Finalement, la conversation était tellement enrichissante et pleine de surprises qu'elle m'a aussi ouvert d'autres perspectives, quant à mon restau. Alors, certes, mon clavier n'écrit pas tout seul et, du coup, j'ai ramé pour reprendre le cours de mes travaux. A la clé, j'ai eu le privilège de découvrir une jolie tête de déterrée ce matin dans ma glace.

Le pire, c'est que je ne me fais même plus peur. L'habitude, sans doute. Ou la résignation. Ou un peu des deux.

Ah, ah, ah, le coup du break salutaire, vous y croyez, vous? Ben en fait, je suis convaincue qu'il faut garder l'oeil ouvert et voir en ces discussions inopinées des tranches de vie, qui alimentent -aussi- la réflexion. Finalement, je n'ai pas perdu mon temps - au delà du plaisir que j'ai pris à m'installer en terrasse, puis m'enfermer dans une salle obscure et converser longuement sur un trottoir sale et gris.

Évidemment, je saoule tout le monde avec MON restau, MES projets, MA vie. Mais j'aime bien la vie des autres, aussi. Du coup, ça prend plus de temps.

D'ailleurs, hier soir, je suis retournée longuement sur le site de ma cafelière préférée (si si), pour relire ses pérégrinations pré-ouverture et me situer, en terme de dates. Et je me suis dit que mon expérience actuelle n'avait finalement rien d'original, tant le créateur d'entreprise vit les mêmes épreuves, quel qu'il soit. La liste de tâches qui n'en finit plus, l'impression de vivre 24 heures sur 24 avec le projet dans la tête, les obstinés qu'il faut convaincre, le forfait du téléphone qui explose à force de coups de fil intempestifs à dix mille interlocuteurs qu'il faut joindre dans la minute, les initiales des organismes et des formulaires qui se mélangent, entre DSV, Cerfa, CFE, Dédé machin et patin couffin...

Oui, cette lecture m'a pris du temps, mais elle m'a aussi apaisée. Car Café Clochette existe, en vrai, depuis maintenant près d'un an, à l'issue d'un parcours mouvementé, parfois chaotique mais jamais insensé.

Ah, j'allais oublier : après une nouvelle matinée à malmener mon forfait téléphonique, la date de signature du compromis a été reculée (c'est l'avocate qui l'a souhaité). Nous signerons donc lundi 5 octobre. Je vois cela comme l'opportunité de peaufiner mes écrits la semaine prochaine. Comme un nouveau répit. D'ailleurs, je vais vous en laisser un aussi, puisque, en bonne mouette qui se respecte, je file à la mer ce week-end. Eh oui, y'en a qui prennent du bon temps (non, je ne culpabilise pas, non je ne culpabilise pas).

Ça m'arrange bien, finalement, cette histoire de break salutaire...

jeudi 24 septembre 2009

Je suis un mini-mini requin tout riquiqui

Hier, je vous racontais comment je gonflais mon chiffre d'affaires, m'offrant un peu d'air et présentant un EBE et une CAF plus favorables (ah ah ah, ça cause, hein?). J'avais également un autre levier pour convaincre les banques de m'octroyer un prêt.

Vendre mes cannelés quinze euros pièce? Non.

Rogner sur l'ensemble de couteaux qui va bien et la batterie de cuisine que j'ai reluquée ? Bon, un peu. Mais un tout petit peu.

Braquer un distributeur? N'insistez pas, je vous dis, mon fils refuse de me prêter ses pistolets à eau.

L'idée, c'était d'y arriver sans tour de passe-passe. Et vous savez quoi ? Je ne suis pas magicienne, mais drôlement contente de moi, ce soir.

En fait, j'ai juste demandé au vendeur de baisser son prix. Oui, encore. Quand je vous disais que la solution était toute simple...

Cela dit, il n'est jamais évident de négocier à ce point, arrivés à ce stade des transactions, alors qu'il a perçu mon intérêt grandissant pour son local et que le prix a déjà été revu. J'y suis allée un peu au culot, consciente néanmoins que les acheteurs ne se pressaient pas au portillon.

Lorsque je lui ai annoncé mon tarif, mardi, il a un peu toussé. Pourtant, j'étais confiante, tant je sais à quel point il est pressé d'en finir. Aujourd'hui, il m'a rappelée. Il me le laisse, à 3000 euros au dessus de mon offre, mais 7000 en dessous du tarif initial. On appelle ça couper la poire en deux, pas vrai?

Lui dit s'être coupé un bras. Va savoir pourquoi.

Les plus perplexes me reprocheront sans doute de ne pas l'avoir joué assez requin. J'aurais pu, peut-être, continuer de négocier. Mais, sincèrement, j'aurais du mal à dégoter une affaire moins chère, vu l'emplacement, le local et l'aménagement intérieur, avec le mobilier qui reste. Vu les projections que j'ai déjà faites, aussi. Il n'y a pas eu de précipitation dans ma décision, mais une réflexion mûre. Et l'idée que si je ne me lance pas là, je ne me lancerais jamais.

Alors, j'ai dit oui. Nous signons le compromis de vente lundi prochain.

Alleluia.

mercredi 23 septembre 2009

Jouer ou braquer, j'ai choisi

Avant ce drôle de coup de fil que j'ai reçu, une matinée d'août, j'avais commencé à recenser divers articles, pour une sorte de revue de presse un rien décalée. Les événements m'avaient conduite à bouleverser mes plans mais j'avais gardé en mémoire ce fait divers, lu dans Ouest-France :

Au tribunal du Mans, un prévenu avait justifié son attaque d'un distributeur de billets d'une façon assez cocasse : "J'avais impérativement besoin de 16000 euros pour ouvrir mon restaurant". Deux chalumeaux, une bouteille de gaz et hop, l'affaire était dans le sac. Enfin, presque, car le type avait mis le feu et s'était fait choper.

J'ai trouvé ça plutôt marrant et je me suis dit qu'au niveau des subventions possibles pour soutenir mon projet, il serait bon que je raye l'option braquage. Et que j'envisage de jouer au Loto, qui sait.

Coûteux, utopique, mais moins dangereux.

Samedi dernier, lorsque l'experte-comptable m'a prévenue que mon prévisionnel ne passait pas, j'ai songé à cette histoire. Puisqu'il n'était pas question de régler la solution ainsi (mon fils n'a pas de fusil à pompe en plastique, à peine deux ou trois pistolets arroseurs), j'ai retourné le problème de tous les côtés, afin d'augmenter mon chiffre d'affaires de façon réelle, sans le gonfler artificiellement.

Ouvrir le lundi midi, ce qui n'était pas prévu? Et je fais quand, l'élaboration des menus, mes courses, ma compta, les appels aux fournisseurs? Là, je ne parle même pas d'aller courir un p'tit yogging ou de m'octroyer une pause shopping, ce serait trop présomptueux. Bref, l'hypothèse ne me semblait pas très réaliste, à long terme.

Là, le sort s'en est mêlé. Voilà quelques mois, j'avais discuté assez longuement avec une jeune femme, ludothécaire de son état, qui rêve d'ouvrir un bar à jeux. Une certaine alchimie s'était créée d'emblée, mais elle était très tournée vers l'associatif et je ne voyais pas vraiment comment gagner ma vie en restant dans ce créneau.

Le temps a passé et nous nous sommes finalement rencontrées lundi soir. Tout est allé assez vite et nous avons convenu d'une collaboration enrichissante: elle viendrait animer des soirées jeux pour adultes, deux soirs par semaine - avec dégustation de tapas à la clé - et nous offririons des "dimanches en famille" pour rassembler les âmes esseulées (ou pas, d'ailleurs), où les enfants (et leurs parents!) pourraient à leur tour jouer, autour d'un goûter.

Évidemment, ces apéros dînatoires sortent du concept du salon de thé, mais ça me va très bien puisque ce terme me sort par les yeux, traînant une image surannée qui ne correspond pas au concept que je souhaite développer. A vrai dire, mon restaurant sera également un "bar à thé" (voilà, c'est dit). Mais je tiens à préciser aux plus perplexes que je garde la ligne choisie depuis le départ: ni alcool fort, ni ectasy, mon établissement sera respectable!

D'ailleurs - petit aparté - je rassure celui qui a tapé sur Google : "ne fais jamais confiance à une mouette bourrée" et qui a donc atterri ici : je ne souhaite pas travailler en état d'ébriété. Et, ici, je ne poste pas en cas d'alcoolisation de mon organisme. Trop risqué. Il m'arrive en revanche d'être très, très fatiguée, comme hier soir où je me suis réveillée sur mon canapé, l'ordi sur les genoux et le billet inachevé! J'ai eu toutes les peines du monde à le finir. Ça s'est vu je crois...

Bref, cette solution permet de donner un nouvel élan à l'affaire et d'attirer, également, un public d'habitués (ma future "partenaire" anime déjà ce genre de soirées dans trois bars de la ville), que je n'avais pas forcément ciblé Cela remet également en cause le nom que j'avais choisi. Pour l'instant, je ne suis pas décidée sur la question, mais je ne manquerai pas de vous en parler.

Demain, je vous raconterai l'autre solution que j'ai trouvée pour viabiliser mon affaire. Si simple que j'ai du mal à croire que cela va marcher...

mardi 22 septembre 2009

Comment l'extraction a failli avoir ma peau

Voilà quelques jours, j'ai écouté un message sur mon répondeur.

"Salut Steph, c'est B., j'étais rue de la Galère aujourd'hui et j'ai pensé à toi."

Rue de la galère? Moi? Comment ça, vous voyez le rapport entre les deux ?

En fait, la copine en question se faisait messagère. Cherchant elle-même un fonds de commerce pour une autre activité que la mienne, elle m'avait déjà fait visiter un local, afin de connaître mon avis, me mettant du même coup en relation avec un agent immobilier zélé.

C'est cette même personne qui lui a signalé que j'étais peut-être tombée dans la gueule du loup. Ouh, encore une histoire qui fait peurrrrrr...

En l'occurrence, B. me prévenait que le local que je visais était dénué d'extraction (un conduit que les vilaines mauvaises odeurs empruntent, plutôt que de s'installer sur les fringues des clients, condamnés, en l'absence de sortie d'air, à sentir le graillon toute l'après-midi. Vous voyez le principe). Mais surtout, que la copropriété s'opposait à une telle installation. Un peu comme une tuile, en somme. Comme si on vous collait le job de vos rêves à portée de main en le retirant aussitôt en disant: "hop, pas touche."

Vous dire que j'étais sereine après ce coup de fil serait mentir, mais enfin, j'osais croire que le problème serait résolu rapidement. En attendant d'obtenir une réponse à la DSV (services vétérinaires), j'avais écumé tous les sites possibles et imaginables sur la question. Puis sondé une restauratrice de la ville, qui vit très bien sans extraction. Les jours passaient et je n'avais plus que ce mot à la bouche. Le vendeur du local aussi, lui qui avait installé une petite hotte pour se prémunir, et qui s'inquiétait de voir l'histoire prendre de telles proportions.

C'est donc avec une impatience non feinte que je suis rentrée dans ce petit bureau, cet après-midi. L'inspecteur, la cinquantaine débonnaire, m'a semblé d'emblée du genre direct.

Et bien, tout faux. Il l'a joué à la normande. Oui et non. Ce que j'ai retenu, c'est qu'a priori, la direction des services vétérinaires, intransigeante sur la température des aliments ou les étiquettes de traçabilité de la viande, s'avère moins regardante sur les installations. Et tous ces services n'ont maintenant qu'un pouvoir consultatif. On peut les écouter et faire tout le contraire, a priori, on n'aura pas à fermer boutique du jour au lendemain, si j'en crois ce monsieur. Ensuite, comme il ne semblait pas très sûr de ce qu'il avançait, il a détourné le sujet en m'expliquant toutes les normes d'hygiène et de sécurité.

Et sinon, je fais comment pour mon histoire d'extraction? Je fais la morte ou j'installe tout?

Je l'ai senti gêné car de fait, ils n'ont aucune réponse officielle. C'est un peu du cas par cas et il était capable de me dire dans la même phrase que personne n'y verrait du feu et que j'allais avoir du souci avec le voisinage. Que je faisais bien comme je l'entendais mais qu'il se souvenait d'affaires qui avaient dû mettre la clé sous la porte. Qu'une extraction, c'était bien, mais qu'une bonne hotte, croyez-moi ma p'tite dame, ça pouvait bien tromper l'ennemi. Limite s'il n'allait pas me balancer un p'tit clin d'oeil complice.

Moi qui m'attendais à une réponse bien carrée... Si même les inspecteurs doutent, comment puis-je être certaine d'exploiter le local?

Finalement, je vais donc aller à la chasse à la hotte de compét' et espérer que ma cuisine n'empeste pas à dix kilomètres à la ronde. Tout ça pour ça, me direz-vous. Mais le point de détail s'avérait crucial pour la suite. A priori, donc, le problème est résolu et la journée aura été par ailleurs très fructueuse avec des rencontres et des entretiens à la chaîne. Avec au final l'impression que tous les maillons se mettent en place.

Et si ça finissait par aboutir?

lundi 21 septembre 2009

L'arroseur arrosé

Au début, lorsque l'on écrit son business plan (mon fameux macaron rose...), on en met des tartines, souhaitant être le plus exhaustif possible. Puis, arrive la case communication. Comment va-t-on attirer les clients? A l'époque, j'avais couché ma petite stratégie sur le papier. J'ai hésité et puis j'ai rajouté une ligne.

"J'ai d'ores et déjà créé un blog pour me faire connaître."

En soi, ça n'a rien de particulier. Si je vous dis que j'avais rajouté l'adresse, vous voyez peut-être où je veux en venir.

Au fil des mois, j'ai été amenée à présenter ce gros pavé à quelques personnes, dont les banquiers. Je me suis fait la réflexion, un jour, de l'intérêt d'avoir noté ce lien. Entre la création et les semaines qui s'étaient écoulées, le blog avait parfois pris une tournure plus personnelle. Je me mettais parfois en difficulté, toute seule, en racontant mes déboires, dévoilant ainsi une face vulnérable.

Et puis, surtout, il me fallait faire attention. Plus question de railler les attitudes des uns ou les petites réflexions mesquines des autres, sous peine de me griller définitivement.

Ceci étant dit, j'ai laissé mon macaron tel quel. Pas de parano, mes six lecteurs n'iraient quand même pas cafter, blablabla. Pour tout dire, j'ai un peu zappé la question.

Et puis, ce matin, j'étais là, à raconter mon parcours, mon projet et mes envies depuis une heure et elle a souri. Elle, la chargée de mission bancaire (j'ai un peu de mal avec le terme de banquière, ça me fait toujours penser à Romy Schneider. Bref). Laquelle, curieuse, a pris le temps d'aller vers le lien indiqué. Et a donc fait semblant de rien pendant une heure, avant de m'annoncer qu'elle me "connaissait" déjà et qu'elle avait envie de savoir qui j'étais, "en vrai".

Là, ça me fait tout bizarre de vous raconter cela car la probabilité qu'elle lise ce post (et les suivants) est grande. Et je ne voudrais pas avoir l'impression de sortir la brosse à reluire. Alors, je vais faire comme si je ne savais rien: en fait, le feeling est bien passé. C'était une banque que je n'avais pas encore sollicitée et j'ai été emballée par l'écoute et la pertinence des interrogations (non, elle ne lit pas, non, elle ne lit pas - c'est compliqué de rester spontanée dans ces conditions, pas vrai?).

Pourtant, ça partait mal. Mon rendez-vous précédent, avec l'experte-comptable, s'était prolongé, le temps que je comprenne toutes les données du prévisionnel. Et que l'on discute, également, de la situation tendue que je risquais de vivre si je ne touche pas au prix du droit au bail.

En fait, depuis samedi soir, j'angoissais à ce propos car cette CAF (non, pas les allocs familiales, mais la capacité d'auto-financement- qui sert en gros à savoir si oui ou non l'entreprise peut honorer ses prêts bancaires et quelle marge elle a pour ce faire, fin de la parenthèse bien lourde), paraît très juste, eu égard à mon chiffre d'affaires que j'ai estimé de façon très pessimiste la première année. A tel point que l'experte-comptable m'avait demandé si je tenais vraiment à présenter un tel prévisionnel, réaliste mais pas très flatteur.

J'avais besoin de connaître le "sentiment" des banques - même si, je vous l'accorde, ce terme, à connotation affective, n'est guère judicieux- donc j'ai pris le document sous le bras, pour courir, en retard et en sueur, à ce rendez-vous. Une heure plus tard, mes joues avaient de nouveau rougi, après l'aveu de la lectrice cachée, mais la boule à l'estomac s'était estompée. J'y crois.

Une heure plus tard, le vendeur du local que je vise m'appelait pour venir aux nouvelles de cette fameuse extraction. Je n'ai pas abordé la question avec lui mais il va me falloir négocier le prix d'achat. J'ai mis cela en suspens sachant qu'une seule chose m'importe, actuellement, c'est de savoir si oui ou non je peux exploiter le local.

Je suis bien allée aux services vétérinaires. Raté. Il y avait une réunion de service. Et un inspecteur directement concerné, en congés. Demain, normalement, je vous raconte le fin mot de l'histoire. Et pas la fin de l'histoire, j'espère.

dimanche 20 septembre 2009

Je ne demande pas la Lune

Parfois, j'aimerais être comme ma maman. L'âge n'a pas de prise sur elle, ni sur son visage, ni dans sa tête.

Il faut dire que pour ses 30 ans, cruelle enfant que j'étais, je l'avais vexée au plus haut point, d'une seule réflexion, spontanée et implacable:

"Ah, t'es vieille!"

Aujourd'hui encore, elle me racontait encore l'anecdote, qui lui a permis - paradoxalement - de digérer ses 40, 50 et 60 ans sans sourciller.

Elle m'avait toujours promis sa revanche lorsque j'atteindrais cet âge canonique et j'avais eu droit à une carte vacharde. J'avais trouvé cela plutôt drôle et de bonne guerre. Surtout, cela ne m'avait pas atteint plus que cela. A 30 ans, je me sentais jeune.

Oui, ça allait encore.

Cinq ans plus tard, ce n'est plus la même chanson. Pour tout dire, c'est la première fois que je sens le passage à l'âge adulte (il était temps, diraient certains). Les marques du temps se dessinent davantage chaque jour sur mon visage pourtant rond. La ride du lion, chère à Florence Foresti (qui la justifie par ce froncement intempestif des mamans lorsqu'elles surveillent leur progéniture), me donne un air sévère qui m'a souvent fait défaut.

J'ai souvent été la cadette, ou presque, dans tous les groupes que j'ai connus. Je me frayais un chemin au milieu des grands mais je gardais toujours un pied dans la cour d'à côté. Aujourd'hui, à 35 ans, j'ai l'impression de rentrer dans le moule, de faire partie de cette tranche d'âge où les femmes sont à la fois sûres d'elles et toujours plus insatisfaites. Où les femmes sont... femmes, justement.

Alors, maintenant que j'en suis une, de femme (ah ah), je ne suis pas exigeante, j'aimerais juste:

- Être enfin crédible auprès des costards-cravates et tailleurs-pantalons ;

- Arrêter de prendre un ton de petite fille dès que je sollicite une aide quelconque ;

- Aller au bout de mon aventure actuelle et tenir mon restau sans que cela semble tenir d'un miracle ;

- Devenir une maman respectable, à qui les prout-prout en serre-tête disent bonjour le matin en accompagnant leur tripotée de mômes à l'école

- Ne plus m'énerver quand mes salutations ne sont pas rendues.

Et, allez, osons les rêves les plus fous :

- Tomber amoureuse

- Que George Clooney ait le coup de foudre et plaque sa pétasse italienne, en me voyant aux fourneaux - j'accepte aussi son clone, du moment qu'il n'adopte ni cochon, ni conquêtes diverses et variées.

- Écrire un jour un joli roman, exauçant ainsi l'un de mes voeux les plus chers.

Voilà, je ne suis pas compliquée, finalement. Je ne demande pas la lune. Ah oui, simple coquetterie féminine - je suppose - j'aimerais aussi, que l'on continue de m'appeler... "mademoiselle".* Et pas "madame".

C'est bête, une fille, y'a pas à dire.

*Enfin, pour vous, ce sera toujours la mouette. Que les choses soient claires...

vendredi 18 septembre 2009

Viva la libertad!

Il a pris sa tasse de café et a trinqué avec moi: "à cette collaboration fructueuse", qu'il a dit le monsieur.

Nous venions de réaliser une prestation traiteur, à savoir hors du restau, avec que des plats bio et les couverts-qui-coupent-pas, inclus. Et sur le chemin du retour, le grand chef m'a parlé pour la première fois de mon projet comme d'une chose réelle.

J'étais un peu sciée.

Il a même ajouté, une fois revenus au restau et tandis que le cuistot à la gourmette me saluait, que l'on se reverrait : "Elle nous invitera quand elle va ouvrir!"

Après tout, cet encouragement ne lui coûte rien mais il aurait pu rester sur son discours de sape.

Voilà, cette fois, c'est à moi de jouer, je retrouve mon autonomie et j'aurai donc plus de temps pour éclaircir certaines zones d'ombre, à commencer par cette histoire d'extraction. Oui, je sais, je patine là-dessus, mais je ne peux vous en dire plus aujourd'hui. Et quand vous saurez, je vois déjà la déception s'afficher sur vos visages... Mais c'est pourtant un point crucial pour la suite des événements.

Tout ce que je peux vous assurer, pour l'instant, c'est : soit je n'ai pas besoin d'extraction et tout va bien, soit j'y suis contrainte et dans ce cas, il me faudra un petit extracteur pour balayer mes idées folles de restau de mon esprit farfelu. Oui, rien que ça.

On n'est pas là. Je vais profiter de ce week-end dès ce soir avec le spectacle de Florence Foresti et, à propos de break festif, si vous êtes observateurs, vous noterez même un micro-changement dans la page, dès demain samedi. Allez, have fun!

jeudi 17 septembre 2009

Joli tourbillon

Dur, dur de se lever ce matin, avec l'impression de n'avoir dormi que trois heures et de retourner à l'échafaud. Qu'allais-je encore entendre, aujourd'hui? Que j'allais faire du "fast food" (le cuistot à la gourmette) ? Que je me dirigeais tout droit vers la cata (le grand chef)? Que je ne pourrais jamais cuisiner ET servir (la femme du patron)? Que, que, que...

Autant vous dire que je traînais un peu des pieds, avec une petite boule au ventre.

Contre toute attente, la journée s'est passée remarquablement. De nouveau, les mêmes gestes, les couverts au vinaigre blanc, le dressage des tables, la préparation avant le coup de feu etc. Mais cette fois, j'ai pu servir au restaurant, et non au self et, à ma grande surprise, j'ai adoré ce tourbillon. De gentilles mamies, deux copines qui déjeunaient ensemble, des groupes, des businessmen, l'éternel monsieur speedy de la 8 qui mange plus vite que son ombre. Des clients qui me posaient des questions sur les ingrédients cachés et moi, toute fière, à faire la promo de cette cuisine tellement recherchée, comme s'il s'agissait de mon business!

Au fond de moi, bien sûr, je tremblais, mais une fois lancée, tout s'est enchaîné. Au final, une tasse cassée, quand même, et une écriture de cochon sur la note, semant la confusion dans l'esprit de la patronne. Mais zéro réflexion!

Demain, c'est cuisine pour le dernier jour. Si j'ai appris énormément en ces deux semaines, je dois avouer que je ne suis pas mécontente d'en finir, tant j'aimerais me concentrer sur MON projet, aujourd'hui, et ne pas avoir à courir pour négocier avec le vendeur, revoir le prévisionnel avec l'expert-comptable, chercher les aides... C'est d'autant plus compliqué lorsque votre journée de travail perso démarre à 16h, au mieux. Et qu'un petit loulou aimerait bien se souvenir qu'il a une maman (ne sortez pas les mouchoirs, je culpabilise, c'est tout).

C'était d'autant plus serré ce soir qu'il y avait quart de finale de basket et qu'à 21h, je n'étais plus là pour personne (d'ailleurs, je profite de la mi-temps pour rédiger ce post...). Un peu de temps personnel pour souffler... Quand il y a dix milles choses à régler simultanément, on en est à calculer le nombre d'heures "gâchées". Mais il reste des priorités, damned!

Cette question de planning se posera évidemment au moment de lancer mon affaire, mais à ce stade, je serai seule maîtresse à bord. Je pourrais me maudire moi-même, sans avoir à reporter la faute sur quiconque (quoique, un peu de mauvaise foi ne fait pas de mal). Je continuerai de courir à droite et à gauche en quête de réponses, sans doute, mais d'ici là, pas mal de questions auront été réglées. A commencer par cette histoire d'extraction.

Si vous êtes sages, je vous dis.

mercredi 16 septembre 2009

Bizutage

Les premiers mois de ce blog, je me creusais parfois la tête pour savoir de quoi j'allais bien pouvoir causer. Non pas que ma vie était morne et sans saveur, mais mes journées étaient remplies de choses simples. Et puis je faisais tout à deux à l'heure.

Enfin, plus ou moins.

Du coup, j'évoquais en général le seul "événement" de la journée, une rencontre, une envie, une réflexion, que sais-je... On m'a toujours appris à prendre un angle pour écrire un article et c'était vite trouvé. Aujourd'hui, je ne sais plus où donner de la tête, tant mes journées sont pleines et riches d'émotions, de stress et d'espoir, aussi.

Prenez aujourd'hui, par exemple. J'aurais pu vous raconter ma longue entrevue avec l'expert-comptable, une amie en l'occurrence (!), avec qui nous avons repris, point par point, tous les postes du prévisionnel. Ou revenir sur la bonne humeur et le soutien inattendu d'une avocate, à l'étude de mon projet. Ou encore parler de mon estomac criant famine, devant les étalages de la Biocoop - où nous sommes allés faire des courses, avec le Big Chef - résultat d'un repas à 3 calories avalé vite fait.

Mais le fait marquant du jour - l'angle?- c'était mon bizutage. Oui, encore un. J'avais rangé la charlotte aujourd'hui pour m'habiller en fille et aller en salle, servir les gens. Ceux qui mangent et qui paient pour cela. Qui font de grosses traces avec leurs doigts sales sur leurs verres, qui touillent tellement leur café que la moitié de l'arabica reste collé à la table. Oui, ceux qui jettent des miettes de pain partout, mais aussi ces autres qui tiennent à féliciter le chef pour son navet aux cranberries et sa purée de carottes à la fleur d'oranger, avec le sourire et l'air repu.

A vrai dire, cela a commencé tranquillement, à essuyer les couverts au vinaigre blanc, dresser les tables et le self (il y a une partie resto, une autre self, dans l'établissement), écouter religieusement le maître de salle - très sympa - garder en mémoire les petits trucs et visualiser chaque table. C'était calme, serein. Tout était maîtrisé.

D'un coup, vers midi dix, le chaos. Un groupe de onze filles qui arrive. Elles me parlent toutes en même temps, veulent toutes la touareg - salade au poulet -et la mousse au chocolat. Avant de changer d'avis.

Des filles, en somme.

Elles rejoignent leur table et là, tel le désert de Gobi, MON self est vide. Vite, vite, chercher des munitions. Entre-temps, la femme du patron, qui travaille également au restau, m'observe du coin de l'oeil. Non, je ne sue pas. Si, j'ai bien fait de mettre ces bottes qui glissent à chacun de mes pas. Je fais deux boulettes - je garde ça pour moi, merci - et bing, bing, elle me tombe dessus.

J'ai l'impression d'avoir fauté au plus haut point et d'être limite embarquée pour le bûcher. "C'est ton bizutage" me glisse-t-elle alors que je m'interroge sur les réelles vertus de mon déo, qui me lâche au pire moment.

Cette impression de contrôle absolu s'est évaporée en quelques minutes et j'ai compris que le coup de feu, ce n'était pas juste pour la cuisine. Le service ne m'effrayait pas plus que cela, car j'y voyais là l'occasion de communiquer avec les clients ou, au minimum, d'échanger un sourire, un moment. Bien sûr, le fait d'être scrutée ne m'a pas spécialement libérée mais je dois admettre toute la délicatesse de l'exercice. Peut-être pas sorcier, mais subtil.

Avec mes gros sabots, la subtilité, ce n'est pas franchement mon fort.

Demain, je me refais une journée au service. En tout cas, il y a en un à qui ça a plu. Le cuistot physiquement intelligent a semblé découvrir que j'étais une fille, si j'en crois son attitude, plus avenante que les jours passés. Il s'est même invité à notre table, ce midi, alors qu'il mange dans son coin habituellement. Plus incroyable encore, il a évoqué l'idée que mon restau pourrait bien marcher, pourquoi pas, si je choisis bien le concept blablabla. Une belle avancée pour lui qui m'avouait qu'il m'avait prise pour une folle de vouloir me lancer dans la restauration, moi la novice. Mais il avait une excuse en béton:

"Je suis pas le seul à penser ça, le chef aussi!"

Comme quoi, je sais bien lire dans les pensées, vous voyez?

mardi 15 septembre 2009

Le sapeur sachant saper

J'ai un scoop: je peux lire dans les pensées des autres.

Oh, attendez avant d'applaudir. Je n'ai aucun mérite.

Il me suffit juste d'un rien. Écouter la tonalité du cuistot physiquement intelligent (physiquement intelligent only, devrais-je préciser) quand il me chambre sur les cinq fruits que j'ai sortis pour le dessert du jour. "Eh, on cuisine pas pour quatre personnes, ici!"

Oui, il me suffit de fixer cet autre regard, ces yeux marrons qui me scrutent, pour voir clair. Le chef (lui aussi!) me prend pour une quiche. En voilà encore un, de scoop, tiens.

Je suppose qu'il a jeté un oeil, hier soir, à la liste des recettes que je souhaite cuisiner, later. Et, en m'observant me débattre avec des nectarines dures comme du béton, il a eu un air proche de la pitié. Avant de lâcher:

"Mais, tes recettes, là, tu les as déjà expérimentées chez toi?"

(En moi) Non, non, je vais improviser à la dernière minute.

" Non, parce qu'il va te falloir gérer ton temps..."

En gros: t'es trop lente.

Je regardais mes dix kilos de nectarines que je dépiautais donc depuis une demi-heure et là, je me suis retenue. Pas de justification. Je n'ai rien à lui prouver. Je suis là pour écouter, apprendre.

"Et puis, comment tu vas faire lorsque TOUS tes clients voudront ton plat du jour et que tu n'en auras pas fait assez ?"

D'ordinaire, j'aurais réagi. Là, je suis restée stoïque, je lui ai expliqué ma façon de procéder. Oui, je barrerai le plat sur l'ardoise quand il ne sera plus dispo, tant pis pour les retardataires. Si je veux ensuite écouler mes autres mets, je n'aurais pas le choix. A moi de suggérer les choses de façon ludique et commerçante.

La journée a passé, plus fructueuse que l'on pouvait le craindre et, au moment du café, le chef m'a de nouveau fixée, entre perplexité et un tout petit rien de condescendance. Le discours sur les restaurateurs improvisés, sur les charges monstrueuses comparé à ma faible production, sur ma lenteur, mes lacunes techniques, j'ai eu droit à tout. Je comprends ses réflexions, bien sûr et je ne suis même pas sûre que ce soit une tentative d'intimidation. Plutôt la volonté de me prévenir à quel point ce métier est dur, dangereux... pas pour moi, si je résume

J'ai déjà tellement réfléchi à tout cela que sa prose glissait un peu sur moi, pour tout dire, mais j'écoutais. S'en référant à mon attitude pour le moins discrète (par rapport à ma véritable nature, s'entend) en cuisine, il m'a dit de m'affirmer (le "davantage" était clairement suggéré), que les fournisseurs allaient me manger tout cru, sinon, et que de toute façon, il ne voyait pas comment une affaire de huit couverts allait pouvoir fonctionner (ah bon, je vais faire huit couverts?).

Étrangement, ce travail de sape ne m'a déstabilisée plus que cela. Je crois que je m'y attendais, tout simplement. Je ne vais pas renoncer, maintenant, si près du but - à moins d'un phénomène indépendant de ma volonté. Je concède néanmoins que le message de Jésus, que j'ai lu en rentrant, m'a semblé pour le moins opportun:

"Ne laisse personne t'enlever de la tête ton idée de restaurant"

Même si je suis lente? Même si je n'ai aucune base technique? Même si je rêve tout haut?

Le pire, c'est que le parcours du combattant n'en est qu'à ses débuts. Si seulement je pouvais aussi lire dans les pensées des banques, des fournisseurs ET des futurs clients, là, vous pourriez applaudir...

lundi 14 septembre 2009

Renoncer à la charlotte?

"Et, après le stage, tu vas faire quoi?"

(En moi) Postuler à Plonge Magazine?

"Signer le compromis de vente et retourner voir les banques."

(En moi) A moins qu'un saut en parachute... Mais oui, quoi de mieux pour affronter ma peur du vide? Ma peur tout court, même?

"Tu as trouvé le local, c'est bon?"

"Oui, même s'il me reste à éclaircir une histoire d'extraction... *

(En moi) Ou alors, Elle à table? C'est bien, aussi, Elle à Table. Plonge Magazine, cela dit, je saurais de quoi je parle. D'ailleurs, mes mains fripées seront mon meilleur atout.

"Attention, là, il faut faire très attention aux normes."

Nous étions à la désormais traditionnelle pause de 15h30, après le service, entre deux tournées de vaisselle - et les pieds encore trempés de la douchette que madame poil de caniche aime à diriger vers moi - lorsque le chef s'est inquiété de savoir ce que j'allais devenir, ensuite.

On a donc parlé loyers, normes sanitaires, fonds de commerce à dix millions de dollars, avant de retourner essuyer les carafes qui semblaient se démultiplier au fur et à mesure.

Et puis, au moment de partir, il m'a montré les papiers qu'il avait reçus de Pôle Emploi, afin de m'évaluer. Souci: mes employeurs lui demandent de noter ma capacité à diriger, accueillir, gérer le personnel et la trésorerie, ce genre d'impondérables propres à un boss, en somme. Là, il était perdu.

Moi aussi, à vrai dire. Je ne suis qu'une apprentie, dans ce restaurant, une genre de sous-fifre (mais respectée, attention, pas un mot plus haut que l'autre) et il devrait donc juger de mes capacités de chef d'entreprise. C'est au-dessus de ses forces. J'avoue que je ressens la même chose.

Je vois mon p'tit resto comme ma petite affaire, avec toute l'inconscience que cela engendre forcément, mais aussi la fantaisie dont j'ai besoin pour respirer, au quotidien. Tout cela n'est guère compatible avec l'image que l'on peut se faire d'un gestionnaire, d'un patron, en somme. Non, je ne vais pas me lancer, la fleur au fusil, mais c'est vrai que mon profil est atypique par rapport aux vrais restaurateurs. Aux propres boss, tout court, d'ailleurs.

Je le voyais donc gêné, cherchant une solution, avant de suggérer:

"Il faut que tu prolonges ici, que tu fasses une troisième semaine."

Waouh, et moi qui pensais être un boulet pour lui, voilà qu'il en redemande! L'idée, ce serait donc de visualiser les tâches quotidiennes d'un gérant, mais aussi aller en salle, servir, être au contact des clients. Renoncer à ma charlotte, pour aller me frotter à des vrais gens.

J'avais envisagé l'éventualité mais je pensais que, eu égard à sa réputation, il n'avait pas envie de lancer dans le grand bain une débutante. A priori, une troisième semaine n'est pas possible auprès de Pôle Emploi (les EMT sont limitées à deux, sinon, ça ferait une main d'oeuvre gratuite pour les employeurs, logique) et je ne l'imagine pas me proposer un CDD ou de l'intérim juste pour m'avoir dans ses pattes. Je vois déjà sa tête, demain matin, lorsque je vais le lui annoncer. Et je sens que j'ai intérêt à prévoir une double tenue, la mimi cracra pour la cuisine et la "bien sous tout rapport" pour la salle.

Au pire, ensuite, je pourrais peut-être envisager des piges à "Serveurs Magazine", qui sait?

* Je vous raconterais ça, si vous êtes sages.

dimanche 13 septembre 2009

Envie de dormir...

Aujourd'hui, j'avais dans l'idée de repérer quelques fournisseurs, à l'occasion de la Foire commerciale qui se tient au Mans. Je me voyais déjà engager la conversation avec le gros rougeaud basque ou la fromagère normande, faire la causette au vigneron du coin et collecter les cartes de visite à ne plus savoir qu'en faire.

Deux heures plus tard, je suis repartie, bredouille. Sans vin, fromage ou saucisson.

Mais avec un matelas.

C'est ce qui s'appelle sortir de ses objectifs, j'imagine.

samedi 12 septembre 2009

Songe culinaire

Tout était gris. Lourd. Sale. Et puis, d'un coup, la lumière, ces assiettes en triangle rose, vert anis, rouge... Ah, au secours, elles me sortent par les yeux!

Non, ne cherchez pas, même mes nuits sont désormais peuplées de grande cuisine en inox, avec des cellules de refroidissement, une chambre froide où j'ai cru être enfermée hier soir, des bacs énormes de vaisselle sale, des gens cernés qui courent en chaussures de sécurité seyantes et des portes chaque jour plus martyrisées par des coups de pied rageurs...

Et non, ne cherchez pas pourquoi j'aime ça. Je m'inquiète moi-même, parfois, tiens.

vendredi 11 septembre 2009

Un forçat toqué

23h50. J'arrive tout juste du service du soir, mon premier. Et à vrai dire, après une journée éprouvante, pour des raisons personnelles, je ne pensais pas l'apprécier comme ce fut pourtant le cas. J'avais autant envie de rejoindre la cuisine que d'aller sauter d'un pont mais finalement, l'ambiance que j'y ai découvert ce soir valait le déplacement.

D'abord parce que le soir, c'est particulier, et je sentais le plaisir, enfin, du chef, qui a mitonné des trésors gustatifs (je le sais, j'ai testé la sauce au thé et à l'huile de pistache, une petite tuerie). Il fallait les voir dresser chaque assiette, avec cette flamme que je n'avais pas perçue à ce point depuis le début de la semaine! Et pourtant, la fatigue était là, avec un chef d'entreprise décidément au four et au moulin, présent depuis 4 heures du matin... Le chef de salle m'a même raconté qu'il lui est arrivé de dormir sur place!

Respect, comme disent les djeunes. Non, sérieusement, c'est tout simplement remarquable, même s'il se tue à la tâche. Il ne triche pas, lui. Il ne néglige rien et réalise tout lui-même. Y compris la vinaigrette, que je pensais industrielle, trompée par les immenses flacons que j'avais vus. Ce soir, le cuistot physiquement intelligent m'avouait d'ailleurs à quel point il était impressionné par cette force de travail, en estimant que "c'est comme ça qu'il y arrivera."

Pourtant, à voir la triste mine de l'intéressé au moment de résumer la soirée - douze couverts- j'ai compris à quel point toute cette débauche d'énergie n'était pas récompensée à sa juste valeur.

Une fois toute la popote finie, nous avons discuté, d'un peu de tout, et en évoquant les restaurants manceaux, on a cité le cas d'un établissement très couru de la cité, où il faut généralement réserver - et ce depuis des années - et dont la cuisine s'avère assez... ignoble. La purée si appréciée serait en fait de... la Mousline, seulement agrémentée de quelques champignons, si j'en crois le cuistot qui y a passé un essai, le dessert "hit", des brioches d'un hypermarché. Là, le chef s'est retourné vers moi et a admis, défaitiste: "oui, et pourtant, il gagne bien mieux sa vie que moi." La qualité contre la quantité, c'est un débat récurrent.

C'est facile de juger. Évidemment, le restau où je travaille actuellement s'avère moins rentable que cette sorte de cantine, étrangement bien cotée, qui plus est. Et je comprends tout le danger qu'il y a à se lancer, sans rien renier de ses exigences qualitatives et gustatives. Il est impératif de combiner ces dernières à du business, en tentant juste de rester le plus proche de ses convictions.

C'est un challenge, mais je ne suis plus à un près...

jeudi 10 septembre 2009

Le numéro que vous avez demandé...

Usée, je suis usée, je fais trois journées en une et là, je rends les armes: ce sera un post de grosse fainéante. Première journée, plutôt réussie malgré quelques boulettes - j'en ai d'ailleurs roulées, aussi - pendant laquelle j'ai fait des choses que j'aime, comme de la pâtisserie ou du pétrissage. Petite surprise, à la fin du service, c'était reparti puisqu'il y avait un cocktail à préparer, avec petits fours chiadés, des "choses basiques" a assuré le chef - dont la créativité m'épate chaque jour davantage - mais qui sollicitaient tout le monde.

Bref, tout ça pour dire que j'ai dû pédaler très, très vite pour assurer ma deuxième journée, sans passer par la case douche et changement de tenue. C'est donc en mimi cracra que j'ai attendu mon loulou à la sortie de l'école, histoire de jouer à la maman. Je pensais attendre l'extinction des feux pour démarrer ma troisième journée - concrétiser, enfin, mon projet - mais la conseillère bancaire m'a devancée, m'appelant pour me poser une colle:

"J'étudie votre dossier et je me demandais: pourquoi le vendeur de votre local demande-t-il autant pour un droit d'entrée au bail, alors qu'il ne peut annoncer de chiffre d'affaires équivalent au prix demandé ?"

J'y réfléchis, et je vous rappelle, hein. Trop de choses à l'esprit pour y voir clair, aujourd'hui.

mercredi 9 septembre 2009

Bloody apprentie

Troisième jour en cuisine et une scène tout droit sortie de Scary Movie? Oui, c'était moi, à 9h32 environ, tentant de cacher ma maladresse, en vain. Le sang coulait: démasquée.

Le responsable, c'est ce grand couteau, tellement bien affûté qu'il a eu raison de mon pouce. Enfin, je dramatise, tout va bien, mais bon, je me serais bien passé de ce mini-break à l'infirmerie. Du coup, pas malheureuse, j'ai été dispensée de trancher les sept kilos de courgettes qui m'attendaient. La petite salade au melon et à la coriandre, c'était moins dangereux.

Le chef doit penser que je suis une vraie quiche, mais voilà, je n'ai pas l'habitude d'être observée ainsi et comme je vais à peu près dix mille fois moins vite que lui à tailler des tomates, oignons, échalotes en dés. J'avoue, j'ai l'impression d'avoir 10 ans et de découvrir les fourneaux.

Son comparse le cuistot, un être physiquement intelligent que j'ai découvert la veille, n'en pense pas moins. Aujourd'hui, sourire en coin, il me l'a joué : "eh, t'as vu, hein, c'est dur comme métier, et puis faut être fort dans ta tête quand les clients te diront que c'est pas bon, parce que ce ne sont pas tes amis, eux." Bon, dit comme ça, le garçon passe pour un être un rien hostile mais en fait, non.

Et je ne dis pas ça parce qu'il a par ailleurs d'autres atouts - même si la gourmette gâche un peu le personnage.

Il juge ma démarche d'un oeil sceptique, parce que, ouvrir un restaurant pour un non-initié, ce n'est rien d'autre qu'une hérésie au regard des "vrais" cuistots. Les pros, avec leurs jolies chaussures de sécurité et leur pantalon rayé. A force, je connais le discours par coeur. Eh, les gars, je ne cherche pas à marcher sur les traces de Bocuse! J'envisage un lieu de vie, au delà d'une cantine, vous voyez le genre?

Non?

Non. Eh bien tant pis. Peu importe. Rien que pour cette expérience en cuisine, ça valait le coup. Entre l'apprentie un peu particulière (je crois que je n'avais jamais vu de ma vie une fille avec des poils de caniche sous les bras), le chef à la limite du borderline, le cuistot arrogant et le serveur nonchalant qui a gratté une journée de travail pour s'être battu (!) la veille, je suis vernie! Je vais donc tenter d'éviter une amputation de la main afin d'arriver au bout de cette aventure, en espérant secrètement entendre le rire du chef, un jour.

Oui, je sais, je suis une éternelle utopiste. N'empêche que je l'ai vu esquisser un sourire, aujourd'hui.

Enfin, il me semble.

mardi 8 septembre 2009

Le plus fou n'est pas celui que l'on croit

En apparence, nous étions quatre personnes, tranquillement installées en terrasse, à siroter un café, prenant le soleil.

En apparence, donc.

Parce qu'en réalité, nous étions tous fourbus, éreintés, suintants et conscients du miracle accompli. Aucun retour de plat, pas de clients mécontents. Quelques haricots verts tombés par terre, certes (hum, hum), un concombre trop dépiauté, mais globalement, rien qui puisse assombrir l'horizon.

Il était plus de 15 heures et le service s'était achevé plutôt sereinement. J'avais multiplié les chargements de chariot et pour tout dire, j'avais passé plus de temps à presser la douchette que les robots ménagers. Mais c'est aussi cela, la cuisine.

Et nous étions donc là, à savourer quelques minutes de répit avant de repartir à l'assaut de cette satanée vaisselle sale. L'occasion, me semblait-il, d'entamer la conversation avec le chef, afin de découvrir son parcours.

Je n'avais pas pris en compte que le chef, justement, est d'une nature taciturne. Et très, très stressé. Il m'a donc indiqué qu'il était cuistot depuis 32 ans. C'est à peu près tout ce que j'ai pu en tirer. Lorsque je l'ai interrogé sur la provenance de ses si beaux légumes, il s'est renfrogné: en gros, on ne peut compter sur personne, si ce n'est soi-même, et les fournisseurs tentent toujours de refourguer leur vieille came si on a le malheur de demander la livraison.

Voilà au moins une leçon retenue.

Il s'est tu. Son visage sec ne m'avait jamais semblé aussi soucieux. Et là, il a conforté l'impression que j'en avais depuis sa rencontre. Il est tout, sauf un hédoniste. Il voit son métier comme une sorte de fardeau - bien malgré lui, j'imagine.

Il a fait une petite moue. "Il faut être fou pour faire ce métier."

C'est bien cela. Lui qui s'avère si créatif dans ses plats, si consciencieux dans le dressage, est aussi devenu une sorte d'automate, qui a dû renoncer au plaisir pour simplement faire tourner sa boutique. Je le trouve admirable, sincèrement. Il ne triche pas, peaufine le moindre détail, pose le persil plat avec une attention délicate sur la viande, avant de verser la sauce, concentré au plus haut point. Mais le plaisir, il n'a plus le temps de le ressentir.

On a tous entendu l'éternel discours sur la difficulté de la restauration. Je n'en ai jamais douté mais l'expérience que je vis me donne une idée concrète du miracle permanent que constitue un service sans heurts. Cela ne me décourage pas, bien sûr, car je n'ai ni l'ambition, ni la prétention de me transformer en chef. Mais je comprends d'autant mieux les réticences de tous ceux qui ont pu m'écouter, depuis le début de ma reconversion.

Aujourd'hui, j'ai enfin un élément de comparaison. Et plus que jamais, je m'engouffre dans la voie de la cuisine maison. Bien loin des "vrais" restaurants traditionnels, mais plus près chaque jour de mon rêve.

lundi 7 septembre 2009

Charlotte on head...

Si j'étais parano, je pourrais penser que mon ami l'inventeur du salon de thé avait envoyé l'un de ses sbires me réveiller d'un coup violent d'interphone à 4 heures du matin.

Mais comme je suis parfaitement équilibrée (ah ah ah), j'ai juste supposé qu'il y avait des tarés partout et que j'en étais quitte pour une nuit raccourcie, alors que j'étais déjà perturbée par de funestes pensées. Pile au moment où il m'était indispensable d'être au top de ma forme.

Lorsque le réveil a sonné, j'ai compris que l'objectif ne serait pas atteint. Le teint blanchounet, juste rehaussé du bleu des cernes, un vrai bonheur.

Car c'était aujourd'hui le grand jour. Ma première journée au restaurant. Pas le mien - je vois que ceux du fond ne suivent pas - mais celui de l'homme triste et anxieux.

Bon, finalement, lorsque je suis arrivée, j'ai compris que mon air anémié n'avait que peu d'importance, le chef avait déjà la tête dans le guidon et l'apprentie des cernes dix mille fois plus marqués que les miens.

Et puis, avec une charlotte, hein...

Oui, j'avoue: j'ai passé la journée avec une magnifique charlotte sur la tête. Et un joli tablier. Mais surtout dans une VRAIE cuisine, toute aménagée, avec la chambre froide, les ustensiles professionnels et tout ce décor en inox qui avaient de quoi m'intimider. Le chef m'a donné un couteau et ses consignes, au fur et à mesure. Figues rôties au vin rouge et aux quatre épices, bouillon aux légumes, dressage multiple de salades, radis noirs, tomates, fèves, faisselle aux fruits secs et compagnie, il était midi que je n'avais rien vu passer.

Toujours pessimiste, le chef appréhendait une salle vide. Contre toute attente, c'était blindé. Je me suis laissée entraîner dans ce tourbillon, virevoltant entre riz au lait et flan de légumes, chacun étant incroyablement concentré sur sa tâche, courant, glissant, revenant sur ses pas, jonglant entre tatin de légumes, porc au chocolat et compotée de nectarines.

J'avais peur d'avoir peur.

En fait, j'ai adoré cette ambiance. La pression était palpable, certes, mais cette sensation de travail accompli, je ne l'avais pas ressentie depuis un moment. D'ailleurs, lorsque je suis partie, sincèrement, j'étais vidée.

Et vous savez quoi? J'avais faim.

dimanche 6 septembre 2009

Pour lui, pour elle

Une voix, de nouveau
Un drame, encore
Une âme qui s'endort
Une maman qui part trop tôt

L'esprit qui s'emmêle
Les jambes qui flagellent
L'estomac noué
La gorge serrée

Dehors, le soleil, le bleu du ciel
Le tintement des bicyclettes
Le vrombissement des mobylettes
Et la mort qui frappe de tout son fiel

Que représentent les mots?
Il n'y a plus de blabla
Il n'y a plus d'apparat
Le regard se tourne là-haut

Sans foi, sans oraison
C'est là que l'on cherche une raison
Il reste le silence et l'envie,
paradoxale, de pousser ce cri :

Pourquoi?

vendredi 4 septembre 2009

Coupez-le, il repoussera plus fort encore

La nuit fut courte mais je me suis levée du bon pied ce matin. J'avais rendez-vous. Chez Café Clochette (dont je vous recommande chaudement le blog, j'insiste), à Rennes, accompagnée d'une amie. Cela faisait un moment que je souhaitais rencontrer la fameuse cafelière et son restau. Eh bien, je n'ai pas été déçue! D'entrée, la petite et mignonne Clochette, jeune chatte un rien fofolle, nous a accueillies, dans ce cadre si chaleureux, à l'atmosphère bien particulière, entre vrai établissement (miam! ) et ambiance familiale, comme à la maison.

Il y avait du monde, ce midi, et plus de poulet au citron confit. Qu'importe. La brick de thon et le brownie ont épaté mes papilles, et je me suis même régalé d'une terrine de saumon-baies roses, moi qui déteste ce poisson! Le service terminé, nous nous sommes installées à la table de Pascale et de son employée-complice, Christine, pour discuter, échanger, raconter les joies, les galères...

La cafelière, c'est la force tranquille personnifiée. Rien de moins. Sa présence est apaisante, son sourire contagieux. Loin de moi l'idée de la flatter, elle me conforte juste dans l'idée que les convictions et l'énergie permettent de soulever des montagnes. C'est un défi permanent qu'elle relève, guidée par la foi et la sérénité.

Suivant le conseil avisé de la cafelière, nous sommes ensuite passées dans un autre restaurant à caractère familial, les Libellules, toujours dans la cité bretonne. Un immense lieu, clair et ludique, ouvert aux (tout) petits et grands. A vrai dire, j'ai été davantage charmée par Café Clochette, plus intimiste, plus unique, aussi.

Cette rencontre m'a reboostée. Ce soir, je me suis pris un petit tâcle (oui, ouin, je sais que tu lis, mais quand tu fais partie de l'histoire, je suis bien obligée d'en parler, non?), constructif. Sur l'idée que j'abandonnais trop vite l'hypothèse de ce local tant décrié par l'expert-comptable. Sur l'idée que, peut-être, au fond, ma versatilité était mon plus gros obstacle à la concrétisation de mon projet. Sur l'idée que j'avais peur.

Oui, j'ai peur, bien sûr. Pourtant, je sens mon énergie décupler. Comme je le lisais ce matin dans un joli portrait de l'auteur américain James Frey, en dernière page de Libération, "Coupez-le, il repoussera plus fort encore." Je ressens cela en moi. Non, je ne me cherche pas de fausses excuses pour laisser tomber. Oui, j'ai donné trop de pouvoir à ce briseur de rêves, qui ne s'est pas fait prier pour en abuser. Oui, je suis influençable car je découvre, chaque jour, un univers qui m'était totalement étranger il n'y a pas si longtemps.

Suis-je prête à me jeter dans le vide ? Ou pas? Je croyais l'être. Ses hésitations prouvent sans doute que non. Le discours tellement ferme du fou-des-chiffres-qui-ne-l'est-pas-tant m'a stoppée net dans mon élan. Je me suis fiée à sa supposée compétence sans penser qu'il n'avait pas forcément la science infuse.

Je me suis emportée. Bien sûr que je suis seule à savoir si telle ou telle solution me serait bénéfique, mais sans doute ai-je besoin d'avoir plus foi en moi-même. Tout simplement.

J'ai l'impression qu'il me serait parfois profitable de ne pas partager mes états d'âme, au risque de laisser paraître toutes mes faiblesses... De prendre le bâton pour me faire battre, comme l'a suggéré un autre lecteur régulier.

C'est ma vie, j'ai choisi de la raconter, à moi d'en assumer les conséquences. Plutôt que d'évoquer mon dépit et mon impuissance, hier soir, sans doute aurais-je dû rester stoïque et laisser passer le torrent de sentiments qui m'a traversée. Je suis trop spontanée pour cela. Trop stupide, aurais-je même écrit il y a peu.

Mais désormais, je le sais : Il me faut relever la tête.

jeudi 3 septembre 2009

Le monsieur-tueur-de-rêves

Je vous avais parlé, brièvement, d'un local que j'avais visité, la semaine passée, alors que j'avais encore la tête dans le brouillard. Je ne voulais pas m'emballer, alors je me suis laissé un peu de temps de réflexion, histoire de ne pas connaître une nouvelle désillusion.

Pour tout dire, l'emplacement me semblait moyen, de prime abord, mais certains aspects s'avéraient séduisants: près de la place principale de la ville, joli cadre, avec pierres apparentes et parquet, une cuisine à part, toute refaite, de l'espace, une superficie idoine pour mon activité... L'idée avait fait son chemin, dans mon esprit. J'ai fini par rappeler le vendeur en lui signalant, de façon la plus dégagée possible, qu'éventuellement, je pourrais être intéressée. Il a sauté sur l'occasion, a revu son prix au rabais et, à vrai dire, l'affaire semblait bien engagée.

J'ai fini par déclencher les hostilités. En début de semaine, j'ai bouffé mon forfait à prendre rendez-vous avec les banques, entre une séance chez le médecin pour loulou et un entraînement de football, emmenant même le loustic à l'AFPA pour y réaliser un nouveau prévisionnel.

Vous savez quoi? Ça passait. Même avec un loyer élevé.

Je me suis dit que cette fois, la chance était avec moi. Je suis allée plutôt confiante, à la banque, cet après-midi. La conseillère m'a de fait bien accueillie, m'assurant que mon "projet était bien ficelé, qu'il tenait mieux la route aujourd'hui et que, même si la première année risquait d'être un rien difficile, il n'y avait a priori pas de raison de refuser un emprunt." Elle m'a donc parlé de "compromis de vente", de "déclencher les aides pour la création"... Tout ce lexique vu et revu depuis des mois qui, d'un coup, prenait forme.

Alléluia.

Entre-temps, j'avais réussi à m'immiscer dans le planning de l'expert-comptable, homme dynamique s'il en est, loin de la caricature de l'homme-aux-lunettes-et-au-cul-serré. J'arrive donc, souriante et confiante et je n'ai pas le temps de m'asseoir qu'il me demande:

"- C'est à quel numéro de la place, ce local ?"

Je lui précise. Et là, c'est le drame:

"- Surtout pas! Ça n'arrête pas de se casser la gueule, ce fonds-là, c'est même pas la peine, ça marchera jamais!"

Et de m'expliquer que c'est la faune, que ce quartier, à dominante nocturne - je le concède- ne drainera jamais qu'une population de jeunes soiffards, que le lieu est coincé entre un kebab peu ragoûtant et une laverie que squattent les SDF, que, que, que...

Merci, m'sieur. Tu m'as cassé mon rêve.

J'exagère? Bien sûr, ce n'est qu'un local, cela ne remet pas en cause ma future implantation. Mais en fait, je vis cela comme une nouvelle désillusion. Entre toutes les offres à 300.000 euros le pas de porte et les fonds décatis, j'avais fini par trouver un lieu, en centre-ville, à un prix décent, déjà aménagé, nickel, que je pouvais gérer toute seule et dont le financement allait se faire fingers in the noise, ou peu s'en faut... Et, en deux minutes, l'expert-comptable a rayé l'éventualité, d'un trait définitif, qui me laisse peu de perspectives.

Lui me voit dans un lieu avec un joli cadre, où l'on aurait plaisir à rester ,"une fois bu le chocolat chaud. Autre chose que la vue sur un parking, pas vrai?"

Oui, il m'imagine dans la vieille ville, en gros. Il me suggère d'acheter une maison et d'y implanter mon restaurant, en créant tout. Depuis le début, j'en rêve, bien sûr, ce serait l'idéal... Mais comment convaincre les banques de me laisser acheter un lieu d'habitation, alors que je suis toute seule? Qu'elles tiquent quand elles voient un local à 60.000 euros?

Je gardais le sourire, mais je sentais grandir en moi une grande vague d'injustice et de mélancolie. Il l'a senti, je crois. Il m'a demandé ce que je faisais, avant. M'a suggéré de reprendre un poste de journaliste, en attendant. Oui, j'irai au bout de mon rêve, je finirai par y arriver, m'a-t-il assuré. Mais il faudra du temps.

C'est un coup d'arrêt. Oui, c'est le sentiment que j'ai ce soir. L'expert a usé de son devoir (pouvoir?) de garde-fou. Je pourrais choisir l'un de ses confrères, pour qu'il me dise ce que j'ai envie d'entendre. Mais en même temps, je ne suis pas folle, j'ai écouté ses arguments - ils étaient les mêmes que ceux que j'avais moi-même soulevés.

Je ne peux pas lui en vouloir. En rentrant, j'ai réfléchi. Longuement. J'ignore ce que je vais faire de ma vie. Sincèrement.

Non, je ne peux pas lui en vouloir. D'ailleurs, lorsque je l'ai quitté, j'ai même lâché le mot.

Merci.

C'est bien ma veine, suite

Après la rencontre inattendue de la veille, j'ai croisé... la gérante du restau que j'ai longtemps convoité.

A l'école.

Dans la classe de mon loulou.

Décidément, la ville mancelle est toute petite.

mercredi 2 septembre 2009

Off

Journée off, aujourd'hui, avais-je décidé. Pas de coup de fil à une banque quelconque, pas de rendez-vous, rien. Après une matinée de nettoyage de printemps, j'accompagnais mon loulou au foot, pour son premier entraînement. Devant nous, un homme, au visage fermé.

L'homme qui aimait les croque-perdus.

Son fils joue dans la même équipe que loulou. C'est bien ma veine.

mardi 1 septembre 2009

Ni zen, ni parfaite

"J'suis content d'aller à l'école."

Il a lancé ça en remettant la couette sur son lit. J'ai eu envie de lui dire qu'il n'avait pas à me mentir, que je n'allais pas le gronder pour ça et qu'il pouvait tout aussi bien être sincère. Un peu plus et je lui racontais les torrents de larmes que je déversais à chaque rentrée - surtout quand mon père m'accompagnait, ça marchait mieux sur lui.

En fait, il était sincère. Mon loulou attend "l'événement" avec impatience.

Moi, moins. Va savoir pourquoi, l'idée de se lever trop tôt tous les matins et de répéter chaque jour : "on va être en retard, on va être en retard... On est en retard, non mais dépêche-toi, allez cours, vite, vite, non, arrête-toi, y'a le tram..." La routine. Oui, je sais, je suis contradictoire, je rêvais hier de train-train et je suis aujourd'hui en train de maudire ces habitudes que l'on prend dans l'année. Cherchez pas, 'suis une fille. Et une maman, donc.

Forcément, le ELLE de la semaine passée, décidément prolifique (je n'ai toujours pas entamé celui de la semaine, débordée!) m'intéressait au plus haut point. L'article en question?

"Tout pour être une mère zen et efficace"

En gros, toutes les astuces des psy, des people et des mamans "lambda" (ah, ah) pour survivre au stress de la rentrée. Alors, c'est bien foutu, hein, puisque divisé en grands thèmes. Pour le coup, j'étais limite à sortir mes ciseaux, ma colle et mon cahier de tâches pour tout répertorier, tellement ça m'emballait. De fait, tout (ou presque) cela s'avère pertinent et pragmatique, même si, au fond, je n'ai rien relevé de transcendant.

Il y a néanmoins un thème qui a retenu toute mon attention. Le premier:

"Je renonce à être parfaite"

Personnellement, je crois n'avoir jamais envisagé pareil challenge, consciente de mes nombreuses faiblesses et toujours attentive aux avis de Pierre, Paul et Jacques qui font systématiquement nettement mieux que moi. Je m'étais d'ailleurs bien amusée à la lecture de "Comment ne pas être une mère parfaite", au moment de la naissance de mon fils, ravie de constater que je remplissais tous les critères.

Quitte à passer pour une réac, j'ai cette fois retenu que :

- Françoise allait gaver son môme de pépites à base de fruits, 1,50 euros le petit sachet de 3g (j'exagère à peine), histoire que son roudoudou mange sa portion de fruits/légumes quotidienne. C'est d'un banal, aussi, de leur filer des pommes à croquer...

- Anne, de son côté, a négocié comme un chef: une DS contre de meilleurs résultats scolaires. Véronique, elle, affirme qu'elle donne à son fils, 7 ans, "l'impression que c'est lui qui a la main". Rien à dire, c'est classe et ça ne donne aucun pouvoir au tyran, oups, au gamin.

- Nathalie, à la tête de trois enfants en bas âge, a "renoncé à donner le bain et le dîner moi-même", tâche qui incombe donc désormais à la baby-sitter, arrivant juste pour le coucher de ses bambins. Je lui suggérerai les contes de Marlène Jobert, super bien faits, qui permettent même de se défiler discrètement pendant que l'ancienne actrice berce les agneaux de sa jolie voix.

- Quant à Camille, elle estime que si son Tom flirte avec le grunge en refusant de se laver deux jours de suite ou se goinfre de sandwiches sur le canapé, eh bien, peu importe, il est si mignon...

Loin de moi l'idée de juger (quoique, le mal est fait), je conçois que pour certaines de ces femmes, la vie quotidienne s'apparente à un marathon. Je ne sais pas où le magazine est allé pêcher ses témoignages (même si j'en ai une idée) mais je suis convaincue que ces mamans n'ont justement rien de "lambda". Dans ce contexte, faut-il ériger cela en "astuces", en "trucs à suivre" ? Oh, je sais, tout ça n'est rien qu'un marronnier de plus (un sujet qui revient de façon régulière, comme les régimes en avril et cet escroc de Père Noël en hiver). Mais en voulant déculpabiliser les femmes, l'article ne fait finalement que pointer l'hérésie de la vie moderne et la difficile combinaison entre femme et maman.

Autant vous dire que j'ai reposé mes ciseaux et ma colle.

Il m'arrive moi-même de "tricher" pour guider mon loulou vers les choix que j'estime justes. Mais enfin, j'évite de l'ébruiter. Quitte à être une mère imparfaite, autant garder la chose la plus secrète possible avec son rejeton, non ?